L’analyse comparative de la comptabilité tunisienne révèle des dynamiques surprenantes entre les facteurs économiques et culturels. En examinant l’évolution de 1968 à 2006, cette étude met en lumière comment ces influences ont façonné le paysage comptable, offrant des perspectives cruciales pour le développement futur.
Section 4 :
Le facteur économique
Avant de présenter le rôle du facteur économique dans le développement de la comptabilité, nous devons au préalable présenter les phases du développement économique en Tunisie dans le cadre de divers plans économiques.
4. 1 Les phases du développement économique en Tunisie.
Les principales phases du développement économique en Tunisie peuvent être présenter comme suit :
Phase I (1956 – 1960) : décolonisation menée par l’État dans un cadre économique libéral
Après l’indépendance, l’État tunisien a consacré ces efforts à la décolonisation économique du contrôle français (négliger l’industrie et favoriser l’agriculture et l’extraction minérale). Ce qui a lancé le processus de Tunisification de l’économie. L’objectif de l’État était de répondre au besoin stratégique tout en maintenant une politique économique libérale. Afin de motiver le secteur privé intérieur, l’État a offert des incitations fiscales et des facilités de crédit; mais cet effort n’a malheureusement eu qu’un succès limité (Murphy 1999).
Phase II (1961 – 1969) : les années socialistes et le rôle de l’Etat dans l’économie
En 1961, les responsables politiques optent pour une stratégie socialiste à part entière et le gouvernement commence à élargir son contrôle sur tous les domaines de l’économie. Deux décisions importantes sont prises dans cette période : la première est la création du Ministère de la Planification et des Finances, (Morisson et Talbi, 1996 ; King, 1998).
La deuxième décision était l’adoption d’un plan de développement de dix ans.
Les objectifs principaux de ce plan étaient :
- la décolonisation économique,
- l’amélioration du niveau de vie de la population,
- la réduction de la dépendance des capitaux extérieurs et
- la création d’un marché national.
Le secteur agricole a vécu une accélération du processus de collectivisme dans cette période. En Mai 1964, toutes les terres en possession étrangère ont été expropriées par l’Assemblée nationale. En 1969, le taux de collectivisme atteint 90% dans le secteur agricole (Morrisson et Talbi, 1996). Avec l’arrivée de Hèdi Nouira au Ministère de l’Economie, la Tunisie s’est réorientée vers une économie de marché et vers la propriété privée (Morrisson et Talbi, 1996).
Phase III (1970 – 1976) : vers une économie de marché
La gestion de l’économie tunisienne avait une particularité mise sur l’industrie manufacturière ayant un fort coefficient de main-d’œuvre et financée par des investisseurs privés. Le nouveau régime politique s’exprime par l’encouragement de l’intervention de l’investissement privé dans le secteur industriel (Morrisson et Talbi, 1996).
Afin de promouvoir le secteur privé, de nouvelles institutions ont été crées, nous pouvons citer à titre d’exemple : l’Agence de la Promotion de l’Industrie (API), le Centre de Promotion des Exportations (CEPEX) et le Fonds de Promotion et de Décentralisation Industrielle (FOPRODI). De plus, de nouvelles lois sont venues encourager l’investissement extérieur et intérieur (King, 1998).
Dans les années 70, la Tunisie a en effet connu une croissance rapide de l’emploi manufacturier et une grande extension du secteur privé. Entre 1972 et 1977, l’investissement privé a dépassé l’investissement public pour la première fois et 85500,7 nouveaux emplois ont été crées dans l’industrie manufacturière légère entre 1973 et 1978, (King, 1998).
A la fin de 1977, les nouvelles entreprises étaient concentrées dans peu de régions, ce qui renforçait davantage les disparités régionales et encourageait les migrations vers la région surpeuplée du nord-est. Le gouvernement a essayé d’introduire des incitations régionales afin de se remédier à ce déséquilibre et d’encourager les industries de s’installer dans les parties moins développées du pays (Morrisson et Talbi, 1996).
Pendant les années 70, l’économie tunisienne a eu des résultats positifs grâce aux deux chocs pétroliers qui ont fait augmenter les prix du pétrole et des phosphates, mais aussi grâce à une production agricole en hausse et des recettes touristiques plus élevées (Morrisson et Talbi, 1996 ; Murphy, 1999).
Phase IV (1977-1986) : déséquilibre économique et agitations sociales mènent à la mise en oeuvre du Programme d’Ajustement Structurel (PAS)
A la fin des années 70, la Tunisie n’avait pas de base productive stable à cause de sa dépendance des recettes pétrolières et son endettement extérieur. Une réorientation vers l’investissement public était apparente dans le Cinquième Plan (1977-81) mais seulement en tant que mesure de soutien pour l’investissement privé (Morrisson et Talbi, 1996).
Le Sixième Plan de Développement (1982-86) était un plan dur; la plupart des objectifs du Plan ne sont pas réalisés :
Objectifs | Prévus | Réalisés |
La croissance annuelle du PIB | 6% | 3% |
Le déficit du compte courant | 4,7% du PIB | 7,8% du PIB |
La dette extérieure | 50% du PIB | 56% du PIB |
Pour faire face à ce déséquilibre interne et à la dette extérieure, la Tunisie a négocié son premier programme d’ajustement économique en 1986 (King, 1998).
Phase V (1987 – 1996) : du PAS aux défis de l’économie globale
En 1986, le gouvernement s’est officiellement mis d’accord avec le FMI (Fonds monétaire international) sur la mise en place d’un Programme d’Ajustement Structurel (PAS) qui avait comme objectif la réaffectation des tâches des acteurs économiques au profit des banques, des sociétés mères ou des personnes privées. Ce programme envisageait des réajustements considérables au niveau des instruments essentiels de la politique économique et financière, surtout dans les domaines de la taxation, la tarification, le commerce extérieur, le service public et la politique des revenus (MENA 2000).
La stratégie du programme PAS a été mise en oeuvre dans le Septième (1987-1991) et Huitième (1992-1996) Plan de Développement. Le premier de ces plans avait pour but d’atteindre une stabilité macro-économique tout en réduisant la dépendance de l’exportation du pétrole. Dans l’ensemble le plan peut être considéré comme étant fructueux : les grands déséquilibres internes et externes ont pu être maîtrisés, la dette extérieure restait raisonnable et une croissance annuelle du PIB en moyenne de 4,3% a pu être réalisée, dépassant ainsi les 4% prévus (Murphy, 1999).
L’objectif principal du second Plan de Développement était d’accroître l’efficacité et de promouvoir les mécanismes du marché dans un cadre législatif en mesure de:
- encourager les investissements étrangers,
- accélérer la privatisation,
- développer le marché financier et
- renforcer l’intégration dans le marché européen.
En même temps, le Plan a été conçu pour surmonter les conséquences sociales et politiques de ses mesures. La croissance du PIB a atteint 4,5% par an au lieu des 6% prévus (Murphy, 1999 ; MENA, 2000). Le réajustement de la politique industrielle était visible dans la promotion des investissements étrangers (Murphy, 1999).
Phase VI : une croissance dynamique dans un cadre d’ouverture et de progrès social ; de 1996-2006
Le solde commercial n’ayant cessé de s’améliorer entre 1992 et 2006, sa contribution est également positive. Le dynamisme de l’économie tunisienne a permis une nette amélioration du niveau de vie : en 2004, le PIB par habitant était de 2978 dinars (et de 8255 dinars en Parité de Pouvoir d’Achat), contre respectivement 1510 dinars (et 3778 dinars en PPA) en 1990. (Rapport de la banque mondiale et la banque islamique de développement, 2005).
Entre 1992 et 2005, le PIB de la Tunisie a augmenté de 4,7% par an en moyenne. Pour l’année 2006, la croissance du PIB a atteint 5,4%. En 2006, le produit intérieur brut (PIB) de la Tunisie atteint 36 522 millions de dinars tunisiens soit une hausse de 5,6% par rapport à 2005.
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Schéma 4 : La croissance annuelle du PIB
En moyenne, sur la période 1992-2006, la croissance a d’abord été tirée par la consommation intérieure privée, à hauteur de 3 points de croissance. Cette dynamique a été alimentée par la croissance des crédits à la consommation, qui augmentent actuellement à des rythmes supérieurs à 40%.
2 Le rôle du développement économique dans le développement de la comptabilité.
L’impact de l’environnement économique sur la comptabilité est largement discuté dans la littérature comptable (Belkaoui, 1985).
Lowe (1967) a noté que le développement de la comptabilité est un processus évolutif qui dépend et s’entrelace avec le développement de l’économie. En fait, dans les pays ayant un grand niveau de développement économique, l’activité économique est très importante ce qui influence positivement le développement de la comptabilité. En revanche, dans les pays pauvres, l’activité économique ne demande pas une comptabilité sophistiquée ou très développée. Par conséquence, nous n’envisageons pas un niveau élevé de développement de la comptabilité. (Arpan et Radebaugh, 1985, Doupnik et Salter, 1995).
Arpen et Radebaugh (1985) ont considéré que le développement économique est la variable fondamentale qui influence le développement de la comptabilité puisque il affecte les autres fonctions dans la société. Ils ont proposé que quand nous analyserons le système de la comptabilité d’un pays, il faillait prendre en considération tous les facteurs environnementaux.
Elliot (1968) a accentué sur la fonction sociale de comptabilité pour mesurer et communiquer les données économiques. Cette fonction ne peut pas être considérée simplement comme l’effet de développement économique, mais elle devrait être considérée comme un outil précieux pour encourager le processus du développement.
D’après ce qui précède, nous pouvons proposer notre deuxième hypothèse :
Hypothèse n° 2: le développement économique influe positivement sur le développement de la comptabilité
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les facteurs qui ont influencé le développement de la comptabilité en Tunisie?
L’étude se concentre sur cinq facteurs principaux : culturel, économique, institutionnel, privatisation des entreprises publiques et ouverture économique.
Comment la phase de décolonisation a-t-elle affecté l’économie tunisienne?
Après l’indépendance, l’État tunisien a consacré ses efforts à la décolonisation économique du contrôle français, en négligeant l’industrie et en favorisant l’agriculture et l’extraction minérale.
Quelle a été l’importance de l’État dans l’économie tunisienne entre 1961 et 1969?
Durant cette période, le gouvernement a élargi son contrôle sur tous les domaines de l’économie et a adopté un plan de développement de dix ans visant à décoloniser l’économie et améliorer le niveau de vie.