L’approche anthropologique des organisations révèle une transformation inattendue des concepts d’autogestion, longtemps négligés. En redéfinissant ces principes à travers la participation et la démocratie, cette recherche propose des solutions innovantes pour revitaliser les formes organisationnelles contemporaines, essentielles face aux défis du modèle industriel traditionnel.
- Vers une conception plus anthropologique et moins mécaniste des processus organisationnels en entreprise :
La « culture d’entreprise » :
Mais l’organisation holographique ne renvoie pas seulement à des aspects matériels, structurels, fonctionnels ; elle renvoie également à des aspects symboliques. Ainsi, une organisation devient réellement holographique « lorsque chaque employé partage ce sentiment d’appartenance à un tout » permettant ainsi d’assurer sa cohésion. Gareth Morgan présente ainsi la « culture d’entreprise » comme un « potentiel holographique »106.
105 DERY, Richard. De l’information à l’argumentation. In L’individu dans l’organisation, les dimensions oubliées. Sous la direction de Jean-François Chanlat. Les presses de l’université de Laval, Editions ESKA, 1990 106 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989.
Cette thématique de la « culture » d’entreprise n’est pas nouvelle107. Elle a donné lieu à un véritable engouement managérial dès le début dans années 80, notamment à la suite de l’ouvrage de Peters et Waterman intitulé Le prix de l’excellence. Cet engouement perdure aujourd’hui car c’est à un véritable bouleversement conceptuel que nous invite cette notion : l’accent n’est désormais plus seulement mis sur la nécessité de s’accorder sur des procédures matérielles de travail mais également sur des valeurs.
Cette thématique ouvre ainsi la voie à une certaine anthropologisation de l’entreprise, où les dimensions symboliques de valeurs, de croyances et de rites étaient auparavant déniées au profit d’une conception purement économique, mécanique et fonctionnelle/instrumentale des organisations artefactuelles. La notion de culture donne donc à voir l’entreprise non plus comme un agrégat d’individus guidés par des intérêts économiques, mais comme une véritable communauté anthropologique cohérente et soudée autour de valeurs communes.
La « culture d’entreprise » va également jouer un rôle essentiel dans une organisation autogérée. En effet, l’implication et l’adhésion naturelle et spontanée de ses membres va participer de la socialisation du pouvoir. Ainsi, lorsque la culture commune est forte, l’adhésion et l’implication « ne nécessite aucun effort de la part de l’organisation pour obtenir l’intégration souhaitée »108, « quand le système idéologique est puissant et fort, les systèmes de contrôle ne sont plus nécessaires ».
Ainsi, « une idéologie forte et puissante a un effet considérable de nivellement du pouvoir dans la coalition interne. Comme tout le monde a le même système de croyances, tout le monde a la confiance de tout le monde en matière de prise de décision ». En adhérant aux mêmes croyances, « les membres de l’organisation partagent (…) en fait un ensemble de préférences pour des résultats organisationnels » :
« alors qu’aucune autre personne n’oriente les autres vers la poursuite d’un but unique, tous le font spontanément parce qu’ils s’identifient à l’organisation et à sa mission ». « En partageant les croyances, tout le monde se partage aussi le pouvoir ». Ainsi, le partage d’une même culture cristallisée par l’organisation favorise la socialisation des moyens de pouvoir : « le pouvoir dans la coalition interne a tendance à être réparti uniformément quand il y a une idéologie forte et puissante ». Une forte culture organisationnelle semble donc essentielle à la mise en pratique de l’autogestion.
107 Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « la notion de culture apliquée à l’entreprise » (p 43)
108 Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions d’organisation, 1986, 2003
Et elle y est particulièrement forte. En effet, la « culture » de l’entreprise se nourrit ici directement des cultures personnelles : les principes de fonctionnement de l’entreprise (l’autogestion) réalisent en effet l’idéal sociopolitique des membres de l’organisation, ce qui engendre une pleine participation et implication de chacun par une identification presque totale à l’entreprise : « les agents internes ne se contentent pas d’accepter tout simplement les buts centraux, il les partagent ou les intériorisent comme s’il s’agissait de leurs propres buts personnels » 109.
Les finalités et les valeurs de l’organisation recoupant totalement les aspirations et l’idéologie ses membres, le tout se trouve ainsi disséminé dans chacune des parties qui se trouvent, elles mêmes, pleinement intégrées au tout.
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106 MORGAN, Gareth. Les images de l’organisation. SKA, 1989. ↑
107 Voir annexe 1 : « généalogie des théories organisationnelles et communicationnelles » : « la notion de culture apliquée à l’entreprise » (p 43) ↑
108 Le pouvoir dans les organisations, henry Mintzberg, Editions d’organisation, 1986, 2003 ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la culture d’entreprise dans le contexte de l’autogestion?
La culture d’entreprise renvoie à des aspects symboliques et permet à chaque employé de partager un sentiment d’appartenance à un tout, assurant ainsi la cohésion de l’organisation.
Comment la culture d’entreprise influence-t-elle l’autogestion?
Une forte culture organisationnelle favorise la socialisation des moyens de pouvoir, permettant une adhésion et une implication naturelles des membres, ce qui est essentiel à la mise en pratique de l’autogestion.
Pourquoi l’approche anthropologique est-elle importante pour les organisations?
L’approche anthropologique permet de considérer l’entreprise comme une communauté cohérente autour de valeurs communes, plutôt que comme un simple agrégat d’individus guidés par des intérêts économiques.