Comment le cadre théorique façonne les compétences en expertise comptable ?

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🏫 Université de Sfax - Faculté des Sciences Economiques et de Gestion - Commission d'Expertise Comptable
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de diplôme d'expertise comptable - 2006-2007
🎓 Auteur·trice·s
Ramzi BORGI
Ramzi BORGI

Le cadre théorique en expertise comptable révèle que 70 % des experts-comptables estiment que les compétences comportementales surpassent les qualifications académiques. Cette découverte remet en question les croyances traditionnelles et souligne l’importance cruciale des aptitudes humaines pour réussir dans cette profession.


Section 3 :

Le développement des aptitudes au jugement professionnel

Selon l’ICCA, le jugement est un « Processus par lequel on fait un choix, ou on prend une décision débouchant sur une action »158.

Quant au jugement professionnel, il est défini, par Falcone (P-A.), Factone (N-C), Glancarlo (C.) et Ferguson (N.), comme étant « une activité décisionnelle dirigée ou un processus de résolution de problèmes réalisé dans l’intérêt de l’individu, où une considération réfléchie a été apportée à l’information pertinente, aux critères, aux

157 Voir l’analyse de la question 8.6 en annexe.

158 Gibbins (M.), Mason (A-K.), rapporté in, AMOUS (K.), « La formation au jugement professionnel dans l’enseignement de la comptabilité : approche théorique et application au cas tunisien », Mémoire de mastère en comptabilité, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax, 2003-2004, page 2.

méthodes, au contexte, aux principes ainsi qu’aux politiques et aux ressources applicables »159.

Aujourd’hui, l’exercice d’un jugement crédible traduit à la fois la complexité et l’expression des compétences de l’expert-comptable. Les paramètres qui influencent le jugement professionnel sont divers et variés et n’ont pas la même ampleur. L’habileté à travers l’exercice du jugement professionnel est une caractéristique fondamentale du professionnalisme.

Dans la pratique professionnelle, le jugement exercé correctement est un processus de pensée réflexif, auto-correcteur et significatif exigeant la prise en considération du contexte, du contenu, du contenant, de l’évidence, des méthodes, des conceptualisations et d’une variété de critères et de normes de compétences160.

Sous-section 1 :
L’importance du jugement pour la profession comptable

Les définitions des éléments fondamentaux des états financiers (actifs, passifs, éléments à prendre en compte dans la comptabilité) impliquent un critère de probabilité et par conséquent d’incertitude. L’avenir est toujours incertain et l’appréciation d’une probabilité exige presque toujours l’exercice du jugement. De même, lors de ses travaux, l’auditeur ainsi que le consultant fait recours au jugement professionnel pour former son opinion. On peut, donc, conclure que le jugement professionnel puise sa source dans les normes professionnelles.

Dans ce sens, les réponses au questionnaire, établi dans le cadre de la préparation du présent mémoire, montrent que les experts-comptables interrogés classent les normes et lois parmi les premières origines du jugement professionnel.

§1. Les normes comptables sont de caractère général

La rédaction d’une norme est longue et difficile car la règle établie doit être à la fois générale et consensuelle. Dans leurs prises de position, les normalisateurs ne prennent pas en compte toutes les situations possibles. Il est donc du ressort du praticien de faire le lien entre les circonstances dans lesquelles il doit exercer son jugement et l’application de la norme.

159 Op.cit

160 Falcone (P.) et al, rapporté in, op.cit, page 3.

§2. Les normes comptables sont sujettes à interprétation

L’application d’une norme comptable, même lorsqu’elle ne fait pas directement référence au terme « jugement », est souvent sujette à interprétation :

  • L’emploi d’expressions comme « il est souhaitable », « dans la mesure du possible »,

« il peut être nécessaire », « de façon prédominante », etc., dans les normes laisse, par hypothèse, une large part au jugement ;

  • Une norme peut offrir plusieurs alternatives à l’expert-comptable, dont le choix est

laissé à son jugement.

  • Le sujet de la norme comme le traitement des estimations, la correction d’erreurs, les changements de méthodes, faisant largement appel à la notion d’importance relative, repose sur le jugement professionnel de l’expert-comptable.
§3. Les normes sont complexes du fait de l’instabilité de l’environnement

Le changement dans le monde des affaires est perpétuel. Les normes professionnelles ne peuvent pas suivre le rythme élevé de ces changements. L’expert-comptable se trouve couramment devant des problèmes posés pour lesquels les normes ne donnent pas de solutions concrètes. L’expert-comptable est tenu de dégager des solutions pratiques en faisant recours à ses aptitudes de jugement. Pour ce faire, il est tenu de connaître les caractéristiques d’un bon jugement professionnel ainsi que les étapes à respecter pour identifier les meilleures solutions aux problèmes posés.

Sous-section 2 :
Les qualités caractéristiques du jugement professionnel

Les déterminants nécessaires pour un jugement de qualité reposent essentiellement sur des caractéristiques d’ordre général. De même, l’exercice du jugement implique l’observation d’une règle de conduite basée sur la vertu ou l’éthique comptable et des qualités personnelles et professionnelles adéquates.

§1. Les caractéristiques génériques du jugement professionnel

Plusieurs variables caractérielles expliquent et influencent l’aptitude à émettre un avis pertinent et opérationnel. Parmi ces variables décisionnelles, on peut citer les principales caractéristiques génériques qui sont à la base d’un jugement qualifié.

  1. L’objectivité

Le jugement professionnel est un processus de prise de décision réfléchie. Son objectivité réside dans sa justification tirée de la réalité des choses. L’expert-comptable est appelé à réunir tous les éléments probants et disponibles afin de fonder son jugement sur des données quantitatives et qualitatives fiables correctement documentées et justifiées.

  1. La fiabilité

La fiabilité suppose, la fidélité des données de base (éléments probants), la neutralité ainsi que la vérifiabilité du jugement professionnel161 :

    • La fidélité des éléments probants implique une concordance entre ces éléments et les évènements qu’ils sont censés décrire ou mesurer ;
    • Le jugement professionnel est neutre lorsqu’il ne fait pas l’objet de partis pris et, par conséquent, n’aboutit pas à des décisions prédéterminées ;
    • Le jugement professionnel est vérifiable lorsqu’il est basé sur des éléments probants et des méthodes d’analyse claires et communiquées avec le jugement lui-même.
  1. La pertinence :

La pertinence se définit comme étant la qualité du jugement qui répond exactement aux préoccupations étudiées.

Le cadre conceptuel de la comptabilité financière avance que la pertinence englobe deux qualités sous-jacentes à savoir la valeur prédictive et la valeur rétrospective. Elle implique, aussi, que l’information soit établie et divulguée en temps utile162.

Le jugement professionnel est d’autant plus pertinent qu’il est basé sur une saine identification du problème et qu’il propose une solution appropriée et en temps opportun.

  1. La Moralité :

« L’expert-comptable est invité a mettre en œuvre toutes les diligences nécessaires et appropriées pour réduire les contraintes liées au support de la prise de décision qu’est le jugement professionnel, dans le respect des valeurs sociales et des repères culturels des pays »163.

161 § 25 du cadre conceptuel de la comptabilité financière.

162 En effet, l’information ou la décision possède ces qualités lorsqu’elle influence les actions économiques et sociales des agents en les aidant à évaluer des évènements passés, présents ou en confirmant ou corrigeant leurs évaluations passées.

Elle peut jouer également un rôle important dans le futur en anticipant les prises de décision qui auront un impact sur la survie ou l’avenir de l’entreprise.

163 Falaise (M.), Regnier (J.), « Repères pour une éthique d’entreprise, Centre d’éthique contemporaine », 1992, page 100.

« Le jugement professionnel est un processus continu impliquant la nécessité pour l’expert-comptable, appelé à l’exercer, à être apte à mettre en perspective l’impact et les conséquences des solutions envisagées »164.

  1. Le consensus :

Reposant sur un accord universel165, « le jugement professionnel de l’expert-comptable doit nécessairement tenir compte de cette caractéristique qui est l’une des expressions de la vérité recherchée dans les approches analytiques et empiriques comptables et qui constitue la base de la pertinence des opinions exprimées susceptibles de recueillir l’aval du plus grand nombre d’individus concernés. D’ailleurs, selon la théorie des systèmes, plus un système est le centre de confrontations d’idées et de débats contradictoires, plus il est capable d’identifier les meilleures solutions »166.

Les conflits d’intérêts des divers partenaires rendent le consensus difficile. L’éthique personnelle de l’expert-comptable joue alors un rôle important dans sa réalisation.

§2. La nécessité d’une règle de conduite

Le comportement du comptable doit être fondé sur des normes déontologiques sans négliger pour autant l’apport souvent décisif de ses qualités éthiques et personnelles.

Qualifiée de la science de la morale, l’art de diriger la conduite, l’éthique amène l’expert-comptable à prendre conscience qu’il n’est pas possible de faire n’importe quoi.

L’exercice du jugement professionnel repose sur un haut niveau d’éthique comptable167 et un très haut sens des responsabilités dans la mesure où il repose sur la compétence professionnelle et l’exploitation adéquate de la marge d’initiative qu’offre la discipline comptable168.

164 Yaïch (A.), « Ethique et compétences comptables », page 68.

165 C’est à dire une adhésion générale à un principe, à une assertion, à une croyance qui est conçue souvent comme un critère de vérité voire même une expression unanime de la raison du moment.

166 Yaïch (A.), « Normes, pratiques et procédures de contrôle interne », 1996, page ….

167 Selon Yaïch (A.) (2003), on peut relever les quatre éléments essentiels suivants du comportement éthique :

  • La capacité de reconnaître les situations qui comportent une dimension éthique ;
  • La capacité de juger quelle mesure est juste, équitable et appropriée ;
  • L’engagement à prendre la mesure moralement appropriée ; et
  • Les qualités personnelles nécessaires dont la persévérance et le courage pour prendre des mesures moralement appropriées.

Les deux premiers éléments sont pour l’essentiel des aptitudes cognitives c’est à dire tirées de la connaissance, tandis que les deux autres, sont de nature comportementale.

168 Yaïch (A.), « Ethique et compétences comptables », page 208.

Notons, enfin, que l’éthique se caractérise par plusieurs composantes qualitatives absolues et relatives dont : la vertu, l’intégrité, la probité, la courtoisie professionnelle et l’indépendance qui sont nécessaires pour toute conduite professionnelle169.

§3. Les qualités personnelles requises

De nombreuses qualités personnelles sont nécessaires pour un bon jugement professionnel dont, notamment :

  • Des qualités fonctionnelles à savoir, le respect des normes techniques et professionnelles et l’indépendance d’esprit.
  • Des qualités individuelles à savoir, la compétence professionnelle qui reste liée aux soins apportés et aux diligences, le professionnalisme qui est l’art pour l’expert-comptable d’exercer sa profession avec une grande compétence sans négligence selon une démarche pertinente et crédible et la confidentialité dans le sens où l’expert-comptable est tenu au secret professionnel et à la discrétion pour tout ce qui est en rapport avec ses activités professionnelles.

Ainsi, l’éducation à l’amélioration du caractère personnel est nécessaire pour la formation au jugement professionnel, de même qu’il faut suivre une démarche prédéfinie pour aboutir aux meilleurs jugements.

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157 Voir l’analyse de la question 8.6 en annexe.

158 Gibbins (M.), Mason (A-K.), rapporté in, AMOUS (K.), « La formation au jugement professionnel dans l’enseignement de la comptabilité : approche théorique et application au cas tunisien », Mémoire de mastère en comptabilité, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax, 2003-2004, page 2.

159 Op.cit

160 Falcone (P.) et al, rapporté in, op.cit, page 3.

161 § 25 du cadre conceptuel de la comptabilité financière.

162 En effet, l’information ou la décision possède ces qualités lorsqu’elle influence les actions économiques et sociales des agents en les aidant à évaluer des évènements passés, présents ou en confirmant ou corrigeant leurs évaluations passées.

163 Falaise (M.), Regnier (J.), « Repères pour une éthique d’entreprise, Centre d’éthique contemporaine », 1992, page 100.

164 Yaïch (A.), « Ethique et compétences comptables », page 68.

165 C’est à dire une adhésion générale à un principe, à une assertion, à une croyance qui est conçue souvent comme un critère de vérité voire même une expression unanime de la raison du moment.

166 Yaïch (A.), « Normes, pratiques et procédures de contrôle interne », 1996, page ….

167 Selon Yaïch (A.) (2003), on peut relever les quatre éléments essentiels suivants du comportement éthique :

168 Yaïch (A.), « Ethique et compétences comptables », page 208.

169 Notons, enfin, que l’éthique se caractérise par plusieurs composantes qualitatives absolues et relatives dont : la vertu, l’intégrité, la probité, la courtoisie professionnelle et l’indépendance qui sont nécessaires pour toute conduite professionnelle.


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que le jugement professionnel en comptabilité?

Le jugement professionnel est défini comme une activité décisionnelle dirigée ou un processus de résolution de problèmes réalisé dans l’intérêt de l’individu, où une considération réfléchie a été apportée à l’information pertinente, aux critères, aux méthodes, au contexte, aux principes ainsi qu’aux politiques et aux ressources applicables.

Pourquoi le jugement est-il important pour les experts-comptables?

Le jugement professionnel puise sa source dans les normes professionnelles, et il est essentiel pour évaluer des éléments fondamentaux des états financiers, qui impliquent un critère de probabilité et d’incertitude.

Comment les normes comptables influencent-elles le jugement professionnel?

Les normes comptables sont de caractère général et sujettes à interprétation, laissant une large part au jugement de l’expert-comptable, notamment dans des situations où les normes offrent plusieurs alternatives.

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