L’analyse de cas en autogestion révèle que, malgré son déclin depuis les années 80, ce concept demeure essentiel dans les débats contemporains sur les formes organisationnelles. En réactualisant ses principes, cette recherche offre des perspectives novatrices sur la participation et la démocratie au sein des organisations modernes.
- L’ « entretien d’embauche » :
Qu’elle que soit sa manière de prendre contact avec l’entreprise (par son réseau amical impliquant une relation plus personnelle et plus étroite avec l’entreprise ; ou par des procédures standards qui induisent une approche plus distancée), le candidat passe toujours un entretien, mais celui-ci diffère encore sur bien des points de l’ « entretien d’embauche » traditionnel.
Tout d’abord, La Péniche ne fonctionnant pas selon des logiques hiérarchiques, le plus grand nombre de salariés doit être présent lors de cet entretien. Ici encore la décision semble250 se prendre selon une procédure consensuelle.
La forme que prend cet entretien semble très informelle : le candidat est invité à partager le repas du midi avec les membres de l’entreprise, et l’ « entretien » semble vite prendre les formes d’une discussion collective informelle.
Le contenu de la discussion est également très informel, les questions portant plus sur les qualités humaines et personnelles, les centres d’intérêts et sur les motivations à intégrer une structure autogérée (« l’adhésion au projet »), que sur des compétences professionnelles.
Le savoir être semble donc primordial face au savoir-faire. Mais face au niveau scolaire de la majorité des membres de La Péniche, on peut supposer que le savoir est lui aussi essentiel. Ainsi savoir et savoir être vont fonder la légitimité du candidat en tant que personne apte à se responsabiliser et à participer à un projet collectif.
Le savoir-faire (c’est-à-dire le rédactionnel ou la gestion et l’organisation de l’entreprise) n’est ainsi pas la donnée fondamentale qui va influencer l’embauche, contrairement aux entreprises classiques où le candidat est appelé à s’adapter parfaitement à un poste prédéfini d’une manière assez rigide.
Les membres de la Péniche l’ont d’ailleurs souligné, lors des divers entretiens passés pour cette étude, en précisant pour la plupart leur ignorance totale en matière de communication, de journalisme ou d’écriture ainsi que dans le domaine associatif ou de l’économie sociale et solidaire et encore plus dans le domaine de la gestion d’entreprise.
Cédric, un des rares à avoir eu une expérience préalable dans le journalisme, s’est d’ailleurs trouvé très perplexe lorsqu’il a constaté que son press-book n’avait quasiment pas été feuilleté lors de l’entretien qui a précédé son embauche, et que cette discussion avait plus portée sur son expérience au Lycée Autogéré de Paris que dans le journalisme.
En effet, l’entreprise semble ici considérer qu’un savoir faire peut toujours s’apprendre rapidement au sein de l’entreprise, contrairement au savoir être. Jordane souligne d’ailleurs avec humour qu’il n’est demandé que deux compétences précises à la Péniche : « savoir lire et écrire ».
Le savoir faire s’apprend, et la capacité d’apprentissage (la capacité « d’apprendre à apprendre ») découle directement du savoir et du savoir être. C’est ainsi que la formation interne réciproque est une donnée fondamentale dans cette entreprise, comme nous l’avons déjà évoqué.
De ce fait, et comme nous l’avons déjà constaté, les membres sont plus attachés à recruter des gens qui aspirent à travailler selon des modes autogérés, que des professionnels de la communication.
Ainsi, dans ce type d’entreprise, « on embauche pas un travailleur mais un « participant » (il ne s’agit pas d’individu réduit à une série de capacités désignées, mais de l’individu dans sa totalité251) (…) ce choix se fait sur un modèle intériorisé du « bon participant ».
La différence essentielle avec le profil psycho technique, c’est qu’il ne s’agit pas d’une capacité quant au poste de travail, mais d’un profil quant à la structure : c’est un profil culturel »252.
C’est en ce sens qu’on peut dire que le projet d’entreprise, voir peut être le cœur de métier de cette organisation n’est pas le rédactionnel (ou l’ « écrit » comme le proclame leur slogan) mais véritablement l’autogestion.
Ainsi, lorsque les membres de la Péniche parlent de la nécessité d’ « adhérer au projet » pour intégrer l’entreprise, il désigne ici la volonté et la motivation à participer à une expérimentation autogestionnaire.
Et les membres actuels de la Péniche ne s’y sont jamais trompés et admettent facilement avoir été séduits plus par les modes organisationnels mis en pratique dans cette entreprise que par son activité productive (le rédactionnel).
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250 Il ne m’a, en effet, pas encore été possible d’assister à un de ces « entretiens d’embauche », ces remarques découlent des témoignages des différents membres de la Péniche concernant leurs embauches. ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment se déroule l’entretien d’embauche dans une entreprise autogérée ?
L’entretien d’embauche dans une entreprise autogérée, comme La Péniche, est informel et implique la présence du plus grand nombre de salariés. Il prend souvent la forme d’une discussion collective où les qualités humaines et les motivations à intégrer la structure sont plus importantes que les compétences professionnelles.
Quelles compétences sont valorisées lors de l’embauche dans une structure autogérée ?
Dans une structure autogérée, le savoir-être est primordial, tandis que le savoir-faire peut s’apprendre rapidement au sein de l’entreprise. Les membres cherchent à recruter des personnes qui aspirent à travailler selon des modes autogérés.
Quelle est la différence entre un ‘travailleur’ et un ‘participant’ dans une entreprise autogérée ?
Dans une entreprise autogérée, on n’embauche pas un travailleur mais un ‘participant’. Cela signifie que le choix se fait sur un modèle intériorisé du ‘bon participant’, qui considère l’individu dans sa totalité plutôt que comme une série de capacités désignées.