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Comment l’analyse de cas révèle la photographie en Haïti (1915-1920) ?

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🏫 Université d'Etat d'Haïti - Institut d'Etudes et de Recherches Africaines d'Haïti IERAH/ISERSS
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2015
🎓 Auteur·trice·s
Assédius BELIZAIRE
Assédius BELIZAIRE

L’analyse de cas en photographie révèle comment les images documentaires de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1920) transcendent leur fonction initiale. En décryptant les codes vestimentaires et les postures, cette étude met en lumière des représentations sociopolitiques essentielles, transformant notre compréhension de cette période.


CHAPITRE II – CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL

APPROCHE GENERALE : EVOLUTION DE LA PHOTOGRAPHIE

    1. Débats ou controverse autour du statut de la photographie

D’après le Dictionnaire d’esthétique, Souriau Etienne a essayé de relater trois aspects de la photographie. Tout d’abord, il parle de la photographie en tant que procédé, ensuite la photographie en tant qu’image et enfin la photographie en tant qu’activité artistique 43. Dans ce mémoire, nous avons mis l’accent sur le deuxième aspect de la photographie c’est-à-dire la photographie comme image.

Selon Souriau, lorsqu’on emploie le terme de photographie, c’est souvent pour se référer au résultat du processus photographique, c’est-à-dire à l’image, et d’une manière plus spécifique à l’image perspectivique obtenue par l’intermédiaire du dispositif optique. Il poursuit, l’image photographique se distingue fondamentalement de l’image picturale dans la mesure où elle est en relation causale avec l’objet qu’elle reproduit.

Le problème de la nature de la photographie est à distinguer du problème de l’objectivité photographique : en tant qu’empreinte, l’image photographique est toujours « vraie », alors que la question de l’objectivité ne s’adresse pas à l’image mais à l’interprétation qu’on en donne 44. A ce moment, il suffit d’aborder le statut de la photographie dès les premiers moments de son évolution.

Selon Stéphane MICHAUD, entre 1850 et 1870, la photographie a oscillé entre controverse et utopies. D’abord, à propos de son statut artistique. Puis, à propos de ses usages scientifiques et industriels 45. D’où le statut artistique est controversé. L’auteur a essayé de relater certains évènements par rapport à cette date. Selon lui, la date de 1855 est marquée trois évènements : fondation de la Société Française de Photographie (SFP), l’ouverture des premiers grands studios de portrait, enfin l’exposition universelle de la photographie à Paris. L’auteur poursuit, deux conceptions de la photographie s’opposent : un courant esthétique ; autour du SFP, et un courant

« utilitariste » ayant pour chef de fil Erneste Lacan 46 qui trouve un exceptionnel écho avec l’exposition universelle.

L’exposition universelle s’intéresse au procédé photographique dans lequel elle voit un instrument susceptible : d’abord, de répondre aux besoins techniques de la science, de l’art et de l’industrie ;

43 (Souriau Etienne 1990, p 1196)

44 (Ibid, p 1197)

45 (MICHAUD Stéphane et all. 1992, p 249)

46 (Ibid, p 250)

ensuite de vulgariser et de devenir ainsi « un auxiliaire démocratique par excellence » ; enfin d’instruire et d’éduquer « en répondant les lumières dans les masses pour les élever et les rendre meilleures ». Cette appréhension « utilitariste » néglige les potentialités créatives de la photographie au profit de ses usages scientifiques et industriels, elle voit encore en elle un moyen de développer conjointement le savoir et la moralité du peuple…

Charles Baudelaire identifie l’expansion de la photographie avec l’essor de la bourgeoisie, accusée de vouloir contempler « sa trivial image sur le métal » 47. En 1860, les photographes industriels accordaient une attention particulière aux questions commerciales, ils s’attachent désormais à défendre les mérites artistiques de la photographie. Disdéri, dans son ouvrage de 1862, l’Art de la photographie, s’applique à démontrer que la photographie est un art… Mayer et Pierson assignent en justice pour « concurrence déloyale » les contrefacteurs de plusieurs de leurs portraits d’hommes célèbres. Leur défense repose sur l’affirmation du statut artistique de la photographie ; celle-ci doit pouvoir bénéficier des dispositions de la loi sur la propriété exclusive des œuvres d’art.

Disdéri affirme que la « spécificité de l’art photographique » repose sur le fait que le photographe ne saurait se passer de la présence des objets qu’il veut reproduire ; il est lié à la réalité, ne peut s’en débarrasser et est condamné à l’ « exacte imitation ». C’est le lien physique entre l’image et son objet qui fait la spécificité de l’art photographique, avance Disdéri.

Pour ses adversaires, ce lien est incompatible avec l’art. Ces derniers nient le rôle de l’individu-photographe. Pour eux, l’image photographique est étrangère au domaine de l’art parce qu’elle ne procède pas directement de la main, de l’esprit, de l’imagination de l’artiste. Stéphane MICHAUD affirme que : « la photographie suscite la crainte de ceux dont elle menace la situation, tandis que pour d’autres elle est l’ « un des découvertes les plus merveilleux de ce siècle ».

Mais entre 1850 – 1860 la situation de la photographie est paradoxale : elle est techniquement incapable de tenir ses promesses et de répondre aux espoirs qu’elle suscite 48.

La photographie est perçue comme une source « d’éclaircissement positif et parlant », un document « exacte » et « sincère ». Elle est facile à mettre en œuvre, et qu’elle saisit et pérennise l’instant, l’installe dans l’éternel, suspend les effets destructeurs du temps. « Elle vulgarise ce qui

47 (MICHAUD Stéphane et all., p 252)

48 (Ibid, p 254)

était le monopole du petit nombre ». Elle est perçue comme un facteur de renouvellement des secteurs de l’action et de la connaissance qui sont, au milieu du XIXème siècle, en pleine mutation. Elle est considérée comme un vecteur de renouveau de la stratégie, de la science, de la justice, de l’archéologie, mais aussi de la production, du pouvoir et des rapports entre les hommes.

Synonymes de valeurs nouvelles (rationalité, rentabilité, démocratie), elle témoigne d’une véritable quête de l’absolu : absolu de l’exactitude et de l’instantanéité de la représentation (identité illusoire entre l’objet et son image), absolu de la maitrise du temps (pérennité), absolu du relevé universel (mise en image du « monde entier »), absolu démocratique de l’égalité de tous grâce à la vulgarisation par l’image.

Par son fonctionnement (mécanique) et par son rapport aux choses et au monde (aide-mémoire, trace), elle concrétise cette quête, mais son inachèvement technique en dévoile son caractère dérisoire car : l’instantanéité sera effective à la fin du siècle ; en fait de pérennité, beaucoup d’épreuves s’effacent avec le temps ; la reproduction en grand nombre nécessaire à la diffusion est possible avec le procédé photographique proprement dit, et ne sera pas effective avant la longue mise au point de la photogravure ; la facilité de

la mise en œuvre du procédé elle-même est illusoire.

A remarquer que la photographie s’inscrit dans le champ scientifique avec la même force qu’en son temps la perspective, telle que l’analyse Panofsky à partir des relevés anatomiques de Vinci :

« Il n’est pas exagéré que dans l’histoire de la science moderne, l’introduction de la perspective marque le début d’une première période ; l’invention du télescope et du microscope, le début d’une deuxième période, et la découverte de la photographie, celui d’une troisième : dans ; les sciences d’observation ou de description, l’image n’est pas tant l’illustration de l’exposé que l’exposé même ».

En même temps avec le savoir scientifique, la photographie renouvelle le rapport de l’homme à l’espace. Elle crée l’illusion de rendre les choses et les territoires proches et accessibles. En 1860, Nadar 49 entreprend de photographier à la lumière électrique les catacombes et les égouts de Paris.

D’après Stéphane MICHAUD, les fonctions signifiantes de la photographie se résument ainsi : adapter la photographie aux besoins de la science, de l’information et de l’industrie, à la doter

49 Nadar, Félix (1820-1910), photographe, aéronaute, journaliste, caricaturiste et écrivain français. Comme photographe, Félix Nadar a été l’un des maîtres du portrait et l’un des grands innovateurs de la fin du XIXe siècle. C’est un pionnier de la photographie documentaire

d’usages pratiques et sociaux, à dépasser des usages présents : le portrait qui est le plus important. Dominé par le portrait, ses usages sont principalement privés. Son usage essentiel aura été à cette époque de signifier la modernité 50. Nous nous situons dans cette démarche, en ce qui a rapport notre recherche, pour adapter les photos étudiés aux besoins de la science, de l’information tout mettant l’accent sur des usages sociaux. Sur le plan iconographique, elle est le témoignage le plus directe (mentalités dévoilées).

Jean Lauzon, dans ces écrits à propos de la photographie moderne, a développé les deux aspects du concept « moderne ». Un premier surtout formel, tourné vers les objets, et un autre, essentiellement existentiel, axé sur les sujets où les concepts d’attitude et d’indépendance seront retenus 51. Selon Jean Lauzon, la photographie, alors moderne parce que nouvelle, et à l’instar de bien d’autres progrès scientifiques et techniques, s’est imposée malgré l’église de moins en moins omnipotente.

La modernité photographique est la conjugaison de ces deux aspects 52. Toutefois, il a pris beaucoup de précautions par rapport à ce formalisme. Selon lui, ce formalisme ne saurait lui être suffisant toutefois, puis qu’il demeure assujetti aux formes. Dans la formation d’une modernité photographique, deux étapes sont fondamentales : le cadre général de l’idée moderne et aussi dans la tradition photographique même qui s’installe progressivement à partir de 1839, poursuit-il.

L’appareil-photo comme outil nouveau (donc moderne) et de l’exploitation de ses potentialités formelles spécifiques alors privilégiés. Un nouveau rapport à un nouvel outil est possible. L’imagerie photographique sera alors dépouillée, signifiée, clarifiée, épurée, notamment en réponse à un pictorialisme décadent. Stieglitz reconnue partout comme l’archétype de la modernité photographique occidentale, dans son œuvre « L’entrepôt, 1907 ».

L’affirmation d’un sujet photographique désormais insoumis apparait vers 1950, année pouvant considérer comme fondatrice de la modernité photographique 53. Puisque, sujet et objets réunissent alors formes et existences individuelles au sein d’un même projet.

Les photographes auront été assujettis à différents pouvoirs, dont le formalisme normatif, mais aussi gouvernement et institution. Enfin, la seule condition de qualifier la photographie de moderne est la suivante : « Tant que la photographie répond à des besoins exprimés par les commandes

50 (MICHAUD Stéphane et all. 1992, p 256)

51 (Carani Marie 1995, p 217)

52 (Ibid, p 221)

53 En faisant référence au travail publié sous la direction de Marie Carini

étatiques ou commerciales dont elle dépend pour survivre, elle ne peut être qualifiée de moderne » 54. Par rapport à cette qualification, nous nous rendons compte que la photographie de cette période ne peut être qualifiée de moderne.

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43 Souriau Etienne 1990, p 1196.

44 Ibid, p 1197.

45 MICHAUD Stéphane et all. 1992, p 249.

46 Ibid, p 250.

47 MICHAUD Stéphane et all., p 252.

48 Ibid, p 254.

49 Nadar, Félix (1820-1910), photographe, aéronaute, journaliste, caricaturiste et écrivain français. Comme photographe, Félix Nadar a été l’un des maîtres du portrait et l’un des grands innovateurs de la fin du XIXe siècle. C’est un pionnier de la photographie documentaire.

50 MICHAUD Stéphane et all. 1992, p 256.

51 Carani Marie 1995, p 217.

52 Ibid, p 221.

53 En faisant référence au travail publié sous la direction de Marie Carini.

54 Ibid.


Questions Fréquemment Posées

Quelle est la distinction entre la photographie en tant que procédé et en tant qu’image?

D’après le Dictionnaire d’esthétique, Souriau Etienne parle de la photographie en tant que procédé, en tant qu’image et en tant qu’activité artistique. Dans ce mémoire, nous avons mis l’accent sur la photographie comme image.

Comment la photographie a-t-elle évolué entre 1850 et 1870?

Selon Stéphane MICHAUD, entre 1850 et 1870, la photographie a oscillé entre controverse et utopies, notamment à propos de son statut artistique et de ses usages scientifiques et industriels.

Quel est le lien entre la photographie et la bourgeoisie selon Charles Baudelaire?

Charles Baudelaire identifie l’expansion de la photographie avec l’essor de la bourgeoisie, accusée de vouloir contempler « sa trivial image sur le métal ».

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