Les applications pratiques contre le mariage forcé révèlent une réalité alarmante : malgré des lois existantes, la répression de cette infraction reste insuffisante en République Démocratique du Congo. Cette étude met en lumière les conséquences socio-juridiques et appelle à une action urgente pour protéger les droits des femmes.
Problématique
Après une longue observation faite par nous dans les milieux ruraux et urbains de la République Démocratique du Congo, en général et particulièrement dans la ville de Kalemie, il se remarque une recrudescence de plusieurs cas des mariages forcés dont sont victimes les femmes et les jeunes filles.
Ces mariages forcés sont à la base de l’analphabétisme et de la déscolarisation de ces enfants alors que conformément à la constitution congolaise du 18 février 2006 ; celle-ci dispose en son article 43 : « toute personne a droit à l’éducation scolaire. Cette éducation doit être assurée par les parents selon leurs moyens pécuniaires ».19 Or, face à cette thématique, à cause de la pauvreté et de certaines circonstances exceptionnelles, catastrophes naturels, guerres, calamités,… beaucoup de parents préfèrent donner leurs filles majeures comme mineures en mariage sans pour autant obtenir leur consentement préalable.
Il suffit que les prétendants se fassent présenter comme des personnes qui ont assez des moyens financiers. Ceci permet aux parents ou tuteurs de percevoir le prix de la dot et une assistance qui améliorerait leur situation économique.
C’est pourquoi, devant cette situation alarmante, le législateur congolais a érigé en infraction de mariage forcé le fait pour toute personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire en droit sur une personne mineure, de l’avoir donné en mariage ou en vue de celui-ci, ou sur une personne majeure, de l’avoir contrainte à se marier. Cette incrimination est prévue et punie par les articles 174f du code pénal congolais livre II tel que modifié et complété par la loi n°006/018 du 20 juillet 2006 et 189 de la loi portant protection de l’enfant.
Toutefois, face à ce qui précède, nous pensons que ces différentes dispositions ci-haut citées ne sont pas du tout mises en application par les autorités chargées de poursuivre et de réprimer cette incrimination de mariage forcé dans la ville de Kalemie. C’est ainsi que beaucoup de parents, ignorants de la loi, l’enfreignent en contraignant leurs filles à se marier contre leur volonté, ou donnent leurs filles mineures en mariage avant que celles-ci n’atteignent l’âge légal pour contracter mariage, lequel âge est relevé à 18 ans révolus.
Face à tout cela, nous nous sommes posé un nombre constant des questions sous forme de problématique. Ces questions s’enchainent de la manière que voici :
- Nonobstant interdiction de la loi, est-ce que le mariage forcé continue-t-il à être appliqué dans nos sociétés ?
- Si oui, pourquoi la justice ne poursuit ni ne punit-elle pas les auteurs de l’infraction de mariage forcé.
- Quelles sont les causes sous-jacentes et les conséquences que peut engendrer cette incrimination ?
- Quel remède pouvons-nous proposer face à ces situations du reste déplorables ?
Telles sont nos préoccupations majeures auxquelles nous répondrions provisoirement dans nos hypothèses et qui seront approfondies par nous tout au long de ce travail.
Hypothèses
Malgré le fait que le législateur congolais ait prévu dans son arsenal juridique l’incrimination de mariage forcé et que cet état de chose fait l’objet d’une interdiction formelle au niveau international et ce, conformément aux instruments juridiques internationaux dont la déclaration universelle des droits de l’homme, la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le protocole de Maputo sur les droits de la femme, le droit international humanitaire ; nous pensons que l’infraction de mariage forcé continue à exister ou à s’appliquer et à se commettre en République Démocratique du Congo en général, et dans la ville de Kalemie en particulier, surtout dans les milieux ruraux de cette contrée parce que la loi étant complètement méconnue de la population.
Dans cette même lancée, nous estimons que les autorités judiciaires (OPJ et OMP) ne poursuivent pas et ne punissent pas non plus cette infraction car selon nous, la justice congolaise étant animée d’une grande léthargie ou négligence par rapport à l’application des textes légaux incriminant l’infraction de mariage forcé, et à cet effet, les Officiers de Police Judiciaire (OPJ) et l’Officier du Ministère Public (OMP) étant garants de la loi, appliquent ou font application du principe selon lequel l’accessoire suit le principal pour signifier à titre exemplatif lorsqu’un OMP ou un OPJ reçoit une information selon laquelle un Monsieur X se marie à une jeune fille Y, laquelle n’a pas encore atteint l’âge légal pour contracter mariage, l’OPJ ou le MP ne poursuivra ou n’instruira que le dossier judiciaire de l’infraction de viol à l’égard du mari de la jeune fille et se désintéressera des parents de ladite fille qui auront perçu la dot et qui, conformément à la loi, seraient également complices du viol commis à l’égard de leur fille et lesquels parents doivent être passibles des sanctions pour avoir donné leur fille mineure en mariage ; d’où ces parents sont coupables du mariage forcé à l’égard de leur enfant.
Et pour les majeurs, surtout les femmes qui sont contraintes à se marier contre leur propre volonté, elles ne sont pas capables de dénoncer leurs parents ou leurs tuteurs qui les contraignent à se marier, par peur, par résignation, par abus d’autorité que font preuve les parents…
Ainsi, les pratiques de mariage forcé dans la ville de Kalemie sont légions et sont parfois favorisées par : l’inégalité des sexes ; la pauvreté ; les us et coutumes ou certaines pratiques traditionnelles ; les croyances superstitieuses ; la non-application des lois ; les situations d’urgence ; etc.
C’est pourquoi, par rapport aux conséquences de l’infraction de mariage forcé, nous estimons que cette incrimination entraine des graves conséquences sur la vie des couples et surtout sur celle des victimes. Et par-là, nous trouvons que les mariages forcés lorsqu’ils sont célébrés, ils sont mécaniques, artificiels et sans fondement solide, d’où ces mariages engendrent le manque d’amour, les divorces, le manque de conviction et du ferme engagement, de violences et abus sexuels, les risques pour la santé lorsqu’il s’agit d’un mariage d’une fille mineure, etc.
Pour finir avec la dernière préoccupation, nous proposerons au législateur congolais de revoir son code de la famille et y insérer une notion qui ne traiterait uniquement que du consentement libre et éclairé comme condition primordiale du mariage et sans laquelle les autres conditions ne peuvent pas être possibles et qui conduirait à l’annulation du mariage. Nous proposerons également aux autorités judiciaires de poursuivre et punir sévèrement l’incrimination du mariage forcé tel que prévue dans l’arsenal juridique et ce, conformément aux articles 174f du code pénal livre II, 189 de la loi portant protection de l’enfant.
Dans la même perspective, nous demanderons également aux femmes et aux jeunes filles, victimes de l’infraction de mariage forcé, de dénoncer leurs infracteurs par-devant la justice sans peur ni résignation pour faire valoir leurs droits et libertés tels que prônés par les instruments juridiques internationaux.
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19 Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la n°11/002 du 20 janvier 2011portant révision de certains articles de la constitution de République Démocratique du Congo, Article 43, in JORDC, Kinshasa, Numéro Spécial du 5 février 2011. ↑
Questions Fréquemment Posées
Pourquoi le mariage forcé persiste-t-il en République Démocratique du Congo?
Le mariage forcé persiste en République Démocratique du Congo en raison de l’ignorance de la loi par la population et des coutumes traditionnelles qui favorisent cette pratique.
Quelles sont les conséquences du mariage forcé sur les femmes et les jeunes filles?
Les conséquences du mariage forcé incluent l’analphabétisme et la déscolarisation des enfants, ainsi que la contrainte des femmes et des jeunes filles à se marier contre leur volonté.
Comment la justice congolaise traite-t-elle les cas de mariage forcé?
La justice congolaise ne poursuit ni ne punit les auteurs de l’infraction de mariage forcé, ce qui contribue à la persistance de cette pratique.
Quelles lois existent contre le mariage forcé en droit congolais?
Le mariage forcé est érigé en infraction par les articles 174f du code pénal congolais et 189 de la loi portant protection de l’enfant.