Les applications pratiques de l’autofiction révèlent des dynamiques sociales inattendues dans La Répudiation de Rachid Boudjedra. En explorant la mémoire et l’identité à travers le prisme de la répudiation, cette étude met en lumière des enjeux cruciaux pour la représentation des femmes et des relations familiales.
La répudiation et son impact social :
La répudiation de Rachid Boudjedra est avant tout chose le récit d’une femme qui se retrouve renier par son mari riche et puissant chef de tribu. C’est une manière de se débarrasser de sa femme tout en gardant le privilège de disposer de sa destinée dans le cadre de la loi socio-religieuse.
C’est une forme de rupture unilatérale qui va permettre à l’homme au sein de la cellule familiale de se remarier tout en se désengageant de toute responsabilité sociale et financière de sa première femme. La répudiation est une manière d’une rupture discrétionnaire que la femme va subir suite à la volonté de son mari sans qu’on l’oblige à donner des motifs et autres justifications pour dire les causes de sa décision.
Il faudrait préciser par ailleurs, que la répudiation dans la loi musulmane est une exclusivité qu’a le mari au détriment de sa e »me. La sournoiserie du père de Rachid était telle qu’il avait obligé sa femme répudiée de travailler à la cuisine le jour de son mariage. Une action aussi humiliante pour Rachid qu’il n’a plus adressé la parole à sa mère depuis ce jour là.
« Pendant la noce, les femmes étaient séparées des hommes ; mais les garçons de la maison profitaient d’une certaine confusion pour aller rejoindre les femmes qui n’étaient là que pour se laisser faire. L’euphorie battait son plein, mais Ma ne quittait pas la
cuisine. Tout le monde louait son courage et cela la consolait beau coup ! Lamentable, ma mère ! Je ne lui adressais plus la parole et je la haïssais, bien que cela pût profiter à Si Zoubir. »17
La société dans laquelle se trouve Rachid au lendemain de l’indépendance, donne l’avantage à l’homme sur la femme au sein du couple familiale M’a va être condamné à subir ce préjudice moral et physique en étant condamné à passer le restant de sa vie dans une chambre seule sans mari. La répudiation plus qu’une rupture, nous semble une action rétrograde et déstabilisante pour la femme victime de cette action. Mais qu’est-ce que la répudiation et l’origine de cette pratique ?
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« La répudiation est la rupture du mariage par la volonté unilatérale d’un époux et correspond dans les faits, le plus souvent, au renvoi de la femme par son époux. Rappelons que cette mesure de répudiation pure et simple de l’épouse était normale, jusqu’au XVIIème siècle, au sein des législations occidentales.
Le Coran parle plutôt de talâq, ce qui peut être traduit par divorce et non pas par répudiation, comme on le trouve dans de nombreuses traductions mais aussi dans une certaine compréhension juridique de la notion de divorce en islam. En effet, le talâq signifie en arabe rompre un lien (hall ou faskh ‘aïd al-zawaj), en l’occurrence la rupture du contrat de mariage.
Le Coran décrit en effet le mariage comme un contrat, ou mithaq ghaliz. Le terme de talâq traduit la rupture de ce contrat, décidée par l’un des partenaires ou par les deux, comme dans le cas du divorce par consentement mutuel. » 18
Rachid Boudjedra aborde la problématique de la répudiation en se focalisant sur la rupture et ses conséquences. Il développe également un récit qui semble englober les différentes conséquences de cette pratique qu’il juge pernicieuse et qui détruit la cellule familiale et engendre des réactions en chaîne souvent fâcheuses aux conséquences imprévisibles. C’est une rupture qui témoigne de la place qu’occupe la femme dans la société d’après indépendances. La narration proposée par Boudjedra témoigne de la suprématie de l’homme sur la femme et surtout de l’impunité de ses actions destructrices.
« Dans le couple, la rupture remet en cause un engagement réciproque de vie commune. Les ruptures sont généralement unilatérales et souvent brutales.[…] En matière de sentiments, aucune limite réelle n’existe parce qu’aimer c’est « tout » ; la rupture, elle, renvoie au néant. L’unilatéralité reflète l’incompréhension totale et absolue et elle n’exprime souvent que l’égoïsme ou qu’une forme extrême d’exacerbation où les torts peuvent être partagés.»19
La formule de la répudiation consiste en une phrase que le mari prononce et qui sceller la vie de la femme. C’est une sorte de passage de la sphère verbale vers la sphère sociale et incluant un certain nombre de pratiques qui vont rendre la femme en marge de la société tout en gardant intact les avantages du mari qui va pouvoir se remarier. Si Zoubir va se servir de ce droit pour assouvir ses désirs sexuels. En effet, le récit de Rachid est une parabole d’une société que l’envie et le désir de plaisir sont les leitmotivs essentielles qui font qu’un homme et une femme cherchent à jouir d’une manière ou d’une autre.
18 LAMRABET, Asma, La répudiation, un droit des hommes ? Dans Islam et femmes (2021), p.71.
19 Abla Koumdadji, Abla, Répudiations, droit coranique, droits marocain et algérien, droit français du divorce et du « pacs
» , Dans L’Année canonique 2011/1 (Tome LIII), pages 357
« Mon père est un gros commerçant. Il dort dans son alacrité rassurante. Ma mère est une femme répudiée. Elle obtient l’orgasme solitairement, avec sa main ou bien avec l’aide de Nana. Dans notre ville les marabouts se multiplient. Les rapports qui régissent notre société sont féodaux ; les femmes n’ont qu’un seul droit posséder et entretenir un organe sexuel[…] Je n’ai pas très bien compris ; pourtant je n’avais rien fait de mal ; je l’ai seulement regardée se déshabiller en pensant qu’elle était moins belle que ZouBida. Elle m’a laissé faire et elle a ajouté : Tu as de qui tenir ! » Là non plus je n’ai pas compris à quoi elle faisait allusion. ».20
La femme dans La répudiation de Rachid Boudjedra oscille entre un jeu alterné entre objet de désir et objet tout court. Elle est celle qui engendre les enfants et celle qui reste à la maison auprès de sa progénitures. Notre analyse des relations entre Rachid et les femmes, nous a mené à essayer de comprendre l’abandon de sa mère et les conséquences de cet acte sur la psyché troublée de notre personnage principal.
Le récit de Rachid à la jeune étrangère devient une tribune à travers laquelle Rachid Boudjedra nous montre les mécanismes latents qui forment la structure même de toute une société avec une perte de repères évidente. L’asile psychiatrique est un témoignage de la folie générale dans laquelle se trouvent les gens du village et c’est aussi suite à la mort du fils aîné Zahir, que le narrateur expose la joie perceptible du père qui vient de se débarrasser d’un ennemi potentiel.
La répudiation est en quelques sortes une façon de ses débarrasser de ce qui peut empêcher le désir le plus dépravé de se concrétiser. Une manière de dire le mal insidieux qui ronge la société dans laquelle se trouve Rachid.
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19 Abla Koumdadji, Abla, Répudiations, droit coranique, droits marocain et algérien, droit français du divorce et du « pacs » , Dans L’Année canonique 2011/1 (Tome LIII), pages 357 ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que la répudiation dans le contexte de La Répudiation de Rachid Boudjedra?
La répudiation est la rupture du mariage par la volonté unilatérale d’un époux et correspond dans les faits, le plus souvent, au renvoi de la femme par son époux.
Comment Rachid Boudjedra aborde-t-il la question de la répudiation dans son roman?
Rachid Boudjedra aborde la problématique de la répudiation en se focalisant sur la rupture et ses conséquences, développant un récit qui englobe les différentes conséquences de cette pratique qu’il juge pernicieuse.
Quel est l’impact de la répudiation sur la femme dans La Répudiation?
La répudiation est une action rétrograde et déstabilisante pour la femme victime, qui se retrouve condamnée à subir un préjudice moral et physique, souvent isolée et sans mari.