Le cadre théorique du jugement comptable révèle des caractéristiques essentielles souvent négligées dans l’enseignement de la comptabilité. Cette recherche met en lumière des éléments cruciaux qui façonnent le jugement professionnel, transformant ainsi notre compréhension de la formation académique et pratique en Tunisie.
Sous section 2 : Les caractéristiques spécifiques du jugement professionnel
Le jugement professionnel du comptable doit reposer sur certaines caractéristiques particulières qui permettent de retracer convenablement les spécificités de son analyse et de ses prises de décision et qui doivent à leur tour, se fonder sur une logique interne du jugement, une compétence personnelle, une indépendance objective, transparente et crédible.
Plus exactement, pour exercer un jugement, l’analyste ou le professionnel comptable doit observer une règle de conduite basée sur la vertu ou l’éthique comptable et sur des qualités personnelles et professionnelles adéquates.
1 – La nécessaire règle de conduite :
Le comportement du comptable doit être fondé sur des normes déontologiques sans négliger pour autant l’apport souvent décisif de ses qualités éthiques et personnelles.
L’éthique apparaît comme la colonne vertébrale de la règle de conduite comptable. C’est un ensemble de principes, de règles et de pratiques morales qui imprime un dynamisme humain soit une préoccupation générale et créative pour donner un sens, un choix et des valeurs voire même des priorités aux tâches que nous sommes chargés de concrétiser.
Certaines recherches actuelles (C.G.A. 2003) affirment que la majorité des comptables préféreraient voir l’éthique sous l’éclairage positif et permissif. Selon eux, la profession repose sur l’intégrité, la compétence soit un professionnalisme irréprochable. Au cours de leur carrière, ils ont dû devenir des experts de plus en plus performants pour fournir à leurs clients, à leurs employeurs et au public une information financière fiable. Les comptables doivent donc se comporter en analystes professionnels de l’information financière hautement compétents, crédibles et d’être perçus comme tels.
L’éthique, au même titre que les autres qualités, est essentielle pour le jugement professionnel en comptabilité. Elle doit être bien définie, bien appréhendée pour la formation à ce jugement. Dans diverses analyses telles que : Moral Development : Advance in Research and Theory (1986), James Rest a relevé les quatre éléments essentiels suivants du comportement éthique :
- La capacité de reconnaître les situations qui comportent une dimension éthique.
- La capacité de juger quelle mesure est juste, équitable et appropriée.
- L’engagement à prendre la mesure moralement appropriée
- Les qualités personnelles nécessaires dont la persévérance et le courage pour prendre des mesures moralement appropriées.
Les deux premiers éléments, soit la capacité de reconnaître et de juger, sont pour l’essentiel des aptitudes cognitives c’est à dire tirées de la connaissance, tandis que les deux autres, soient l’engagement et les qualités personnelles sont de nature comportementale ou pragmatique nécessaires tous à cette règle de bonne conduite recherchée.
De même, l’éthique n’a de sens que dans la mesure ou avant d’être une théorie, elle est une pratique. Elle peut être difficile à vivre au quotidien puisqu’elle peut réclamer de faire ce que les autres ne font pas ou de ne pas faire ce que les autres font. Elle nécessite une qualité personnelle ciblée celle du courage et de la force de caractère (M.Falise et J.Regnier, 1992).
Elle se différencie de la déontologie en ce sens que cette dernière présente une signification plus restreinte basée sur le dicton : « La science de ce qu’il faut faire » une science qui traite les devoirs crées par la pratique professionnelle et assujettit l’individu grâce aux préceptes et aux règles régissant la conduite des personnes appartenant aux corps organisés comme les Ordres des Experts- Comptables, des Médecins, des Avocats, des Ingénieurs et d’autres.
De plus, contrairement à l’éthique qui a une dimension universelle, la déontologie a une portée limitée à un groupe de personnes exerçant la même profession et soumis à des impératifs fonctionnels qui limitent ainsi leur marge de manœuvre. « nous serons tentés de dire que le code de
déontologie professionnelle est un minimum éthique découlant d’une pratique antérieure non codifiée qui, ayant fait les preuves de sa nécessité en vue du bien commun, est reconnue positive tant sur le plan interne que sur le plan externe » (P.Delannoy, 1991).
Enfin, l’éthique évolue avec la pensée critique et « apparaît chez l’individu quand il s’interroge et ne peut plus se contenter du conformisme social, religieux ou professionnel » ; elle est une des expressions le la liberté de penser (J.Moussé 1989).
Par ailleurs, l’éthique se caractérise également et notamment par plusieurs composantes qualitatives absolues et relatives dont : la vertu, l’intégrité, la probité, la courtoisie professionnelle et l’indépendance qui sont nécessaires pour toute règle de conduite :
Les vertus intellectuelles et pratiques :
L’éthique du vérificateur comptable est liée à la formulation du jugement professionnel, alors que la vertu a trait à l’exercice de ce même jugement. L’importance de la vertu pour ce qui est de la formation du jugement professionnel ne laisse aucun doute.
La vertu qui semblait une notion démodée, a retrouvé cependant, sa pertinence dans les recherches comptables actuelles. Elle correspond à la nature et aux valeurs intrinsèques d’une personne. Les codes de déontologie canadiens (Magasine 2003) reconnaissent son importance en ce qui a trait au jugement professionnel du comptable ; d’ailleurs, le code de déontologie de l’institut des comptables agrées de l’Ontario au Canada mentionne que : « le comportement éthique dans son sens le plus noble est le produit des valeurs de la personne qui reconnaît que la norme à respecter englobe davantage qu’une liste d’interdiction à observer » (Magasine 2003). En renfermant ainsi la transparence, la cohérence et la pertinence nécessaires pour toute aptitude au jugement professionnel.
De même, des recherches canadiennes ont démontré que les comptables vérificateurs vertueux sont plus enclins à suivre le jugement professionnel, même lorsqu’ils subissent des pressions ou sont menacés de sanctions. Ainsi la vertu peut-être soit enseignée, soit développée par la pratique.
Plus spécifiquement les vertus se divisent en deux catégories : les vertus intellectuelles qui se développent par l’éducation et la formation, et les vertus pratiques qui naissent grâce à l’exemple et à la pratique pour réaliser des progrès significatifs à l’égard du développement des vertus du vérificateur ; lesquelles vertus conduisent à l’exercice d’un jugement professionnel de haut niveau.
L’intégrité :
C’est l’état d’une chose qui conserve toutes ses parties, qui n’a pas subi d’altération. Elle suppose une probité absolue et incorruptible marquée par une honnêteté absolue. Le comptable est tenu d’avoir une telle caractéristique spécifique dans ses recherches et dans les services professionnels qu’il rend.
L’intégrité n’implique pas seulement l’honnêteté, mais aussi des transactions équitables, de la sincérité voire même de la probité qui n’est que le caractère d’une personne honnête stricte et scrupuleuse observant rigoureusement les principes de la justice et de la morale dans un cadre objectif loin des préjugés, des conflits d’intérêts personnels et subjectifs.
La courtoisie professionnelle :
Cette qualité caractérielle spécifique est importante dans le domaine de la comptabilité. Les praticiens et les analystes comptables se doivent assistances, coopérations et courtoisies réciproques dans toutes leurs relations et au cours de l’exercice de leurs fonctions loin de toute attitude agressive et de tout comportement trompeur.
« La courtoisie professionnelle suppose non seulement que l’on s’interdise tout dénigrement ou toute parole fausse ou trompeuse à l’égard d’un confrère, mais aussi que l’on conserve toujours le ton professionnel adéquat lorsqu’on s’engage dans un conflit professionnel » (R.YAICH, 2003).
2 – Les qualités personnelles requises :
Ces qualités sont nombreuses et variées. Nous pouvons évoquer certaines d’entre elles comme caractéristiques spécifiques pour un bon jugement professionnel.
Les qualités fonctionnelles :
Parmi ces qualités subjectives du comptable nous citons :
- Le respect des normes techniques et professionnelles.
- L’indépendance d’esprit hormis le poids et la pression exercés par les diverses influences qui altèrent le bon déroulement du jugement professionnel. Cette indépendance se doit également d’éviter des situations ou des circonstances accablantes qui sont de nature à fausser ce jugement.
Les qualités individuelles :
Elles tiennent essentiellement aux qualités intrinsèques de l’individu qui conditionnent son jugement professionnel dont :
- La compétence professionnelle qui reste liée aux soins et aux diligences. Le comptable est tenu de conserver en permanence un niveau de connaissances pratiques et analytiques susceptibles de l’aider dans l’exercice de ses métiers.
- Le professionnalisme qui est l’art pour le comptable d’exercer sa profession avec une grande compétence sans négligence selon une démarche pertinente et crédible.
- La confidentialité qui est une qualité primordiale dans le comportement professionnel dans le sens que le comptable est tenu au secret et à la discrétion pour ce qu’il détient comme informations.
Ainsi, la formation aux qualités caractérielles qu’elles soient génériques et/ou spécifiques est nécessaire dans le cadre de la formation analytique et pratique au jugement professionnel. La formation au jugement exige en même temps l’appréhension d’autres paramètres décisionnels qui associent plusieurs dimensions quantitatives, qualitatives exigées par l’évolution des individus et des sociétés humaines et permises par les recherches philosophiques, juridiques et culturelles.
Questions Fréquemment Posées
Quelles sont les caractéristiques du jugement professionnel en comptabilité?
Le jugement professionnel du comptable doit reposer sur des caractéristiques telles qu’une logique interne du jugement, une compétence personnelle, et une indépendance objective, transparente et crédible.
Pourquoi l’éthique est-elle importante dans le jugement professionnel des comptables?
L’éthique est essentielle pour le jugement professionnel en comptabilité car elle constitue la colonne vertébrale de la règle de conduite comptable, influençant les décisions et les analyses des comptables.
Quels sont les éléments essentiels du comportement éthique selon James Rest?
Les quatre éléments essentiels du comportement éthique selon James Rest sont : la capacité de reconnaître les situations éthiques, la capacité de juger ce qui est juste, l’engagement à prendre des mesures moralement appropriées, et les qualités personnelles comme la persévérance et le courage.