L’étude de cas sur le sport tunisien révèle que 70 % des associations sportives font face à des défis financiers majeurs. Comment cette transformation en sociétés sportives pourrait-elle redéfinir leur avenir et pallier les insuffisances du cadre juridique actuel ?
La difficile évolution de l’amateurisme sportif vers le professionnalisme
Dans son rôle de conseil, essentiel dans le cadre de l’aide à la prise de décision quant à la structure juridique à adopter, l’expert comptable doit être présent pour définir clairement et brièvement les avantages et les inconvénients majeurs de la structure choisie.
De plus, il participe aux décisions stratégiques des dirigeants du club lors de l’intégration de nouveaux partenaires. En effet, il pourra alors évoquer les difficultés ainsi que les attraits juridiques, financiers et économiques d’un tel choix.
Réduction des subventions publiques
Suite à sa transformation en société, l’association sportive aura l’opportunité de bénéficier de sommes considérables provenant des actionnaires, des sponsors et des mécènes. Cependant, les subventions auparavant octroyées par l’Etat et les collectivités publiques auront tendance à diminuer sinon disparaître. Le secteur privé n’étant pas aussi concerné par les subventions que le secteur associatif qui trouve beaucoup plus de difficultés à collecter les fonds nécessaires à son fonctionnement.
L’Etat est en train de redéfinir les moyens de financement des clubs afin » d’éviter que les collectivités locales, qu’elles disposent de ressources importantes ou non, ne soient conduites sous la pression à répondre favorablement à des demandes de clubs au-delà de leurs possibilités réelles. »1
L’équilibre budgétaire d’un club professionnel est, par essence, fragile. La surenchère pour l’achat d’une vedette, des primes occultes, la réduction de la subvention municipale, un sponsor défaillant ou des résultats sportifs moins brillants creusent des déficits financiers. L’inflation des coûts salariaux, sauf quand elle est maîtrisée à l’aide d’un plan d’assainissement financier, est une cause chronique de déficit. Or contrairement à d’autres industries, celle du sport professionnel ne peut compenser l’inflation salariale par une hausse de la productivité des clubs.
Pour faire face à la hausse des coûts salariaux, les clubs professionnels européens ont changé leurs structures financières. Jusqu’aux années 1980, leur financement reposait surtout sur les spectateurs, les subventions et les sponsors d’origine locale. Depuis lors, le modèle de financement se transforme : la part des trois sources de fonds précédentes décline.
Sont en forte augmentation les fonds provenant des médias, des magnats de l’industrie et de la finance (Berlusconi, Lewis, McCormack, Murdock), les recettes tirées du merchandising (vente de produits à l’effigie du club) et le financement sur les marchés du capital et du travail : sur le premier,
les clubs émettent des actions, sur le second des clubs vendent les joueurs qu’ils ont formés pour équilibrer leurs finances.2
Par conséquent, la société sportive devrait se tourner vers d’autres sources de financement autre que les subventions publiques. Mais ces nouveaux revenus seront tributaires des résultats et des performances réalisés au cours de la saison sportive, et leur montant augmentera avec les réussites dans les compétitions sportives nationales et internationales.
Les difficultés du passage vers une gestion rigoureuse
Les dirigeants, habitués d’une gestion simple, devraient appréhender la nouvelle structure juridique du club et assurer une gestion rigoureuse digne d’une société commerciale classique.
Les activités professionnelles requièrent beaucoup plus de trésorerie que le sport amateur, du fait de la masse salariale considérable, des frais d’organisation des compétitions nationales et internationales très élevés, des revenus des sponsors et des retransmissions, etc. Par conséquent, les risques divers qui y sont rattachés sont amplifiés.
Si la création de la société sportive permettrait une amélioration dans les règles de gestion du club, elle n’empêcherait pas certainement les dérives possibles liées à la circulation de l’argent dans le cadre des différentes transactions touchant le club. En effet, sans un bon système de contrôle interne infaillible, il serait facile de commettre des erreurs, des omissions ou même des malversations au sein du club.
De plus, il faudrait instaurer un système efficace de séparation entre les activités professionnelles qui seront l’objet même de la société sportive, et les activités relevant de la section amateur. Par conséquent, la gestion comptable et financière sera partagée entre ces deux activités, et chacune d’elles sera tenue de présenter une comptabilité distincte faisant état des produits, charges, recettes et dépenses réalisés au cours de l’exercice.
Les contrôles exercés par l’Etat, les collectivités publiques et les commissaires aux comptes devraient s‘accentuer et toucher tous les domaines d’intervention de la société dans le but de déceler le moindre faux pas et procéder à sa régularisation au temps opportun.
Le commissaire aux comptes devrait s’assurer du respect des dispositions légales régissant la société sportive, et éventuellement l’association si elle persiste. Il devrait en outre apporter toutes les diligences nécessaires afin de certifier la régularité de toutes les dépenses et les recettes réalisées par l’une ou l’autre. De plus, un examen rigoureux des conventions éventuelles signées entre la société, l’association et d’autres intervenants doit être effectué afin de mieux apprécier les relations économiques en jeu.
Statut juridique particulier
Dans le cas où la structure associative persiste avec la constitution de la société nouvelle, il peut y avoir des conflits dans la gestion des activités professionnelles et autres amateurs du fait que les structures différentes impliquent obligatoirement des méthodes de travail et d’organisation distinctes.
C’est dans ce sens qu’il y aurait certainement deux assemblées générales et des conseils d’administration de la société parallèlement aux réunions du comité directeur de l’association.
De plus, les activités économiques étant différentes, les objectifs de ces deux entités semblent opposés. Ainsi, si la société sportive tend à réaliser des activités lucratives qui apparaissent de plus en plus dans le football, l’association conserve ses bases originelles formées autour du bénévolat, la formation et l’esprit olympique.
D’autres part, la « privatisation » totale ou partielle de l’association sportive pourrait entraîner la concentration des titres entre un actionnaire majoritaire d’une manière directe ou indirecte, ce qui limiterait notablement la préservation de la vocation non lucrative du sport et amplifierait la notion de recherche du profit, principe prépondérant des sociétés commerciales.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Cette deuxième partie était l’occasion d’analyser les modalités pratiques de la transformation des associations sportives en sociétés à objet sportif. L’analyse des législations étrangères et surtout françaises nous a permis d’appréhender les spécificités des sociétés sportives et la particularité de leur gestion. Ces pays ont entrepris depuis plusieurs années de vastes restructurations dans le domaine sportif. Ce qui a contribué amplement à l’évolution positive du sport en Europe.
En Tunisie, nous ne sommes encore à ce stade, mais la restructuration du système actuel serait d’un apport considérable au sport national eu égard aux nouveautés qui seront apportées. Cependant, cette restructuration n’est pas aussi facile qu’on pourrait croire. Elle nécessite la mise en place d’un système juridique et organisationnel chargé de la gestion des activités sportives et physiques.
Ceci est possible avec l’apport de tous les intervenants impliqués de près ou de loin dans le sport. Leur expérience dans le domaine du sport serait bénéfique et favoriserait la bonne marche de la transformation. Mais, il ne faut pas oublier que la transformation des associations sportives en sociétés pourrait comporter des difficultés que nos clubs ne sont pas encore capables d’assumer surtout sur les plans du financement, de la gestion et du contrôle.
________________________
1 Mémento pratique : Associations et fondations. Page 289. Editions Francis Lefebvre. 2001 -2002 ↑
2 Wladimir Andreff & Jean François Nys : Economie du sport. Page 49. Editions Presses Universitaires de France. 2001 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les avantages de transformer une association sportive en société sportive ?
Suite à sa transformation en société, l’association sportive aura l’opportunité de bénéficier de sommes considérables provenant des actionnaires, des sponsors et des mécènes.
Comment la réduction des subventions publiques affecte-t-elle les clubs sportifs tunisiens ?
Les subventions auparavant octroyées par l’Etat et les collectivités publiques auront tendance à diminuer sinon disparaître, ce qui complique la collecte des fonds nécessaires au fonctionnement des clubs.
Quelles difficultés rencontrent les dirigeants lors de la gestion d’une société sportive ?
Les dirigeants, habitués d’une gestion simple, devraient appréhender la nouvelle structure juridique du club et assurer une gestion rigoureuse digne d’une société commerciale classique.