Quelles sont les conséquences du mariage forcé à Kalemie ?

Pour citer ce mémoire et accéder à toutes ses pages
🏫 Université de Kalemie - Faculté de Droit - Département de Droit Privé et Judiciaire
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2020
🎓 Auteur·trice·s
BISHINDO WA KABILA Judith
BISHINDO WA KABILA Judith

Les conséquences du mariage forcé révèlent une réalité troublante : malgré des lois existantes, la répression demeure insuffisante en droit congolais. Cette étude met en lumière l’inaction des autorités judiciaires face à cette pratique persistante, essentielle pour comprendre les enjeux socio-juridiques à Kalemie.


Etat de la question

Tout chercheur débute son investigation par une lecture de la littérature spécialisée tant sur les considérations théoriques du thème retenu que sur les recherches empiriques menées antérieurement par ses prédécesseurs. Cela lui permet de se faire une idée sur la valeur de la dissertation et sur les opinions des autres auteurs afin de dégager sa modeste contribution à la roue de la recherche scientifique.

Ainsi, nous conformant à cette exigence scientifique, nous avons compulsé quelques travaux relevant du domaine de recherche dans lequel s’inscrit la présente étude. De ce fait, nous nous limiterons à circonscrire les constats, les problématiques soulevées, les hypothèses émises ainsi que les résultats obtenus par les auteurs que voici :

1° le Lieutenant-Colonel Laurent MUTATA LUABA, dans son ouvrage « la protection de la sexualité responsable »3 a fait son constat en estimant que l’institution ‘’mariage’’ bénéficie de la protection tant de la légalité internationale que de la légalité nationale du fait que dans la sphère juridique internationale, il appert des instruments internationaux qu’ : « à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, à la nationalité et à la religion, ont le droit de se marier

et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de la dissolution, le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux ». Et dans la sphère juridique interne, le constituant congolais proclame à la l’article 40 de la constitution de 2006 que :

« tout individu a le droit de se marier avec la personne de son choix, de sexe opposé et de fonder une famille ».

L’auteur continue son constat en mettant en exergue les dispositions des articles 48 et 49 de la loi portant protection de l’enfant qui font une interdiction stricte aux fiançailles et aux mariages d’enfants. L’auteur estime que c’est pour s’inscrire résolument dans une vision protectrice du mariage forcé qui, selon l’idée de l’auteur, sans être, à proprement parler, une innovation dans l’arsenal juridique national, revêt une double dimension novatrice tenant, d’une part à son champ d’application limité aux personnes exerçant l’autorité parentale ou tutélaire sur les victimes de l’extension de la portée des actes reprochés à l’agent et, d’autre part au renforcement des pénalités y relatives.

Par ailleurs, résumant le contenu de sa pensée, l’auteur démontre ou émet le vœu ardant de voir le législateur congolais de réforme du code de la famille, de supprimer purement et simplement l’alinéa 2 de l’article 336, en se conformant à l’environnement juridique international pour la sacralisation de la victime et surtout de la victime mineure car, selon l’auteur, en maintenant l’alinéa 2 de l’article 336 du code de la famille, le législateur congolais semble sauvegarder la primauté de l’ordre de la famille ou de

relations spécifiques sur la loi, même récente du fait que si la contrainte du mariage est exercé par le père ou la mère, le tuteur ou toute personne exerçant en droit l’autorité sur la victime, celle-ci a la faculté de saisir le conseil de famille qui y statue… et c’est seulement en cas de désaccord que le tribunal de paix sera saisi de cette contrainte.

Pour l’auteur sus-évoqué, cette solution semble dramatique pour les victimes et, en particulier, pour les victimes mineures dont on connaît l’incapacité de mûrir les décisions et pour les autres victimes majeures qui peuvent se présenter devant un groupe de pression, non-affranchi des pesanteurs coutumières et porté à faire triompher la cause des personnes plus âgées,

3 MUTATA LUABA L., La protection de la sexualité responsable : étude basée sur la loi de 2006 portant violences sexuelles et sur la loi de 2009 portant protection de l’enfant, éd. Du service de documentation et d’études du Ministère de la justice et garde de sceaux, Kinshasa, 2009, pp.413-418.

revêtues de la présomption de la sagesse et qui ne peuvent être humiliées devant les enfants, même majeurs.4

En effet, nous convergeons avec les idées de l’auteur en ce que, nous insistons tous sur la liberté du consentement dans le chef de chaque individu ayant atteint l’âge nubile pour contracter mariage d’exercer un choix libre et éclairé de son partenaire et nous constatons tous la contrainte exercée par les auteurs de l’incrimination du mariage forcé dont le père, la mère ou le tuteur, telle que prônée dans les instruments juridiques internationaux conformément à l’article 174f de la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais.

Par contre, en dépit du constat fait par l’auteur ci-haut indiqué par rapport à l’infraction du mariage forcé, nous nous démarquons d’avec ce dernier en ce que notre étude ne se limitera pas seulement à analyser ladite incrimination de mariage forcé mais elle ira trop loin jusqu’à déceler ou à ressortir les conséquences socio-juridiques ainsi que les causes qu’engendrerait ladite infraction.

2° Sylvie SEKELE MUSANGA, dans son mémoire de fin d’études universitaires qui a porté sur : « le mariage forcé et ses conséquences en droit congolais », dans son observation, pense que les sociétés humaines sont par essence sujettes à des perturbations, c’est pourquoi le législateur congolais a prévu des normes et des lois à observer afin de remédier à ces imperfections. Pour ce faire, l’auteur estime que l’homme est tenu d’obéir aux lois qui ont pour objet d’harmoniser les rapports sociaux. C’est dans cet ordre d’idées que le législateur a établi certaines règles dans les domaines juridiques, y compris celui du mariage.5

Dans son constat, l’auteur s’est martelé sur les dispositions de l’article 40 de la constitution de 2006 qui déclare que : « tout congolais a droit de se marier avec la personne de son choix et de fonder une famille » et de l’article 336 du code de la famille. C’est pourquoi, le choix du mariage est garanti par la loi. Toutefois, certaines contraintes exercées par les parents, le tuteur ou toute personne qui exerce l’autorité en droit sur l’individu, forcent ce dernier à se marier contre son gré.

Cependant, dans le contenu de son travail, l’auteur a formulé sa problématique autour des questions ci-après :

  • Quelles seraient les sanctions prévues par la loi en cas d’incitation au mariage forcé ?
  • Dans quel intérêt le législateur congolais a-t-il prévu des sanctions concernant le mariage forcé ?
  • Quelle serait l’incidence du mariage forcé sur les biens des époux ?6

Par ailleurs, pour y répondre, l’auteur estime que conformément à l’article 336 du code de la famille qui prévoit une peine de servitude pénale d’un à trois mois et une amende de 150.000 à 600.000 Francs congolais ou de l’une de ces peines seulement pour tout individu autre que

4 Ibid.

5 SEKELE MUSANGA S., le mariage forcé et ses conséquences en droit congolais, Mémoire de Licence, UNILU, Faculté de Droit, 2014, p.12, inédit.

6 SEKELE MUSANGA S., op. cit., p.15.

le père, la mère ou le tuteur qui aurait contraint une personne à se marier contre son gré. L’auteur ajoute que le législateur congolais, en prévoyant les sanctions sus-vantées en ce qui concerne l’atteinte à la liberté du mariage, aurait voulu combattre la contrainte physique ou morale c’est-à-dire les faits consistant à forcer ou à pousser une personne à se marier contre sa propre volonté. Ainsi, l’auteur finit ses hypothèses en admettant que la situation des partenaires forcés à se marier aurait une incidence négative dans le choix du régime matrimonial qui les régirait.

De ce fait, pour résumer sa pensée, l’auteur pense que le législateur congolais ne devrait pas seulement se limiter à prévoir des sanctions qui ne reflètent pas une certaine contrainte car, analysant bien les sanctions prévues par le législateur, l’auteur estime qu’il existe d’une part une sanction civile ayant pour finalité la réhabilitation de la personne qui a été lésée, et de l’autre part une sanction pénale qui est là pour remettre de l’ordre dans la société. D’où, selon les avis de l’auteur, au législateur congolais de revoir les sanctions pénales du mariage forcé c’est-à-dire les augmenter jusqu’à l’emprisonnement de deux (2) ans au-delà et même augmenter la peine d’amende.7

De notre part, notre point de ressemblance avec l’auteur ci-haut énoncé s’explique par le fait que nous mettons tous en exergue l’idée de la libre volonté ou du consentement au mariage des futurs conjoints avant la célébration dudit mariage, lequel consentement leur est reconnu par la loi conformément aux prescrits de l’article 336 du code de la famille et de l’article 40 de la constitution du 18 février 2006 et nous nous focalisons beaucoup plus sur la mise en application des sanctions prévues par le législateur congolais en ce qui concerne le mariage forcé, lesquelles sanctions doivent faire l’objet d’une stricte application.

Par contre, nous nous démarquons avec l’auteur sus cité en ce sens que notre étude sur cette infraction de mariage forcé insistera beaucoup plus sur l’inertie ou la léthargie qui plane sur les autorités judiciaires chargées d’appliquer la loi (OPJ et OMP) en cas d’une commission de l’infraction de mariage forcé par les père et mère ou le tuteur ou encore par toute personne qui exerce en droit l’autorité sur l’individu et qui le contraint à se marier contre son gré.

Nous nous divergeons également d’avec les idées de l’auteur susmentionné en ce sens que notre étude spécifie le type de victimes les plus visées et vulnérables, appréhendées par le droit international humanitaire et les droits humains en cas d’infractions de violences sexuelles. Ces victimes sont principalement les femmes et les jeunes filles.

3° Pharel LUZELE BATAMNTIVASSAO, dans son article intitulé : « de la problématique de la fixation de la dot en droit positif congolais de mariage : critiques et perspectives »8 est parti du constat selon lequel, dans la société actuelle, la majorité d’individus aspirent légitimement au mariage en opposition d’une tendance minoritaire qui, pour des raisons d’ordre religieux, a renoncé au mariage en optant pour la vie au célibat. Ainsi, le législateur congolais a consacré le caractère institutionnel du mariage aux fins d’éviter les désordres qui

7 SEKELE MUSANGA S., op. cit., p.87.

8 LUZELE BATAMNTIVASSAO P., « De la problématique de la fixation du taux de la dot en droit congolais de la famille : critiques et perspectives », In Juriafrique, Kinshasa, Octobre 2019, disponible sur https://juriafrique.com, consulté le 24 février 2020 à 10h31min.

peuvent en résulter dans la mesure où la réglementation du ménage serait laissée au libre arbitre des époux.

C’est pourquoi, continue l’auteur, hormis le fait d’être une institution, le mariage est un contrat conclu entre les époux en vertu duquel ces derniers s’obligent entre eux à se fournir une certaine prestation. Le mariage ne peut donc pas se concevoir sans l’accord de volonté des futurs époux qui doit être exprimé sans vice de consentement. C’est pour cette raison qu’il revient de dire que le mariage suppose pour sa validité la réunion des conditions de forme et de fond au nombre desquelles figure la dot comme une condition de fond sans versement de laquelle totalement ou partiellement, l’officier de l’Etat civil ne peut donc pas célébrer le mariage.

En effet, l’auteur poursuit son constat en remarquant que l’épineux problème du taux exorbitant de la dot se relève à ce jour comme une grave entrave dans la jouissance du droit de se marier alors que la loi n°87/010 du 1ier août 1987 portant code la famille a donné un levier pour stopper cette hémorragie.

Mais il est paradoxal de constater selon les dires de l’auteur qu’en matière de dot, le pouvoir public a laissé les coudées franches aux familles qui en ont fait une affaire très lucrative allant à l’encontre des traditions.

Ainsi, l’auteur termine son observation par souligner que le droit au mariage reconnu à tous les congolais connaît une fissure ou un coup dur par le fait que la fixation exorbitant du taux de la dot par les familles des futures époux fait que plusieurs des jeunes congolais n’usent pas de ce droit dans la mesure où aujourd’hui, le mariage est devenu quelque chose de prestigieux accessible aux riches et non aux pauvres.

Cependant, l’auteur sus-évoqué a fondé sa problématique autour des questions ci-après :

  • Quels rôles joue dès lors la dot dans le mariage africain ?
  • L’opinion non fondée sur la dot ne va-t-elle pas à l’encontre de la coutume ? Ne prive- t-elle pas enfin la continuité clanique ?9

Dans ses hypothèses, l’auteur démontre ainsi d’une part que la dot est la preuve indiscutable du consentement des familles, elle établit de façon irréfutable que l’accord s’est fait, que l’alliance est nouée. La dot joue également le rôle de publicité, elle n’est donc pas un contrat de vente car la jeune fille ne passe pas par le fait du mariage dans le domaine de son mari.

Le rôle original de la dot s’est progressivement déformé par l’introduction du numéraire et la transformation économique qui ont engendré un esprit de lucre, un amour immodéré de l’argent. Et d’autre part, par rapport à la seconde question de la problématique, l’opinion répond avec l’affirmatif en alléguant des arguments contre le mariage sans dot dont l’absence de stabilité de l’union, le mépris pour le mari, les difficultés pour l’administration.

Ainsi, dans sa conclusion, l’auteur estime que la réglementation du taux de la dot en droit congolais mérite une réforme car l’absence de la fixation du seuil a démontré des failles de la

9 Ibid.

législation congolaise dans la pratique. L’auteur suggère qu’en droit congolais du mariage, le législateur droit impérativement intervenir pour organiser la fixation du taux de la dot. L’auteur soutient partiellement la position du législateur sénégalais spécialement en ce qui concerne l’exclusion de la famille dans la fixation de la dot, donnant ainsi cette prérogative qu’à la future épouse.10

Par ailleurs, nos idées ont de ressemblance avec celle de l’auteur ci-haut cité sur le fait que nous traitons tous de l’idée du mariage en droit positif congolais spécialement en ses conditions de fond qui doivent faire objet de strict respect.

Par conséquent, nous nous divergeons avec les idées de l’auteur en ce que notre étude met de côté les détails vantés par l’auteur précité par rapport à la condition de la dot comme preuve du consentement de deux familles au mariage et sa fixation par la future épouse au préalable mais quant à nous, nous prenons en compte la condition selon laquelle le mariage est déclaré nul lorsqu’il a été célébré sans l’obtention préalable de la volonté ou du consentement libre et non vicié de chaque futur époux et nous insistons beaucoup plus sur l’inertie de l’incrimination de mariage forcé par l’appareil judiciaire congolais.

________________________

3 MUTATA LUABA L., La protection de la sexualité responsable : étude basée sur la loi de 2006 portant violences sexuelles et sur la loi de 2009 portant protection de l’enfant, éd. Du service de documentation et d’études du Ministère de la justice et garde de sceaux, Kinshasa, 2009, pp.413-418.

4 Ibid.

5 SEKELE MUSANGA S., le mariage forcé et ses conséquences en droit congolais, Mémoire de Licence, UNILU, Faculté de Droit, 2014, p.12, inédit.

6 SEKELE MUSANGA S., op. cit., p.15.

7 SEKELE MUSANGA S., op. cit., p.87.

8 LUZELE BATAMNTIVASSAO P., « De la problématique de la fixation du taux de la dot en droit congolais de la famille : critiques et perspectives », In Juriafrique, Kinshasa, Octobre 2019, disponible sur https://juriafrique.com, consulté le 24 février 2020 à 10h31min.

9 Ibid.

10 Ibid.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les conséquences du mariage forcé en droit congolais?

L’insuffisance de la répression du mariage forcé en droit congolais entraîne des conséquences socio-juridiques, notamment la persistance de cette pratique dans les milieux ruraux où les coutumes traditionnelles et la situation socio-économique des femmes favorisent sa commission.

Pourquoi le mariage forcé est-il encore pratiqué à Kalemie?

Le mariage forcé persiste à Kalemie en raison de la léthargie des autorités judiciaires qui privilégient la répression d’autres infractions sexuelles comme le viol, ainsi que des coutumes traditionnelles et de la situation socio-économique des femmes.

Comment le droit congolais protège-t-il contre le mariage forcé?

Le droit congolais, à travers la constitution et la loi portant protection de l’enfant, interdit les mariages d’enfants et stipule que le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top