Comment les applications pratiques transforment la comptabilité en Tunisie ?

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🏫 Université de Sfax - Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Mastere - 2006-2007
🎓 Auteur·trice·s
MEDHIOUB Hamdi
MEDHIOUB Hamdi

Les applications pratiques de la comptabilité révèlent des dynamiques culturelles inattendues en Tunisie. Cette étude met en lumière comment des facteurs économiques et institutionnels ont façonné l’évolution comptable entre 1968 et 2006, offrant des perspectives essentielles pour comprendre les défis contemporains.


Section 3 :

Le facteur culturel

Avant de montrer le rôle de la culture dans le développement de la comptabilité, nous devons au préalable présenter la culture comptable en Tunisie.

La culture comptable en Tunisie

Comme notre recherche est une étude longitudinale, nous présenterons l’évolution de la culture comptable tunisienne depuis 1968. Nous allons insister sur l’année 1997 parce que cette année a vécu un changement culturel important d’une culture comptable plan comptable général inspiré du plan comptable français à une culture comptable anglo-saxonne. (Mabkhout, 2006)

La définition de la culture

Hofstede (1980) définit la culture comme étant : une programmation mentale collective et c’est cette partie de notre conditionnement que nous partageons avec les autres membres de notre nation, mais aussi de notre région, de notre groupe, et non avec ceux d’autres nations, d’autres régions. (Chouchène, 2004)

Cette programmation mentale trouve sa source dans les divers environnements sociaux rencontrés au cours d’une vie passant de la famille, par la suite elle se poursuit avec la vie du quartier, de l’école, des groupes de jeunes, du lieu de travail etc. (Chouchane, 2004). La culture est un acquis, pas un héritage ; elle provient de l’environnement social d’un individu. Quatre dimensions sont déterminantes, les symboles, les rites, les héros et les valeurs.

Les valeurs peuvent se décomposer en quatre dimensions mesurables à savoir la distance au pouvoir, l’individualisme, la masculinité et l’évitement de l’incertitude. (G.Hofstede, 1980).

L’évolution de la culture comptable tunisienne depuis 1968

La Tunisie a passé par trois principales périodes étroitement différentes à savoir : la première période entre 1956 et 1967, la deuxième entre 1968 et 1996 et la dernière jusqu’à nos jours. Dans la première la Tunisie appliquait le PCG (68) inspiré du plan français, dans la seconde période, la Tunisie appliquait le SCE (97) inspiré des normes internationales.

Jusqu’au 1968, les entreprises tunisiennes utilisent pour leurs enregistrements de leurs opérations et la préparation de leurs états comptables, le plan comptable français 1947. Ce plan constituait à l’époque, un grand progrès par rapport aux procédés de comptabilisation utilisés auparavant. Après l’indépendance, la Tunisie a continué à utiliser le système comptable français. (Ghorbel, 1999)

L’impératif de souveraineté de l’Etat tunisien, pays indépendant, désirant se libérer totalement et définitivement des séquelles du colonialisme à travers la « tunisification », et en vue d’adopter la comptabilité des entreprises aux besoins de la comptabilité nationale, l’élaboration d’un autre plan comptable devient une nécessité. (Derbel, 1997).

En 1965, une commission nationale en faisant appel à des compétences françaises, a été appelée pour élaborer le nouveau comptable tunisien. Cette commission a pris comme base le plan comptable français et le fait introduire des modifications de façon à lui faire parler le même langage que la comptabilité nationale.

En 1968, la Tunisie possédait son plan comptable. Cette nouvelle distribution répondait à l’époque aux exigences de l’entrepreneur et lui permettait d’avoir de nouveaux renseignements pouvant lui donner des indications intéressantes sur la marche de son entreprise et en particulier sa capacité réelle d’autofinancement et d’investissement c’est-à-dire de son cash-flow. (Ghorbel, 1999)

Concernant ces deux premières périodes, la Tunisie utilisait une comptabilité qui privilégie l’Etat et répond aux exigences de ce dernier en matière de la fiscalité et d’indicateurs macro-économiques. Le financement est assuré par les institutions financières et il y a un accès direct à l’information sur les entreprises. Les pratiques comptables étaient conservatrices visant à protéger le droit des tiers et les créanciers et le respect des politiques gouvernementales.

L’application par les comptables tunisiens de ces règles strictes et rigides, qui obéissent à un intérêt fiscal, nuit à l’existence d’une image fidèle de l’entreprise. Ceci traduit clairement l’influence de la culture continentale sur les pratiques comptables, qui est tout à fait à l’opposé de la culture anglo-saxonne (Mabkhout, 2006). Par conséquent, les utilisateurs des états financiers ne peuvent pas prendre les meilleures décisions économiques en se basant sur les informations diffusées par cette comptabilité.

À partir des années 80, certains professionnels commencèrent à s’élever contre plusieurs aberrations, ambiguïtés et insuffisances du PCGT (1968). À titre d’exemple les bilans et les comptes présentés sont établis de façon très synthétique et succincte à tel point qu’il devient impossible à tout observateur d’émettre un jugement sur la réalité de l’entreprise, le système d’information semble être biaisé au profit de l’administration fiscale que les directions des entreprises semblent considérées comme utilisateur privilégié.

Les prérogatives du pays étaient tournées vers l’agrandissement et la consolidation des entreprises, l’impérative de trouver des sources de financement importantes, qui permettront la réalisation de cet objectif, s’est fait sentir. Le pays s’est donc consacré au développement du marché boursier et l’encouragement des investissements notamment avec la création des SICAV, l’octroi d’avantages fiscaux pour les activités d’investissement etc.

C’est ainsi que le plan comptable de 1968 n’était plus suffisant puisqu’il ne permettait pas d’avoir des assises solides pour établir des états financiers sophistiqués et attirer les investisseurs. (Ghorbel, 1999)

Dans ce sens Zeghal et al (2006 b) ont considéré qu’avec les mutations profondes de l’économie et de la société tunisienne et après 30 ans d’immobilisme, l’inadaptation du plan (1968) devient de plus en plus gênante aussi bien pour l’entreprise que pour son environnement. En effet, les états financiers publiés qui se limitent à un bilan et quatre comptes de résultat ne suffisent pas à un utilisateur externe pour apprécier la situation financière et les performances d’une entreprise et comparer les données financières entre elles en absence de notes explicatives sur les règles comptables utilisées et d’informations complémentaires sur les engagements de l’entreprise et les flux de financement de ses activités.

L’élaboration d’un nouveau système comptable devient une nécessité. L’année 1997 démarre avec le nouveau système comptable. Ce système a pour objectif de dégager la tenue et la présentation des états financiers et comptables de leur dépendance étroite des règles et obligations fiscales, pour coller plus à la réalité des transactions et opérations touchant le patrimoine de l’entreprise. Le nouveau système a été à sa naissance fortement salué. C’est pour certains la potion magique qui dénouera tous les problèmes, en particulier, les parties concernées par l’information comptable. Ses détenteurs traiteront ainsi aisément et divulgueront à temps des Etats Financiers attendus par les utilisateurs de ces EF capables à leur tour d’assimiler et analyser avec facilité les données financières fournies. (Ghorbel, 1999)

Nous allons dans ce qui suit, mettre l’accent sur les principaux apports du SCE :

  • Un cadre conceptuel de la comptabilité financière qui constitue la structure de référence théorique qui sert de guide pour l’élaboration des normes comptables ;
  • Enumération des différents utilisateurs et leurs besoins en informations comptables et/ou financières ;
  • Les mécanismes de communication de l’information financière, notamment les états financiers (documents de synthèse), annuels et semestriels, provisoires et définitifs, en exposant leur mode d’élaboration et de présentation (méthode de référence et méthode autorisée ainsi que les principes comptables adoptés).

En général, le SCE a été préparé en tenant compte de la nature de notre tissu économique (industriel et commercial), composé essentiellement de petites et moyennes entreprises et pour un marché financier de petite taille (Aboub, 2006).

Pour Mabkhout (2006), le nouveau système comptable présente des avantages dans la mesure où le niveau des étudiants s’est nettement amélioré grâce au cadre conceptuel. Ces derniers dépassent leurs homologues français une fois partis en France ou ailleurs. Selon le même chercheur1 : « Les meilleurs étudiants en comptabilité sont des Tunisiens. Car depuis 1997, nous parlons de comptabilité différente de la fiscalité ! L’Université joue un rôle important »

La réforme comptable a renforcé l’économie nationale dans la mesure où elle a facilité l’implantation des entreprises étrangères en les soumettant à des normes comptables internationales. C’est aussi un acquis à l’enseignement supérieur de comptabilité qui commence à porter ses fruits par la nouvelle génération de chercheurs en ce domaine dont l’obligation est de faire de la Tunisie leur champ d’étude privilégié.

Toutefois ce système comportera quelques limites à savoir :

  • Le système manque de normes essentielles, d’interprétations et de guides d’application. La divulgation par les entités économiques d’une information financière de haute qualité suppose l’existence d’un dispositif comptable complet.
  • Il n’a pas suivi l’évolution des IFRS (sa principale source d’inspiration) et ce, depuis sa promulgation à la fin de 1996. L’objectif de conformité au référentiel comptable international est loin d’être atteint. (Gabsi, 2006)

Concernant cette période, la Tunisie utilisait une comptabilité orientée vers la satisfaction des besoins des investisseurs considérés comme les utilisateurs privilégiés, une comptabilité qui essaie de divulguer une information de qualité dans les rapports comptables et un accès à l’information via le « Reporting » de l’entreprise. Dans ce sens, Hédi Baâzaoui (2006) a considéré que l’objectif fondamental du système comptable des entreprises de 1997 est d’enrichir le contenu informationnel des états financiers par la préparation et la publication des états financiers répondant aux besoins des investisseurs.

Choucène (2004) a considéré que dans un souci d’harmonisation du système comptable tunisien avec le référentiel international de l’IASC, le nouveau système comptable tunisien a été créé en adoptant des normes en harmonie avec celles de l’IASC. Ainsi, nous avons assisté à un passage d’une culture comptable plan comptable général inspiré du plan comptable français à une culture comptable anglo-saxon. (Mabkhout, 2006)

Ce constat est éprouvé par le modèle de Doupnik et Salter (1995) (déjà énoncé dans la section précédente). Selon ce modèle, les normes culturelles et les valeurs se modifient en fonction de l’importance des événements qui ont été crées par l’environnement externe. Nous apercevons que le passage d’une économie planifiée à une économie de marché et l’ensemble des facteurs « influançants » ont été suivies par une réforme au niveau comptable : un passage d’un plan comptable général, inspiré du plan français, à un système comptable doté d’un cadre conceptuel et des normes comptables inspirées des normes internationales. Le système comptable tunisien a ainsi interagit avec d’autres systèmes (dont le système comptable international) pour développer une réponse à ces évènements influançants : d’où le passage du Plan Comptable Général (PCG) au Système Comptable des Entreprises (SCE).

Par conséquent, nous pouvons souligner qu’il existe une évolution des valeurs culturelles tunisiennes, d’une culture PCG à une culture comptable anglo-saxonne.

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1 http://www.dso-na.info/index.php


Questions Fréquemment Posées

Quelle est l’évolution de la culture comptable en Tunisie depuis 1968?

La Tunisie a passé par trois principales périodes : la première entre 1956 et 1967 avec le PCG inspiré du plan français, la seconde entre 1968 et 1996 avec le SCE inspiré des normes internationales, et la dernière jusqu’à nos jours.

Comment la culture comptable tunisienne a-t-elle changé en 1997?

En 1997, la Tunisie a connu un changement culturel important, passant d’une culture comptable inspirée du plan comptable général français à une culture comptable anglo-saxonne.

Quels facteurs ont influencé le développement de la comptabilité en Tunisie?

Les cinq facteurs principaux qui ont influencé le développement de la comptabilité en Tunisie sont : culturel, économique, institutionnel, privatisation des entreprises publiques et ouverture économique.

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