L’approche stratégique de l’audit fiscal révèle que 70 % des PME sous-estiment les risques fiscaux. En éclairant les choix stratégiques, cette recherche propose une démarche innovante pour les experts-comptables, essentielle pour optimiser la gestion fiscale et renforcer la réputation des entreprises.
§ 2.Le contrôle des choix stratégiques
En matière des choix stratégiques, on retrouve une opposition entre le contrôle des choix fiscaux passés et celui des choix fiscaux envisagés.
Ainsi, pour les choix stratégiques passés, l’auditeur ne doit pas se limiter à mettre en avant les insuffisances constatées sur le passé mais, au contraire, il se doit d’éclairer la société auditée sur les modifications qui pourraient être apportées et qui sont susceptibles d’améliorer le niveau d’efficacité fiscale262.
Pour les choix stratégiques envisagés, l’auditeur doit apprécier si les solutions fiscales sont les mieux adaptées et vérifier qu’il n’y a pas d’autres alternatives fiscales plus adéquates et si l’entité auditée a perçu tous les paramètres liés au choix.
La démarche de l’auditeur dans le cadre du contrôle des choix tactiques est de procéder à une prise de connaissance générale de l’entité auditée puis à un examen du cadre de l’efficacité fiscale (Evaluation du système d’information fiscale par le biais du taux effectif d’imposition et le tableau de bord fiscal) et enfin à un contrôle proprement dit des choix fiscaux.
Dans le domaine des choix stratégiques, l’auditeur va accorder une place privilégiée à la première et à la troisième phase. Il doit se livrer à un examen complet des choix opérés, mais sans pour autant négliger la phase de prise de connaissance générale, compte tenu de la référence permanente dans l’appréciation de l’opportunité des choix, à la situation de l’entreprise et à ses objectifs de politique générale263.
Quant à l’étude des choix stratégiques, l’auditeur ne peut que s’assurer de la validité de la démarche suivie par l’entreprise pour opérer le choix en question.
L’auditeur fiscal vise à contrôler la juste appréciation des avantages et des contraintes liés au choix exercé ou envisagé.
Les avantages et les inconvénients s’apprécient en fonction des critères de l’efficacité fiscale à savoir notamment le critère financier, mais également l’auditeur peut contrôler la cohérence du choix, ainsi que sa simplicité, sa flexibilité et sa sécurité.
- Le choix fiscal doit être financièrement adapté
L’auditeur fiscal doit s’assurer que l’entité auditée a procédé à une analyse convenable des conséquences fiscales du choix objet du contrôle. En d’autres termes, l’auditeur doit vérifier que l’entreprise a su tirer les avantages fiscaux escomptés tout en tenant compte des coûts induits par le choix fiscal.
262M.Chadefaux, L’audit fiscal, Editions Litec, 1987, p.261.
263Op. cit, page 262.
L’auditeur fiscal doit vérifier d’une part, si les avantages escomptés ont un support légal et que l’entité auditée satisfait aux conditions lui permettant de bénéficier des avantages des choix exercés. D’autre part, l’auditeur doit apprécier la portée de l’avantage non plus dans l’absolu, mais rapportée à la situation de l’entité afin de mesurer les coûts induits par le choix fiscal.
A cet effet, pour éviter les conséquences fiscales propres à une cessation d’entreprise (pertes des reports déficitaires et des amortissements réputés différés, possibilité d’un contrôle fiscal, etc.), la société peut recourir à une opération de fusion surtout lorsque la société envisageant la cessation appartient à un groupe de sociétés.
Les avantages procurés par l’opération de fusion sont notamment:
En matière d’IS:
- Déduction du bénéfice imposable de la société absorbée de la plus-value d’apport dégagée sur les éléments d’actif autres que les marchandises, les biens et valeurs faisant l’objet de l’exploitation. Toutefois, la plus-value en question est réintégrée aux résultats imposables de la société ayant reçu les actifs dans la limite de 50% de son montant, et ce, à raison du cinquième par année à compter de l’année de la fusion (article 49 decies du Code de l’IRPP et de l’IS);
- Transfert des déficits reportables et des amortissements réputés différés à la société absorbante;
- Les provisions pour créances douteuses, pour dépréciation des stocks destinés à la vente et pour dépréciation des actions cotées à la BVMT constituées par la société absorbée et n’ayant pas perdu leur objet ne sont pas réintégrées aux résultats de la société absorbée à condition que lesdites provisions soient inscrites au bilan de la société absorbante.
En matière de TVA et de Droit de Consommation:
La fusion opère une substitution pure et simple de l’absorbante dans les droits et obligations de l’absorbée. De ce fait, la fusion264:
- n’entraîne aucune régularisation sur les immobilisations apportées par l’absorbée à l’absorbante;
- ne modifie pas les règles de décompte des fractions acquises au titre de la TVA lors de la cession de l’immobilisation par l’absorbante;
- transfert le crédit reportable de TVA ou de droit de consommation de l’absorbée à l’absorbante;
- n’entraîne pas paiement de la TVA sur les stocks apportés par l’absorbée.
264R.Yaich, Les impôts en Tunisie, Les Editions Raouf Yaich, 2003, p.573.
En matière des droits d’enregistrement:
La transmission des biens dans le cadre d’une opération de fusion s’enregistre au droit fixe de 100 dinars par acte.
L’auditeur doit apprécier la portée desdits avantages non plus dans l’absolu, mais rapportée à la situation de l’entreprise afin de s’assurer si l’avantage est réel, c’est-à-dire si l’entité auditée génère un crédit chronique d’IS, l’opération de fusion peut créer des coûts largement supérieurs aux avantages du fait que le crédit d’impôt ne peut faire l’objet d’apport et d’imputation au niveau de la société absorbante.
- Le choix fiscal doit être un choix cohérent
Le choix fiscal doit être un choix cohérent par rapport aux objectifs et à la stratégie de l’entreprise265.
A cet effet, à force de vouloir réduire l’imposition par le recours au dégrèvement financier, certaines entreprises ont vu se disperser leurs ressources, elles se sont laissées éloigner de leur stratégie globale (la spécialisation par exemple) et ont dû payer un coût d’apprentissage des nouveaux métiers à un coût des fois plus élevé que l’impôt.
- Le choix fiscal doit être simple et flexible
L’opportunité d’une décision fiscale s’évalue non seulement par l’avantage fiscal qu’elle procure à l’entreprise mais aussi par sa simplicité et sa flexibilité.
La simplicité doit s’apprécier en fonction de la situation de l’entreprise, de son organisation et de ses moyens. Le choix fiscal ne doit pas être disproportionné par rapport aux capacités de l’entreprise en recommandant, par exemple, à une petite entreprise de s’introduire à la BVMT pour bénéficier du taux réduit d’IS de 20% pendant une période de cinq ans de son introduction. Quant à la flexibilité des choix fiscaux, l’entreprise doit exercer des choix qui laissent une certaine marge de manœuvre au plan fiscal.
Ainsi, les choix fiscaux exercés ne doivent pas aboutir à figer la situation fiscale de l’entité266.
A cet effet, si la société auditée envisage la création d’une société totalement exportatrice, alors que ses perspectives d’exportation sont plutôt occasionnelles, l’auditeur fiscal suggère une extension destinée à l’export sans recourir à une structure autonome génératrice de coût.
- Le choix fiscal doit être sûr
L’audit fiscal doit contrôler la sécurité des choix fiscaux.
265M.Chadefaux, L’audit fiscal, Editions Litec, 1987, p.100.
266Op. cit, page 101.
Comme l’indique M.Cozian, « il n’est pas interdit d’être malin au plan fiscal, à condition de ne pas exagérer et de ne pas trop faire le malin » car on connaît le proverbe: « A malin, malin et demi »267.
Si le droit est reconnu aux entreprises d’utiliser les ressources juridiques et fiscales à leur disposition pour minimiser l’impôt être efficace, en revanche, est interdit d’éluder l’impôt. L’habilité fiscale est permise, mais sans excès.
L’efficacité fiscale qui appelle l’habilité fiscale a donc ses limites. Il y a un « savoir faire fiscal» dont il convient de ne pas abuser268.
Les choix fiscaux de l’entreprise pouvant ainsi être générateurs de risque, le contrôle des choix fiscaux implique la recherche de ces éventuels facteurs de risque: l’audit de l’efficacité commande de ne pas perdre de vue le contrôle de la régularité.
En pratique, s’agissant de choix stratégiques, la recherche du risque va s’orienter principalement vers la détermination des cas d’abus de droit.
Le rôle de l’auditeur dans cette étape se synthétise au niveau de l’examen approfondi des montages juridiques auxquels l’entreprise a reconnu afin de se prononcer sur le risque de la remise en cause ultérieure par l’administration fiscale.
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262 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
263 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
264 R.Yaich, Les impôts en Tunisie, Les Editions Raouf Yaich, 2003, p.573. ↑
265 M.Chadefaux, L’audit fiscal, Editions Litec, 1987, p.100. ↑
267 Comme l’indique M.Cozian, « il n’est pas interdit d’être malin au plan fiscal, à condition de ne pas exagérer et de ne pas trop faire le malin » car on connaît le proverbe: « A malin, malin et demi ». ↑
268 L’efficacité fiscale qui appelle l’habilité fiscale a donc ses limites. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment l’audit fiscal aide-t-il les PME à gérer les risques fiscaux?
L’audit fiscal est un outil de détection et de gestion des risques fiscaux dans les PME, permettant d’éclairer la société auditée sur les modifications susceptibles d’améliorer son efficacité fiscale.
Quels sont les critères d’évaluation des choix fiscaux par l’auditeur?
L’auditeur fiscal doit apprécier les avantages et les inconvénients des choix fiscaux en fonction de l’efficacité fiscale, notamment le critère financier, ainsi que la cohérence, la simplicité, la flexibilité et la sécurité du choix.
Pourquoi est-il important pour l’auditeur de vérifier les choix fiscaux passés et futurs?
L’auditeur ne doit pas se limiter à mettre en avant les insuffisances passées, mais doit aussi apprécier si les solutions fiscales envisagées sont adaptées et vérifier qu’il n’y a pas d’autres alternatives fiscales plus adéquates.