Comment le pouvoir coutumier façonne la gestion environnementale en RDC ?

Pour citer ce mémoire et accéder à toutes ses pages
🏫 UNIVERSITÉ EVANGELIQUE EN AFRIQUE - Faculté de Sciences Agronomiques et de l'Environnement
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2020-2021
🎓 Auteur·trice·s
BALEMBA MUBALAMA Bertin
BALEMBA MUBALAMA Bertin

Le pouvoir coutumier et environnement révèle une dynamique surprenante en RDC, où les chefs coutumiers, loin d’être de simples figures traditionnelles, influencent profondément la gestion des ressources naturelles. Cette étude met en lumière des violations des droits humains, soulignant l’importance cruciale d’une meilleure gouvernance environnementale.


Influence du pouvoir coutumier sur la gestion de l’environnement

En RDC, les Chefs coutumiers jouent un rôle majeur qui n’a jamais été remis en cause depuis l’époque coloniale et qui a même été renforcé par les évolutions institutionnelles et politiques depuis l’indépendance. Dans un pays-continent sous-administré et constitué d’immenses espaces ruraux, les chefs coutumiers sont les premiers policiers, magistrats, collecteurs d’impôts et gestionnaires du foncier (Battory et Vircoulon, 2020).

Ces tâches ont été consacrées par les lois coloniales et ont été, in fine, affirmées très récemment dans la loi sur le statut des chefs coutumiers adoptée en 2015. Face au défi d’administrer un pays de 2,3 millions de Km2, le pouvoir colonial belge a mis en place un système de gouvernance du territoire basé sur la généralisation des chefferies encore en vigueur selon le principe « un territoire, une coutume, un chef ».

S’il en a inventé certaines, il a incorporé celles qui préexistaient dans le système de gouvernance bureaucratique moderne. A ce titre, nous pouvons considérer que les chefferies ne sont pas l’opposé de la modernité politique mais une de ses premières manifestations.

La colonisation a été le moment de la mise en contact des organisations politiques congolaises structurées avec les Européens. Dès la fin du XVème siècle, le navigateur portugais Diego Cao entra en contact avec le royaume Kongo sur la côte Ouest. Le royaume Kongo était structuré par plusieurs castes socioprofessionnelles et s’étendait sur un territoire couvrant l’ouest de l’Angola, l’enclave de Cabinda, le Sud-ouest de la RDC, et le Sud-est du Gabon (Battory et Vircoulon, 2020).

Il était alors dirigé par un roi, le Mwene Kongo ou Manikongo, élu par un Conseil d’anciens ou de sages parmi les membres de 12 clans Kongo. L’économie du royaume était principalement tournée vers l’exploitation agricole, l’ivoire et le travail du cuivre et de l’or (Balandier, 1965). Nous pouvons ainsi affirmer que l’influence du pouvoir coutumier sur la gestion de l’environnement date de l’époque coloniale, pour autant que ce dernier ait créé une organisation territoriale qui perdure encore jusqu’à aujourd’hui.

Le territoire congolais est divisé en 26 provinces, subdivisées en districts (bien que les lois actuelles sur l’organisation territoriale et administrative ne prévoient plus les districts, les provinces étant plutôt subdivisées en villes et territoires), eux-mêmes subdivisés en territoires.

Ces territoires sont divisés en chefferies ou secteurs9 qui sont subdivisés en groupements (de Saint-Moulin et Kalombo Tshibanda, 2005). En même temps qu’il instaura cette organisation territoriale, le pouvoir colonial formalisa et généralisa les chefferies.

Il en fit même la base du système de gouvernance publique et, ce faisant, il posa les fondements de ce qu’elles sont encore aujourd’hui :

  • Une réalité territoriale générale ;
  • La forme d’encadrement de base des populations rurales ;
  • Les gestionnaires du foncier, de l’environnement et les pourvoyeurs de justice locale (Battery Vircoulon, 2020).

Dans la Province du Sud-Kivu (RD Congo) par exemple, la plupart des terres sont gérées par les arrangements coutumiers c’est-à-dire que c’est le Mwami qui octroie des terres. Lesdits arrangements sont fondés sur des principes de possession collective, de loyauté et d’interdépendance réciproque. Ce système s’appelle Kalinzi et peut être défini comme « une institution qui légitime toute l’organisation sociale par l’absorption de tous les habitants d’un certain territoire dans un réseau de relations interdépendantes ».

Ce contrat coutumier est établi d’une manière hiérarchique, avec le roi ou le mwami comme allocateur des terres(Geenen & Claessens, 2012). Au vu des conflits fonciers entre l’exploitant minier et les populations autochtones dans la province du Sud-Kivu, le rôle joué par le chef coutumier en collaboration avec les autres parties utiles, notamment les ONG et le gouvernement est considérable (Muzalia, 2017).

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’article 153 al.3 de la constitution de 2006 en RDC élève la coutume au rang de la loi en ce sens qu’elle ne la soumet plus à se conformer à elle pour être applicable mais, simplement à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Par ailleurs, les articles 388 et 389 de la loi foncière reconnaissent expressément le droit foncier de communautés locales (Rubbens, 1975)

Les lois minières étrangères

Le professeur Grégoire Bakandeja démontre que ces lois constituent actuellement une source très appréciable. En effet, le Code minier de 2002 de la RDC, tel que modifié et complété par la loi N°18/001 du 09 mars 2018, s’est inspiré fortement des codes miniers de quelques pays d’Afrique de l’Ouest, élaborés avec le concours actif des institutions financières internationales principalement de la Banque Mondiale, tels les codes de la République de

9 La différence entre chefferies et secteurs est subtile : un secteur est un groupe de villages où il n’y a pas d’ethnie dominante

Guinée, de la République du Niger, de la République du Mali et de la République du Ghana (Bakandeja, 2009).Ces différents codes sont marqués par les principes du libéralisme économique spécialement en ce qui concerne le droit de propriété des substances minérales extraites du sol et du sous-sol dont la propriété est reconnue aux investisseurs, ce qui biaise le principe de la propriété absolue de l’Etat sur les ressources du sol et du sous-sol consacré non seulement par la Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1962 sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles mais aussi dans les textes constitutionnels ou ayant valeur constitutionnelle (Bakandeja, 2009).

Nous sommes tentés d’affirmer avec David Van ReyBrouck (2012) que s’agissant de l’exploitation des ressources minières en RDC, il s’agit d’une « souveraineté contrôlée » dans la mesure où il ya trop d’immixtions dans ce secteur, ce qui fait que l’exploitation se fait sans le moindre respect des droits humains encore moins de l’environnement.

________________________

9 La différence entre chefferies et secteurs est subtile : un secteur est un groupe de villages où il n’y a pas d’ethnie dominante


Questions Fréquemment Posées

Quel est le rôle des chefs coutumiers dans la gestion de l’environnement en RDC ?

Les chefs coutumiers jouent un rôle majeur en tant que gestionnaires du foncier, de l’environnement et pourvoyeurs de justice locale, un rôle qui a été renforcé par les évolutions institutionnelles et politiques depuis l’indépendance.

Comment le pouvoir colonial a-t-il influencé l’organisation territoriale en RDC ?

Le pouvoir colonial a mis en place un système de gouvernance basé sur la généralisation des chefferies, établissant ainsi une organisation territoriale qui perdure encore aujourd’hui.

Qu’est-ce que le système Kalinzi en RDC ?

Le système Kalinzi est un arrangement coutumier où le Mwami octroie des terres, fondé sur des principes de possession collective, de loyauté et d’interdépendance réciproque.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top