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Impact des ajustements structurels : Analyse comparative au Cameroun (1987-2017)

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🏫 UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ - CENTRE DE RECHERCHE ET FORMATION DOCTORALE EN SCIENCES HUMAINES, SOCIALES ET ÉDUCATIVES - DÉPARTEMENT D’HISTOIRE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Mars 2023
🎓 Auteur·trice·s
Abdougani YOUMENI
Abdougani YOUMENI

L’impact des ajustements structurels sur la société camerounaise entre 1987 et 2017 révèle des transformations inattendues dans les comportements sociaux. Cette étude met en lumière des conséquences profondes sur l’emploi, la santé et l’éducation, essentielles pour comprendre les dynamiques actuelles du pays.


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CHAPITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DES PAS AU CAMEROUN : UNE SOLUTION DE CRISE

La crise de 1987 qui a affecté le Cameroun, créa à cet égard un déséquilibre dans presque tous les secteurs de la vie de l’État. À ce problème, les pouvoirs publics camerounais ne tardèrent pas à répondre par la mise sur pied d’une politique d’ajustement interne visant la correction des distorsions causées par la crise.

Étant donné que cette politique d’ajustement autonome sembla être un moyen efficace face à la crise, l’État du Cameroun jugea inutile de se tourner vers les institutions de Bretton Woods. Mais, un revirement s’opéra et le Cameroun signa des accords avec le Fonds Monétaire International (FMI), qui le placèrent sous ajustement structurel.

Ce chapitre se donne pour objectif de présenter les PAS camerounais, en montrant le scénario produit autour de l’acceptation de l’offre du FMI, la mise en œuvre effective des PAS et la dimension sociale de l’ajustement.

L’ENTRÉE DU CAMEROUN SOUS AJUSTEMENT STRUCTUREL

À partir de 1986, lorsque le Cameroun commença à sentir les effets de la crise, il mit sur pied un ensemble de mesures internes. Mais, ses tentatives échouèrent et le recours au FMI apparu pour lui comme une solution ultime face aux difficultés encourues. Cette partie se donne pour objectif de montrer les conditions de signature des accords entre le Cameroun et le FMI d’une part et d’autre part de présenter le contenu des PAS camerounais.

Le suivi des négociations en vue de la signature des accords de confirmation

La période des négociations avec le FMI sous le prisme de l’ajustement structurel commence par une forte réticence du Cameroun par rapport à l’offre de l’institution financière. Ceci étant, l’État du Cameroun comptait fortement sur ses mesures internes de résorption de la crise. Il a fallu un basculement de tendance pour qu’il se retrouve dos au mur et accepte finalement l’offre.

Des réticences du Cameroun face au FMI à l’acceptation de son appel d’offres

Les réticences du Cameroun face au FMI sont guidées par plusieurs raisons. Il faut noter que concernant la crise, Paul Biya avait déjà jeté la puce à l’oreille de la population camerounaise à partir de décembre 1986, lorsqu’il déclara dans son discours à la Nation du 31 décembre : « 1987 ne sera pas une année facile »1. Dès le début de cette année c’est-à-dire le 19 février 1987, ce dernier annonça, lors d’une interview exclusive à la Cameroon Radio and

1 Paul Biya, « Message de vœux à la nation, Yaoundé, le 31 décembre 1986 », in Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun 1982-2002, Volume I, Yaoundé, SOPECAM, 2002, p.502.

Television (CRTV) : « ce que les Camerounais doivent savoir, c’est que la crise économique est là et qu’elle a atteint le Cameroun »2. Sur ce, il faut dire que lorsque la crise éclatait, le Cameroun se trouvait en position de force, et son président était craintif. Cette crainte du président était due à sa vision prospective des mesures du FMI, qui pouvait être draconiennes et très néfastes pour la population.

C’est d’ailleurs pourquoi il disait ce 20 juin 1987 au parlement camerounais : « Nous n’irons pas au FMI, nous ne subirons pas une telle humiliation »3. Paul Biya percevait alors le recours au FMI comme une déchéance totale, une honte pour l’État. Il s’agissait donc pour le Cameroun de la préservation de la fierté nationale.

Dans cette posture négativiste, il faut aussi noter que le gouvernement camerounais avait eu vent des entraves liées à cette politique d’austérité du FMI. Le président Biya savait compter sur les ressources et potentiels dont regorgeait le pays. C’est pour cette raison qu’il était stoïque sur sa décision du non-recours au FMI. Il disait à cet effet :

Notre pays pourra surmonter la crise, sans avoir recours au Fonds Monétaire International. Une issue qu’annonçaient déjà pour inévitable avec une délectation morose certains prophètes de malheur qui ont minimisé trop hâtivement les capacités réelles de notre pays. […] Nous devons décider par nous-mêmes de la direction de notre développement national en sorte que le FMI se présente aujourd’hui comme un pis-aller, l’ultime recours4.

Le président Biya par cette logique voulait montrer que le peuple camerounais était un peuple très dynamique, qui avait le goût du travail bien fait. Il comptait alors sur l’altruisme de son peuple à être à l’écoute de son chef et pensait de ce fait pouvoir leur demander un peu plus de ferveur au travail et de témoigner de leur caractère de citoyen honnête.

Aussi, le gouvernement au vu des effets néfastes des politiques du FMI, n’avait pas de choix que le maintien de sa position. Sadou Hayatou, Premier ministre de l’époque disait cependant : « Les solutions du FMI sont des solutions de choc et les pays qui y ont recours ne sont pas toujours sortis de l’auberge »5.

Les solutions du FMI apparaissaient donc pour le Cameroun comme une sorte de cercle infernal où tous ceux des pays qui y entraient ne pouvaient aucunement en ressortir et ne trouvaient pas de réelles solutions à leur problème. Dans le même ordre d’idée, le président Biya s’appuya sur l’exemple zambien, dont le bilan de l’aide du FMI était négatif.

2 Paul Biya, « Interview accordée à la CRTV, Yaoundé, le 19 janvier 1987 », in Anthologie des discours et interviews du président de la République du Cameroun 1982-2002, Volume II, Yaoundé, SOPECAM, 2002, p.459.

3 AMINEPAT, 3C71, Programme d’Ajustement Structurel : Négociation, 90-97, Communication du Président de la République à l’Assemblée nationale, 20 juin 1987.

4 Ibid.

5 Mathieu Jérémie Abena Etoundi, « La planification économique au Cameroun : Aperçu historique (1960-2000) », Thèse de Doctorat /Ph.D en Histoire, Université de Yaoundé I, 2008, p.439.

Ces solutions n’ont que fait qu’enfoncer la Zambie vers la décadence, donnant lieu à une nouvelle reconfiguration d’ordre social où le peuple ne faisait que s’appauvrir6. Il déclara donc :

Car voici le Fonds Monétaire International avec lequel le Cameroun entretient par ailleurs une coopération fructueuse est un organisme qui subordonne nombre de ses interventions à des mesures sociales drastiques, voire inhumaines. D’où le malaise social généralisé que ces mesures ont suscité partout où elles ont été appliquées à savoir, l’inflation, le chômage, la réduction du pouvoir d’achat, la baisse du niveau de vie, la réduction des soins de santé et des budgets d’éducation7.

Le président Biya et le gouvernement camerounais étaient donc assez renseignés sur les effets sociaux néfastes des solutions préconisées par le FMI. Ceci étant, il fallait que le gouvernement mette sur pied des mesures très sévères : la diminution des personnels des sociétés, la libéralisation de tous les secteurs de l’économie et la réduction de la consommation nationale.

Il était donc hors de question qu’ils tombent dans cette impasse dont les regrets devraient être énormes. La mise sur pied de son PAS interne était pour le Cameroun une solution à la crise économique. Elle devait corriger les distorsions liées à la crise en ce sens qu’elle couvrait presque tous les secteurs de la vie étatique touchés.

Cette politique ne fut pas une totale réussite. Il était donc primordial pour le Cameroun qui voulait sortir de cette crise de chercher d’autres voies et moyens efficaces : le FMI apparut comme l’ultime recours.

Face à l’échec des politiques nationales de résolution de la crise, le Cameroun se trouva dos au mur. Il faut dire que malgré la réduction du budget de l’État passant de 800 milliards en 1986-1987, à 650 milliards en 1987-1988, et la suppression de certains petits avantages aux fonctionnaires et agents de l’État, une mesure efficace n’a pas été engagée pour contrecarrer la crise8.

Ainsi, selon la BBC dans son émission du 03 février 1988, le Cameroun n’avait pas pu mettre sur pied des mécanismes pouvant lui permettre de résorber la crise économique ; d’où la déclaration : « Depuis deux ans, le Cameroun, qui jusque-là était un pays prospère, est frappé par la crise. Alors que certains pays voisins tel que le Gabon, avaient pris des mesures en voyant la crise, le Cameroun a continué à vivre dans l’imprévoyance et l’opulence9 ».

Dans cette même émission, l’auteur, répondant à la question de savoir si le Cameroun pouvait se passer du FMI, dit : « pas pour longtemps ». Dans cette posture, l’État était un peu obligé d’accepter malgré les réticences observées, l’offre du FMI. Selon Joseph Atangana Ndzie, les pays capitalistes :

Étaient plus que jamais déterminés à imposer la nouvelle politique néolibérale et mettre un terme à l’approche protectionniste longtemps appliquée. C’est ainsi qu’en visite officielle au Cameroun le 16

6 Abena Etoundi, « La planification économique… », p.438.

7 « Déclaration du président Paul Biya à l’Assemblée Nationale », Cameroon Tribune, N°3900, Mardi 23 juin 1987, p.14, cité par Abena Etoundi, « La planification économique… », p.438.

8 Samuel Eboua, D’Ahidjo à Biya. Le changement au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1996, p.200.

9 Ibid., p.199.

novembre 1987, le chancelier allemand aura, sans forcer, donné une conférence de presse radio diffusée où il déclarait sans état d’âme, qu’à son avis, il n’y avait pas d’alternative ; c’était le recours au FMI ou rien, si le Cameroun entendait lutter efficacement contre la crise économique10.

Le recours au FMI apparaissait en cette période comme étant l’ultime solution face à ce problème de crise économique. Ainsi, cette pensée du chancelier allemand se concrétisa et changea la donne. Un revirement de la part du président Biya est observé. Ce dernier changea alors sa logique et sa vision par rapport au FMI. C’est la raison pour laquelle il dit :

Le Cameroun avait notamment besoin du FMI, afin qu’il joue le rôle de catalyseur de l’aide au développement, malgré les rigueurs et les contraintes de tout programme d’ajustement qui entrainaient les sacrifices importants pour la population ; malgré le sentiment que le programme ne visait en priorité qu’à assurer le paiement de la dette extérieure11.

Pour le président Biya, le Fonds devait donc être le catalyseur du développement. Son aide était aussi pour lui un élément fondamental dans sa politique de résolution de la crise en dépit des effets néfastes de cette dernière sur la population d’une part, et de certaines raisons inavouées de la part du FMI et de la Banque Mondiale (BM) par rapport à l’applicabilité de leur programme d’autre part.

Ce programme était de ce fait porteur d’un revers caché. C’est ce qui fait dire Babissakana : « La Banque Mondiale donne d’une main et reprend de l’autre sans aucune création de valeur pour le client »12. C’est dire que les institutions financières n’avaient aucune prétention de développer les pays clients, sinon la recherche de leurs intérêts égoïstes.

Il faut aussi noter que le programme d’austérité mis sur pied par le gouvernement camerounais à cause du fait qu’il exigeait une aide extérieure forte connut une compromission. Ceci dit, il n’a pas au travers de la vente des véhicules administratifs et le recouvrement des créances pu combler les attentes13. C’est donc une autre raison du recours obligé du Cameroun à l’intervention des institutions de Bretton Woods dans le cadre du plan de stabilisation des finances publiques appuyé par le FMI et d’un PAS appuyé

par la BM et la Banque Africaine de Développement (BAD)14. Ce sont de ce fait les conditions qui ont favorisé la conclusion et la publication à la surprise générale du premier accord de confirmation, le 19 septembre 198815.

10 Joseph Atangana Ndzie, 72ans, ancien député de la Nation, cité par Abena Etoundi, « La planification économique… », p.449.

11 Abena Etoundi, « La planification économique… », p.449.

12 Babissakana, « La Banque Mondiale et le FMI devraient assumer leur abus d’ingérence économique », in Babissakana et Abissama Onana, Les débats économiques du Cameroun et d’Afrique, Yaoundé, Prescriptor, 2003, p.22.

13 Abena Etoundi, « La planification économique… », p.450.

14 AMINEPAT, 3C21, Économie : Relance, 1984-1993, Projet de relance de l’économie camerounaise, Cadre minimum de relance de l’économie camerounaise, Avant-projet, 1993, p.22.

15 Ibid.


Questions Fréquemment Posées

Quel a été l’impact des ajustements structurels au Cameroun entre 1987 et 2017?

L’analyse révèle les conséquences profondes de ces politiques sur la vie sociale, notamment des modifications des comportements et des habitudes des Camerounais dans divers domaines tels que l’emploi, la santé et l’éducation.

Pourquoi le Cameroun a-t-il initialement refusé de se tourner vers le FMI pour des ajustements structurels?

Le Cameroun avait des réticences face au FMI en raison de la crainte que les mesures d’ajustement soient draconiennes et néfastes pour la population, et le président Biya percevait cela comme une humiliation pour l’État.

Comment le Cameroun a-t-il finalement accepté les programmes d’ajustement structurel?

Après des tentatives échouées de mesures internes pour résoudre la crise, le Cameroun a été contraint d’accepter l’offre du FMI, se retrouvant dos au mur face aux difficultés économiques.

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