Le cadre théorique du roman Hizya révèle comment le silence de l’héroïne incarne des désirs refoulés, défiant les normes traditionnelles. Cette étude innovante, ancrée dans la psychanalyse freudienne, offre des perspectives cruciales sur la condition féminine en Algérie, enrichissant notre compréhension des luttes intérieures face aux contraintes socioculturelles.
Définition du rêve :
Selon S. Freud le rêve est « la voie royale qui conduit à l’inconscient »17.
On peut dire voie royale ou la voie intérieure dont la personne peut dire ce qu’elle veut sans réflexion, et construire des discours avec elle-même, tout cela en totale inconscience.
Dans notre roman, il existe deux types de rêves : le rêve érotique, et le rêve de Maketoub. A travers ces deux rêves, nous pouvons traiter la personnalité de Hizya, qui refuse d’être comme sa mère obéissante et soumise en tout à l’homme :
« Jamais, non jamais, je ne serai comme elle ». 18 Et préfère de vivre dans l’imagination.
16Maïssa Bey ; op, cit,P.26
17Sigmund Freud (1856-1939), L’interprétation des rêves (Die Traumdeutung), édition améliorée, revue et annotée, p288
18Maïssa Bey; op, cit, P.29
Le rêve érotique :
Commençant par le rêve érotique qui est un élément essentiel dans le développement de la personnalité de l’être humain et qui participe à la satisfaction de ses désirs et pulsions, pour enfin être refoulé dans le quotidien.
Le corps de la femme depuis longtemps est l’objet de désirs de tous les hommes, son corps et surtout sa partie intime doit rester intacte, Hizya le confirme :
« La seule chose que je sais depuis toujours, c’est que cette petite chose-là, tiède et palpitante entre mes cuisses […] plus précieuse que ma vie même »19
La femme doit rester dans la pureté et préserver l’honneur familiale, parce que la tradition algérienne sacralise la virginité de la femme qui semble non pas un choix mais une contrainte sociale.
La femme de par sa nature a des désirs refoulés illimités que la pudeur et la prudence surveillent. L’héroïne Hizya décrit les fantasmes et les sensations du corps dans le rêve érotique :
« Encore un rêve érotique ! Un rêve très érotique ! […] puis au bord d’un fleuve, ou d’un lac, ou d’un oued. Et nue, oui nue…c’est la… la… la jouissance qui t’a réveillée. Quelque chose de nouveau, de… de délicieux qui se répandait dans tout ton corps. Jou-is-sance. » 20
Ce désir se développe chez Hizya après qu’elle ait rencontré Riyad, son ami clandestin mais elle le réprime :
« Je le sens bien au tremblement irrépressible qui, à certains moments, prend naissance dans le lieu le plus intime de mon être. J’imagine seulement, j’imagine parfois, dans la chaude obscurité de la nuit, des baisers langoureux et des caresses, des corps qui se cherchent, de folles étreintes, corps à corps, peau à peau, soupirs, gémissements, paroxysme, et l’arc tendu, oui, l’arc, au plus vif de la cible. Puis je
19Maïssa Bey; op, cit, p.214.
20Maїssa Bey, op, cit. p.216.
reviens à moi, haletante, frémissante, le corps rompu par la véhémence de ces instants qui vont bien au-delà de tous les rêves »21
Le corps de la femme attire les regards des hommes, surtout lorsqu’il prend des vêtements serrés qui sont essentiels pour la séduction insolente des hommes :
« Ce que les hommes évaluent, eux, dit à juste titre Sonia, ce sont tes seins, tes fesses, et le balancement de tes hanches quand tu marches devant eux. Tu n’as pas remarqué ce qui passe dans le regard des hommes, de tous les hommes sans distinction d’âge, quand il se laisse happer par une paire de fesses moulées dans un jean ? »22
L’érotisme est encore évoqué dans le poème légendaire de Mohamed Ben Guitoune, où le poète décrit et détaille le corps de l’héroïne Hizya, sa taille et la beauté de son corps :
« Ta poitrine est de marbre, Il s’y trouve deux jumeaux
Que mes mains ont caressés (…)»23
« Hizya a la taille fine ; sa ceinture, penche de côté, et ses tortis entremêlés retombent sur son flanc repli par repli. »24
Le rêve de Maketoub :
Notre héroïne Hizya a toujours refusé les conditions prisonnières de la société et résignée au Maketoub, elle rêve de tracer son chemin et choisir son destin toute seule, elle ne veut pas vivre une vie choisie par sa famille : faire des études, puis à l’âge du mariage, c’est la famille qui choisit le mari. Hizya cherche la liberté, la paix et la non-surveillance de sa famille. Elle veut vivre une histoire d’amour et transgresser les interdits et les obstacles rencontrés. Notre héroïne possède une capacité d’imagination qui l’emporte vers le monde imaginaire.
21Maïssa Bey; op, cit, p.285. 22Maїssa Bey, op, cit. p.258. 23Maïssa Bey ; op, cit, p.168. 24Maïssa Bey ; op, cit,p.170
Elle nourrit sa vie par des espoirs romantiques et irréalistes. Elle prouve un sentiment de désir et une imagination sexuelle :
J’imagine seulement, j’imagine parfois, dans la chaude obscurité de la nuit, des baisers langoureux et des caresses, des corps qui se cherchent, de folles étreintes, corps à corps, peau à peau, soupirs, gémissements, paroxysmes, et l’arc tendu, oui, l’arc, au plus vif de la cible. […] est-ce cela l’amour ? Je ne connais personne de mon entourage qui puisse répondre à cette question ».25
Elle veut forcer le destin :
« Je m’obstine à croire que je pourrais être de celles qui veulent forcer le destin »26
Mais le défi est lancé, Hizya est convaincue que son destin est déjà tracé :
«J’imagine ma vie. J’imagine ce qui m’attend. Le chemin est tout tracé. Il ne différera en rien de celui qu’ont emprunté tant de cousines, de voisines et d’amies. Qu’elles aient fait des études ou non. Qu’elles aient un travail à l’extérieur ou non »27
Confrontée à une société attachée par des préjugés et des tabous, Hizya désespère et lui conclut :
« Malheur à celles qui veulent briser le cercle, à celles qui veulent forcer le destin
! »28
Hizya du romantisme vers le réalisme :
Après la lecture de Hizya, on a constaté que ce roman est un mélange entre le romantisme et le réalisme. Son romantisme commence à l’université lorsqu’elle a commencé à s’intéresser à la lecture des poèmes et des romans qui traitent des histoires d’amour.
25Ibid. P.285.
26Maïssa Bey, op, cit . p.50.
27Ibid. p.48.
28Ibid; p.50.
« Je cherche dans mes livres. Je relis des poèmes .J’écoute des chansons. Des chansons d’amour »29.
Des poèmes d’amour du 19ème siècle : siècle de la tendance romantique où les poètes et les auteurs divorcent la société et s’intéressent à tout ce qui concerne la vie intime et la quête d’amour. Cette tendance se développa chez elle avec ses rêves de trouver un amant avec qui elle partage de bons moments, elle a pu réaliser son rêve avec sa rencontre avec ce jeune homme le commerçant en téléphonie qui s’appelle Riyad, avec qui elle a commencé ses aventures,
à ce moment-là est apparu son ancien ami de fac duquel elle a reçu beaucoup de messages, cet ami maîtrise bien l’art de parler et connaît le goût de Hizya pour la poésie, il essaye de la séduire, mais Hizya n’a même pas un regard pour lui, elle comprend que :
« C’est difficile d’être confrontée à des rêves. Surtout quand ils sont aussi fumeux, aussi délirants que les tiens »30
Ce qui montre enfin le refus de Hizya de cet amour idyllique, c’est qu’elle a une image claire de ce qu’elle attend d’une vie ordinaire.
« Tu n’es qu’une jeune fille ordinaire, vivant dans une famille ordinaire, promise à un destin ordinaire »31
Elle finira par oublier le poème et d’effacer le fantôme de Hizya légendaire et considère que ses rêves et ses aspirations de vivre une histoire d’amour platonique n’est qu’un prétexte loin de la réalité.
« Je sais, en mon for intérieur, je sais bien que la légendée Hizya n’est qu’un prétexte »32
Et elle s’occupe juste de son amant et la vie qui les attend.
29Maïssa Bey ; op, cit,p.61
30Maïssa Bey ; op, cit,p.220
31Ibid ,p.18
32Ibid ,p.51
Le réalisme : dans ce roman parfois le personnage principal Hizya fait recours à la réalité de la souffrance qu’elle connaît dans sa société, une société immobile qui rend la jeunesse déprimée et désespérée :
« Le bonheur chez nous n’existe pas. Quand tu recherches l’expression « Bonheur en Algérie », l’ordinateur te répond systématiquement » Error 404. Not found ! Essaie donc ! » »33
Notre héroïne Hizya préfère obéir au silence, elle trouve dans le refuge au passé sa tranquillité ; 23 ans d’écoute, d’observation, d’analyse et de silence, parce qu’il y a des moments où l’être est sous l’obligation de se taire ; cette Hizya a une voie intérieure, cette voie est une sorte de monologue intérieur où la jeune fille parle à elle-même.
« Tu tâtonnes. Tu butes sur le silence. Mais qu’est-ce que tu veux savoir ? »34
Hizya représente le personnage central de l’histoire, sa personnalité est un mélange de courage, et d’amour pour la vie. Elle ne veut pas se plier aux règles ; elle tente de grignoter un peu d’espace de liberté et de penser.
33Maïssa Bey ; op, cit,p.94
34Maïssa Bey ; op, cit,p.31
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17Sigmund Freud (1856-1939), L’interprétation des rêves (Die Traumdeutung), édition améliorée, revue et annotée, p288 ↑
19Maïssa Bey; op, cit, p.214. ↑
20Maїssa Bey, op, cit. p.216. ↑
21Maïssa Bey; op, cit, p.285. ↑
22Maїssa Bey, op, cit. p.258. ↑
23Maïssa Bey ; op, cit, p.168. ↑
24Maïssa Bey ; op, cit,p.170 ↑
26Maïssa Bey, op, cit . p.50. ↑
30Maïssa Bey ; op, cit,p.220 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quel est le rôle du rêve érotique dans le développement de la personnalité de Hizya ?
Le rêve érotique est un élément essentiel dans le développement de la personnalité de l’être humain et participe à la satisfaction de ses désirs et pulsions, pour enfin être refoulé dans le quotidien.
Comment Hizya perçoit-elle les attentes de la société algérienne ?
Hizya a toujours refusé les conditions prisonnières de la société et résignée au Maketoub, elle rêve de tracer son chemin et choisir son destin toute seule.
Quelle est la signification du silence dans le roman Hizya de Maissa Bey ?
Le silence est analysé comme une manifestation des désirs et rêves refoulés de l’héroïne, et il explore la condition féminine en Algérie à travers le prisme du silence imposé par les structures sociales et familiales.