Les applications pratiques de la législation foncière révèlent une inefficacité alarmante dans la gestion des terres en Haïti, exacerbée par des faiblesses institutionnelles. Cette recherche met en lumière des solutions innovantes pour surmonter ces défis critiques et protéger les droits de propriété.
Le dispositif légal domanial et foncier
Le cadre formel de la propriété foncière est consacré dans la Constitution de 1987 dans l’article 36 qui reconnaît et garantie la propriété privée, détermine les modalités d’acquisition, de jouissance ainsi que les limites216. La constitution distingue deux formes de propriété, soit celle privée et celle publique relevant du domaine de l’État217. L’article
36.5 fixe les limites du droit de propriété individuel qui ne s’étend pas au littoral, aux sources, rivières, cours d’eau, mines et carrières, et ces terres font partie du domaine public de l’État218. Le Code Civil et le Code Rural encadrent les modalités et les procédures de l’accès, les modalités de création et de répartition de la rente foncière, les règles pour la division de la propriété´ et sa transmission en héritage. Le dispositif légal domanial et foncier de la république d’Haïti est relativement classique, fondé sur le Code civil qui est le texte de base relativement au droit foncier privé et, très indirectement, au droit domanial.
Toutefois, il faut remarquer la place prépondérante faite au droit rural, appuyée notamment sur le Code rural. Cette prégnance du droit rural, et en particulier du régime établi pour les terres rurales, se traduit dans de multiples dispositions relatives aux terres détenues en propriété par les paysans (par exemple, 219l’interdiction de constituer des hypothèques sur des terrains ruraux formellement appropriés), mais aussi par celles relatives aux terres du domaine privé de l’État sur lesquelles des droits ont été attribués, sous de multiples formes qui ont varié au rythme des changements politiques.
Alors que le Décret du 22 septembre 1964 fixe les loyers et fermage des biens 220du domaine privé de l’État, ces biens (terres), d’après l’article 2 ; l’article 5 avance que : « les bénéficiaires éventuelles de ces terres seront considérées comme des usufruitiers de l’État pour une période de 9 ans renouvelable »221. Et dans l’article 6 :
« le lot ainsi attribué est indivisible, inaliénable, incessible et n’est pas transmissibles par voie successorale, sauf en cas de décès du chef de la famille, l’exploitation restera à la disposition des autres membres de la famille pendant toute la durée du contrat de 222concession ». Pourtant, l’État ne contrôle plus certains contrats de fermage, et le quota de 6% de la valeur marchande réelle et actuelle de la propriété exigé par l’État (DGI), n’est pas acquitté régulièrement, alors qu’aucune décision forcée ne contraint les fermiers à respecter toutes les clauses des contrats de baux relevant de ces terres. (Susmentionnées dans la Loi No. XIV du Code Rural.
Or, en nous basant d’une part sur ce dispositif : 223le Code civil, notamment en son article 443 ; la loi du 26 juillet 1927, sur la gestion des biens du domaine privé de l’État, en particulier son article 2 qui fixe même le régime du domaine public et la consistance de celui-ci, dans un texte ayant pourtant pour objet le domaine privé ; le décret du 22 septembre 1964 sur le fermage et le loyer des biens de l’État dont les articles 1 et 2 reprennent à l’identique les articles 1 et 2 de la loi de 1927 ; le décret de 1975 sur l’arpentage, en son article 13 :
Les arpenteurs sont tenus de déclarer à l’Administration générale des contributions les terrains que, dans le cours de leurs opérations, ils auront reconnus ou croiront appartenir à l’État. Ils dénonceront aussi au directeur général des Contributions pris en sa qualité de curateur principal aux successions vacantes, les biens fonciers qui en relèvent et dont l’existence sera connue d’eux…
D’autre part, dans la pratique, les éléments constitutifs de ce domaine semblent peu respectés en tant que tels, sans doute parce que la législation elle-même n’y attache que l’importance très relative. Alors que le décret territoriale de la section communale peut contenir : les biens des particuliers ; les biens des domaines privés et publics de l’État ; les biens du domaine privé de la commune ; les biens du domaine privé de la section communale. L’ineffectivité dans la gestion de ces domaines laisse beaucoup à désirer et est parfois l’origine de tant de conflits récurrents qui rend le climat foncier encore plus complexe et génère des disparités croissantes.
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216 Constitution d’Haïti de 1987, amendée en 2011, Art 36. ↑
217 Land Alliance (Jérôme PENNEC, consultant), Analyse des quatre avant-projets de loi cadrant la réforme foncière en cours en Haïti, octobre 2016. ↑
218 Art 36 de la Constitution de 1987, amendée en 2011, Op. Cit. ↑
219 Cette disposition du Code rural de 1962 (dit « Code rural François Duvalier »), sur laquelle nous reviendrons plus loin, concerne spécifiquement les « biens ruraux appartenant à des paysans » et interdisait également la vente à réméré. Elle avait pour objectif de limiter l’appropriation fréquente de terres paysannes par des banquiers ou des usuriers répondant à des demandes de crédit dans des situations d’urgence (maladie, décès en particulier), et la plupart du temps impossibles à rembourser dans les délais du fait du peu d’opportunités de se procurer de l’argent liquide en milieu rural (faible prix de vente des denrées, manque d’opportunités de salaire, etc.). Si cette disposition existe toujours, la définition de ce qu’est aujourd’hui un « bien rural » ou un « paysan » est plus problématique. ↑
220 Dans les années 1920, on voit apparaître expressément, le domaine « privé », incluant les biens appartenant à des acteurs publics (État, collectivités décentralisées, etc.). ↑
221 Le Moniteur, Journal official de la République d’Haïti, #57, 27 juillet 1989. ↑
222 Dans la succession des textes haïtiens depuis l’Indépendance, on voit que le terme « concession » est plutôt utilisé, de manière à peu près constante, dans sa signification générique, « ce qui est accordé par la puissance». publique », et qui pourrait donc porter aussi bien sur une dépendance du domaine public que sur un bien du domaine privé, et non pas dans ses acceptions contemporaines du droit français. En Haïti, la concession dont la durée peut s’étendre sur 99 ans donne au bénéficiaire la jouissance de tous les privilèges d’un vrai propriétaire. ↑
223 Le foncier en Haïti La propriété foncière, entre complexités juridiques et improvisations informelles depuis l’Indépendance, 0p. Cit, p19. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la base légale de la propriété foncière en Haïti?
Le cadre formel de la propriété foncière est consacré dans la Constitution de 1987 dans l’article 36 qui reconnaît et garantit la propriété privée.
Quelles sont les principales lois régissant la gestion des terres en Haïti?
Le Code Civil et le Code Rural encadrent les modalités et les procédures de l’accès, les modalités de création et de répartition de la rente foncière, ainsi que les règles pour la division de la propriété et sa transmission en héritage.
Quels défis sont liés à l’application de la législation foncière en Haïti?
Les défis liés à l’application de la législation foncière incluent la faiblesse des trois pouvoirs de l’État haïtien et la décadence du système de régulation foncière.