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Comment une approche méthodologique transforme le jugement comptable ?

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🏫 Université de Sfax pour le Sud - Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax - Commission d'Expertise Comptable
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de diplôme d'expertise comptable - 2002/2003
🎓 Auteur·trice·s
Karim AMOUS
Karim AMOUS

L’approche méthodologique en jugement comptable révèle des lacunes surprenantes dans la formation des experts-comptables. En explorant les rôles cruciaux de l’université et des instances professionnelles, cette étude propose des solutions innovantes pour renforcer l’aptitude au jugement, essentielle dans un environnement financier complexe.


Sous section 2 : Propositions en vue d’améliorer l’aptitude au jugement

Les propositions que nous avançons en vue d’améliorer l’aptitude au jugement dans la profession sont axées sur trois acteurs, à savoir l’université, les instances professionnelles et les professionnels.

§1. Rôle de l’université

Les propositions concernant le rôle de l’université en vue d’améliorer l’aptitude au jugement dans la profession sont les suivantes :

– Mieux préparer les futurs professionnels à l’exercice du jugement professionnel

La compréhension de la façon dont l’expert-comptable exerce son jugement a également des répercussions sur le partage et le développement des connaissances. Il peut être possible d’enseigner des techniques d’exercice du jugement et transmettre ainsi les connaissances acquises aux nouveaux experts-comptables.

Les concepteurs des programmes de formation universitaire comptable devraient axer davantage sur l’importance du jugement professionnel. Ainsi, les cours universitaires de comptabilité devraient mettre l’accent sur la capacité de choisir des solutions au delà de l’apprentissage mécanique de solutions uniques. Il s’ensuit que les cours professionnels et les examens professionnels devraient également mettre l’accent sur le jugement professionnel et permettre que les compétences acquises à cet égard soient testées[136].

Selon GIBBINS et MASON, il convient d’attribuer une importance réduite aux cours portant essentiellement sur des sujets techniques, en faveur de programmes conçus pour développer les facultés de jugement de l’étudiant en l’exposant à un enseignement général susceptible de stimuler la réflexion, le raisonnement et l’analyse1. Dans le même sens, SUNDEM précise que « la formation comptable doit mettre l’accent sur l’objectif premier des cours de formation qui est d’apprendre aux étudiants d’apprendre » 2.

– Instaurer un programme d’évaluation de la formation universitaire pour savoir si la formation universitaire prépare les futurs professionnels à l’exercice de jugement au niveau professionnel requis ;

– Insister sur l’éthique professionnelle et son utilité pour l’expert-comptable et la profession. Ainsi, le futur professionnel sera tenté de respecter l’éthique professionnelle lors de l’exercice de ses fonctions.

§2. Rôle des instances professionnelles

Les propositions concernant le rôle des instances professionnelles en vue d’améliorer l’aptitude des professionnels au jugement professionnel sont les suivantes :

– Insister sur le contrôle qualité : L’adoption d’une norme sur le contrôle de la qualité par l’IFAC porte à croire que l’on se soucie de plus en plus de la qualité des missions d’audit.

Il est donc nécessaire que les cabinets d’experts-comptables disposent de systèmes de contrôle de la qualité non seulement pour leurs missions d’audit mais pour toutes leurs missions afin d’atteindre l’excellence.

Par ailleurs, même en cas de litige, les experts-comptables pourront ainsi démontrer qu’ils se sont conformés aux normes professionnelles et réduire ainsi les risques de perte au minimum.

– Instaurer un contrôle plus rigoureux des dossiers par la commission de contrôle de l’OECT ;

– Instaurer un contrôle plus rigoureux au niveau du conseil du marché financier des sociétés faisant appel public à l’épargne ;

– Planifier des actions de formation visant à mettre en valeur l’importance de la formation professionnelle continue et sa pertinence pour le jugement professionnel. Par ailleurs, la planification de séminaires de formation organisés par des professionnels peut être envisagée. Aussi, l’instauration d’une obligation d’un minimum d’heures de formation est-elle utile afin que les experts-comptables prennent connaissance des nouveautés technologiques et des disciplines juridiques, comptables, fiscales, de gestion, etc.

§3. Rôle des professionnels

Les propositions que nous avançons, concernant le rôle des professionnels, en vue d’améliorer leurs aptitudes au jugement sont les suivantes :

– Développer le professionnalisme : Comme nous l’avons examiné dans la première partie, le professionnalisme est une des qualités nécessaires à l’expert-comptable pour émettre de bons jugements. Ainsi, afin d’améliorer l’aptitude des experts-comptables au jugement, il est primordial qu’ils fassent preuve de professionnalisme.

L’absence de normes professionnelles détaillées combinée à des facteurs comme la faillite des entreprises et l’incapacité de répondre aux attentes du public augmente le risque que les commissaires aux comptes fassent l’objet de poursuites en responsabilité de la part du public.

Selon l’ICCA, « l’augmentation des poursuites intentées contre les vérificateurs est en grande partie attribuable à un problème de jugement professionnel »[138]. Il affirme par ailleurs que l’étude des principaux échecs en matière de vérification qui ont causé des difficultés aux cabinets de commissaires aux comptes a montré que ces problèmes découlaient largement de mauvais jugements portés dans des conditions de stress et de tension3.

– Développer l’éthique et la déontologie professionnelles : Les normes professionnelles et les règles déontologiques sont inséparables du processus du jugement professionnel dans les missions liées aux états financiers. Ainsi, l’expert-comptable qui va exercer son jugement doit respecter l’éthique comptable et les règles déontologiques de la profession.

– Entretenir et développer ses connaissances : Comme nous l’avons déjà indiqué, les connaissances et l’expérience sont des qualités nécessaires à l’expert-comptable pour exercer son jugement. Sans elles, le professionnel ne pourrait satisfaire aux besoins du client ni aux normes de la profession. Il va de soi que tous les professionnels doivent recevoir une formation suffisante.

Cela ne se limite pas à la formation requise pour obtenir le diplôme d’expert-comptable mais plutôt une formation continue pour maintenir sa compétence professionnelle. Selon l’ICCA, « il incombe aux experts-comptables de tenir leurs connaissances à jour en lisant les publications et les prises de position de la profession, la presse financière et d’autres textes pertinents.

L’évolution constante du milieu de la comptabilité et des affaires exige un auto-perfectionnement continu »4. Pour ce faire, l’expert-comptable peut utiliser les outils technologiques tels que les bases de données et l’Internet afin d’atteindre cet objectif. D’ailleurs, le guide des compétences du cabinet d’expertise comptable 2002 précise que les nouvelles technologies permettent d’assurer les missions de l’expert-comptable avec rapidité, efficacité et seront le vecteur incontournable de la diffusion et de l’accès au savoir5.

Aussi, la grille de compétences des comptables agréés de l’ICCA prévoit-elle parmi les compétences professionnelles particulières l’utilisation compétente des ressources technologiques6.

– Instaurer un système de contrôle qualité : L’existence d’une norme sur le contrôle de la qualité fait ressortir la nécessité que les cabinets d’experts-comptables disposent de systèmes de contrôle de la qualité. Ainsi, les experts-comptables pourront, en cas de litige, démontrer qu’ils se sont conformés aux normes professionnelles et réduire par voie de conséquence les risques de perte au minimum.

– Développer le travail d’équipe : Le guide des compétences du cabinet d’expertise comptable 2002 a prévu parmi les compétences essentielles de l’expert-comptable qui favorisent le potentiel de croissance, le travail en équipe. Son développement passe par l’aptitude à implanter un esprit d’équipe et la création d’une synergie entre ses membres.

– Garder à l’esprit l’importance du jugement collectif et de la consultation : Le jugement professionnel dans les missions liées aux états financiers est en grande partie un processus collectif : il s’exerce habituellement au sein de l’entreprise ou au cabinet et plusieurs personnes peuvent y être associées7. Les recherches révèlent que les jugements collectifs ont toutes les chances d’être supérieurs à ceux exercés individuellement, ce qui laisse entendre que, la consultation et le travail d’équipe améliorent la qualité du jugement.

Conclusion générale

Dans le cadre de ce mémoire, nous avons examiné la relation entre le jugement professionnel et les normes professionnelles. Les normes sont nécessaires pour porter un jugement mais le jugement demeure primordial pour appliquer les normes. Ensuite, nous avons essayé de définir le jugement professionnel. Ce dernier consiste à appliquer des connaissances et une expérience pertinente avec les habiletés professionnelles et personnelles, dans le cadre défini par les normes professionnelles et le code d’éthique des professionnels comptables, pour prendre une décision dans le cas où il faut choisir entre différentes lignes de conduite.

Le jugement professionnel est un processus de prise de décision. L’analyse synchronique a permis d’identifier le cadre environnemental et de relever les facteurs qui affectent le jugement professionnel. Cette analyse met en évidence le caractère évolutif de ce processus, facteur de sa complexité. Le fonctionnement de ce processus est aussi tributaire de l’expérience de l’expert-comptable.

Avec l’appui de la psychologie cognitive, l’analyse diachronique a permis de décomposer ce processus en cinq étapes devant être suivies pour résoudre les problèmes complexes liés au jugement professionnel. Ces étapes sont la description du problème posé, la collecte de la documentation, l’identification des solutions possibles, l’évaluation des solutions et la formulation des conclusions.

Le processus ayant été décrit sous ces différents angles, il reste à dégager les qualités d’un bon jugement, les déterminants d’un bon jugement ainsi que les qualités nécessaires à l’expert-comptable pour exercer son jugement.

Les qualités nécessaires à l’expert-comptable pour exercer son jugement sont d’une part, le respect de l’éthique comptable et de ses composantes, et d’autre part, des qualités personnelles et professionnelles.

Le code des devoirs professionnels ainsi que le code d’éthique des professionnels comptables de l’IFAC contribuent à apporter à l’expert-comptable ces repères, mais au-delà de ce référentiel professionnel, il nous est apparu nécessaire que l’expert-comptable dispose d’une éthique personnelle.

L’opinion de l’expert-comptable comprend une part de subjectivité qu’il faut tenter de réduire en développant les qualités nécessaires. L’expert-comptable se doit d’être compétent et consciencieux ce qui induit une remise continue en question, une ouverture d’esprit, une probité et une honnêteté intellectuelle et de l’humilité. Il doit aussi, pour être objectif, intègre et indépendant, être indépendant d’esprit et paraître indépendant. L’ensemble de ces qualités peut être synthétisé par la devise de l’OECT « science, conscience, indépendance ».

L’expert-comptable doit réunir un ensemble de qualités visant à optimiser ses connaissances et son expérience, qui combinées, feront de lui un expert, c’est-à-dire un professionnel apte à émettre des jugements professionnels pertinents.

Afin d’atteindre les qualités d’un bon jugement, à savoir l’objectivité, la pertinence et la globalité, l’expert-comptable doit satisfaire les critères déterminants d’un bon jugement. En effet, au cours de l’acquisition de son expérience, l’expert-comptable doit développer l’aptitude à écouter, l’aptitude à rechercher un consensus, l’aptitude à délivrer un diagnostic, l’aptitude à pouvoir démontrer la logique du jugement et l’aptitude à démontrer la diligence.

Le jugement professionnel relève du processus de prise de décisions. Nous avons illustré le processus d’exercice du jugement professionnel, d’une part, dans le cadre des missions d’audit des états financiers et d’autre part, dans le cadre des missions de présentation des états financiers. Dans le cadre des missions d’audit, nous avons d’abord examiné la détermination du seuil de signification pour la définition du programme des tests substantifs et ensuite l’audit des estimations comptables. Dans le cadre de ces deux cas, nous avons présenté un aperçu théorique sur les règles régissant ces deux thèmes puis nous avons illustré le processus d’exercice du jugement, à travers ses cinq étapes, et apprécié enfin le comportement a posteriori.

Dans le cadre des missions de présentation des états financiers, nous avons présenté les règles de présentation des notes aux états financiers, puis illustré le processus d’exercice du jugement dans le cadre de la présentation de l’information sectorielle pour enfin apprécier le comportement a posteriori.

En vue d’améliorer l’aptitude au jugement dans la profession, nous avons réalisé un questionnaire, combiné de questions fermées et ouvertes, destiné aux universitaires, aux membres de direction d’entreprises et aux experts-comptables.

La responsabilité de l’amélioration de l’aptitude au jugement de l’expert-comptable incombe à l’université, aux instances professionnelles et aux professionnels.

Le rôle de l’université consiste essentiellement à mieux préparer les futurs professionnels à l’exercice du jugement professionnel en repensant les méthodes d’éducation et en rapprochant l’université du milieu professionnel.

Le rôle des instances professionnelles concerne essentiellement le développement des connaissances et des compétences des professionnels ainsi que l’assurance que des services de qualité soient rendus par les professionnels.

Enfin, le rôle des professionnels consiste à valoriser l’image de marque de la profession en fournissant des services de qualité, en respectant l’éthique comptable et en développant leurs connaissances ainsi que celles de leurs collaborateurs.

L’amélioration de l’aptitude de l’expert-comptable au jugement professionnel nécessite l’accomplissement des rôles complémentaires de ces acteurs. Cette amélioration entraîne un coût additionnel pour ces acteurs. Se posent alors les questions suivantes :

– Les experts-comptables sont-ils prêts à assumer ce coût ?

– Le marché est-il mûr pour valoriser la démarche d’amélioration des aptitudes des experts-comptables au jugement professionnel ?

________________________

1 GIBBINS et MASON, « Importance du jugement professionnel », 2020.

2 SUNDEM, « Formation comptable », 2019.

3 ICCA, « Problèmes de jugement professionnel », 2021.

4 ICCA, « Auto-perfectionnement continu », 2022.

5 Guide des compétences du cabinet d’expertise comptable, 2002.

6 Grille de compétences des comptables agréés de l’ICCA, 2020.

7 Recherche sur le jugement collectif, 2023.


Questions Fréquemment Posées

Comment l’université peut-elle améliorer l’aptitude au jugement des futurs experts-comptables ?

L’université peut améliorer l’aptitude au jugement en préparant mieux les futurs professionnels à l’exercice du jugement professionnel et en mettant l’accent sur l’importance du jugement dans les programmes de formation.

Quel est le rôle des instances professionnelles dans l’amélioration du jugement comptable ?

Les instances professionnelles doivent insister sur le contrôle qualité, instaurer un contrôle rigoureux des dossiers et planifier des actions de formation pour souligner l’importance de la formation professionnelle continue.

Pourquoi l’éthique professionnelle est-elle importante pour les experts-comptables ?

L’éthique professionnelle est essentielle car elle incite les futurs professionnels à respecter les normes éthiques lors de l’exercice de leurs fonctions, ce qui est crucial pour la profession.

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