Les théories des Investissements Directs Etrangers sont analysées à travers l’impact limité des IDE sur l’économie algérienne, soulignant des obstacles tels que le climat des affaires et l’absence de cadre institutionnel. Des recommandations inspirées de modèles asiatiques sont proposées pour renforcer l’attractivité de l’Algérie.
Chapitre II : explication de l’IDE dans la théorie économique: divorce ou convergence ?
Introduction
L’IDE est le phénomène économique qui avait le plus suscité d’intérêt au cours de ces dernières décennies, et il fait objet pour autant de travaux, aussi bien théoriques qu’empiriques. Ainsi, le développement des flux de l’IDE atteste bien la mobilité accrue du l’investissement productif dans un contexte international, d’ouverture des frontières, de progrès considérables de communication et de concurrence exacerbée dans l’économie mondiale. Un développement reflétant aussi les nouvelles logiques stratégiques des firmes.
Dans ce présent chapitre, nous allons tenter de faire le point sur l’essentiel des théories explicatives du phénomène de l’IDE. Ce faisant, les questions que nous nous posons sont les suivantes : Pourquoi une firme s’internationalise-t-elle ? Comment procède-t-elle pour faire son choix ? Et enfin, quelles sont les stratégies de pénétration adopte-elle sur le marché étranger visé ?
Ce chapitre est scindé en trois sections. Les deux premières seront consacrées consécutivement à l’analyse des différentes explications, anciennes comme contemporaines, du phénomène de la multinationalisation et de l’IDE. Enfin, la troisième section, quant à elle, s’ attachera à développer les diverses stratégies de présence sur les pays d’accueil(PA) que les firmes devraient choisir à l’étranger une fois que la décision d’internationalisation soit tranchée.
Section 1 :
explications anciennes de l’IDE: la fin de la spécialisation internationale
Les premiers balbutiements de réflexions théoriques sur l’internationalisation des entreprises ne remontaient qu’au début de XXème siècle1.
Initialement, il est important de noter que les analyses portant sur le phénomène de multinationalisation ont, d’une certaine coutume, rejeté les premières réflexions de la théorie de commerce international liées à la spécialisation internationale. En effet, on retenait de cette théorie les hypothéses de concurrence pure et parfaite et d’immobilité internationale des facteurs de production, le capital n’y étant pas exclu. Ce qui n’est en fait pas bien fondé. C’est ainsi qu’un nombre important de développements vont venir approfondir toutes les sortes d’imperfections de marché, tant pour les biens que pour l’ensemble des facteurs.
L’hypothèse d’immobilité des facteurs et des biens est alors écartée. Ainsi, la multinationalisation des entreprises ne devait être valable que dans un contexte où il ya de la concurrence imparfaite, de concurrence oligopolistique et libre mobilité des facteurs de production, en l’occurrence le transfert des capitaux à l’étranger(Mucchielli.J.L, 2005, p75).
Les théories qui se sont intéressées au phénomène de mouvements des capitaux (l’IDE en particulier) qui mettent en évidence leurs évolutions dans le temps est ainsi proposé:
Théories de commerce internationale
Qu’en est-il des limites de la spécialisation internationale ?
Il est à rappeler, il y a longtemps, l’IDE s’expliquait par les avantages comparatifs(AC), au sens de Ricardo, que présente chaque PA. Les multinationales se localisent suivant la différence internationale de prix des facteurs de production.
Premièrement, il est supposé que la disparité des salaires entre PA et PO occasionne l’IDE et qui lui même censé d’être expliquer la différence d’attractivité entre les PA. Pourtant, la théorie néoclassique établissait un lien strict entre le travail et la productivité de travail, en rendant inexplicable les problèmes de transfert d’activité vers les pays à bas salaires, puisque ces transferts s’expliquent, tout bonnement, par le fait que les disparités internationales des salaires sont supérieures aux disparités de productivité de travail2. L’IDE est aussi attiré dans les pays ayant le rapport de productivité-coût salarial plus avantageux3.
Par ailleurs, les disparités de taux de profit est un autre déterminant avancé. L’IDE se déplace du pays où le capital est moins rentable vers le pays où le capital est le plus rentable. Cet écart, selon les néoclassiques, résulterait soit de la rareté relative du capital, de l’avantage technologique, d’une structure de capital différente, ou enfin, soit de taux de rendement des capitaux sur les marchés financiers, et la disparité des risques dont un étant, le plus souvent, lié aux fluctuations du taux de change des monnaies nationales diverses. En tout état de causes, l’IDE s’expliquerait en présence de deux situations possibles : soit d’une part, comme un déplacement des capitaux d’une zone monétaire à une autre où le taux d’intérêt4 et le taux d’inflation sont plus avantageux, soit comme une acquisition d’actifs par des investisseurs de pays à forte monnaie en pays qui en aurait faible, d’autres part.
Pour n’évoquer que ceux-ci, d’autres avantages comparatifs(AC) en sus réputés susciter l’IDE, méritant d’être cité à savoir: les coûts de transport moins élevés, le volume et la croissance de la demande sur le marché intérieur, le contournement des barrières douaniers etc.
La théorie fondamentale de l’AC fut plus tard adoptée dans le modèle d’Heckscher- Ohlin-Samuelson(HOS), qui estimait que l’AC provient des différences entre les dotations de facteurs naturels5. Compte tenu des fameuses hypothèses des marchés de concurrence pure et parfaite et l’hypothèse de l’immobilité des facteurs de production, cette théorie de commerce internationale6, a cependant été sujet à caution du fait de son incapacité à expliquer l’IDE.
Sous ces hypothèses, pour rappel, le théorème (HOS) avance que, si chaque pays se spécialisait dans les produits utilisant le facteur de production dont il est relativement mieux doté, l’échange international le seul qui permettra d’atteindre l’équilibre et d’égaliser la rémunération des facteurs entre les pays. Cela signifie donc comme conséquence, la disparition de toute incitation à déplacer le capital par l’IDE.
Ce qui n’est cependnat pas dans la mobilité des facteurs de production dont la réaction des mouvements de capitaux peut être expliqué par les disparités des taux de rendement. Ceci dit alors, l’égalisation des prix des facteurs et l’équilibre sont atteints sans la nécessite de l’échange international. Ainsi, la mobilité des facteurs de production rendra vains ces AC. C’est la destruction des échanges7. Ce point sera développé ultérieurement.
- Les mouvements de facteurs et de biens: ces théories consistent en:
L’investissement et les échanges8 : substituabilité ou complémentarité ?
Mundell. R.A(1957), étant considéré comme un des premiers à avoir étudié les investissements internationaux dans le cadre de l’échange international. Mais son analyse reste dans la logique du théorème de HOS d’échanges inhérentes à la différence de dotations relatives des facteurs. Dans un modèle à deux pays et deux biens, il fait l’hypothèse que le relativement moins bien doté en capital va installer des barrières douanières à l’échange sur le bien relativement plus intensif en capital, ce qui empêche l’importation de ce bien9.
La rareté relative occasionne une rémunération plus élevée des mouvements de capitaux et donc d’investissements dans le pays protectionniste ce qui va contribuer à l’augmentation du capital et de ce fait l’augmentation de production de bien le plus intensif en capital qu’il importe auparavant. Les dotations relatives se rapprochent les un des autres d’où la convergence de leurs rémunérations. Ainsi la libre circulation de capital (d’investissements) se substitue au commerce des biens. Néanmoins, le transfert de capital en établissant des barrières à l’échange introduit par Mundell peut conduire à la disparition des AC, engendrant ainsi l’arrêt et la destruction de commerce10.
Par ailleurs, l’explication de l’investissement japonais venait contredire cette approche fondée sur la manipulation des prix des facteurs pour la recherche de l’AC dans le PA, et l’investissement s’effectue dans le même secteur que celui où le PO possède un AC.
Le modèle japonais : l’investissement complément des échanges
Aux cours des années 1970, la recrudescence des IDE japonais conduisait certains auteurs à développer un modèle pour expliquer ce cas. Ainsi, Kojima.K11 s’appuyait sur les investissements japonais dans les PED pour expliquer cette complémentarité entre l’IDE et l’échange. Une comparaison a été prise entre deux pays (un PD et un PED) et entre deux secteurs industriels (machines et textiles). Il a constaté que les FMN japonaises ont avantage à délocaliser leur capital spécifique (les machines) vers les PED, à main d’œuvre bon marché et où la rentabilité de textiles est plus élevée.
Les coûts du sud devenaient plus faibles que les prix internationaux. Dit autrement, l’IDE japonais modifiait l’AC de ces PED et stimulait à la fois leurs exportations de textiles et leurs importations de machines. Pour Bricout et Tersen12, l’IDE japonais est un créateur d’échange (Pro-trade), par opposition celui américain qui est un destructeur d’échange (anti-Trade) et n’investissant à l’étranger que pour préserver un avantage spécifique.
L’IDE et la spécialisation internationale
L’IDE pourrait changer la spécialisation (notamment industrielle) d’un pays. Il peut simultanément renforcer les AC existants et les faire évoluer grâce à l’introduction de nouvelles technologies, l’amélioration des qualifications, l’accès aux réseaux internationaux d’approvisionnement et de vente.
C’est en se basant sur les idées de Kojima qu’Ozawa expliquait dans le cadre d’un modèle dynamique de la spécialisation l’investissement japonais à l’étranger appliqué aux PED de l’Asie de Sud-est. Les investissements japonais à l’étranger vont alors être tributaires de l’évolution industrielle du japon13. Chaque phase de l’IDE sera reliée à une phase antérieure de l’industrialisation de Japon, et chaque phase d’industrialisation se ralentit sous l’emprise de contrainte de croissance spécifique tant dis qu’une autre phase se met en place. Ces phases peuvent être présentées comme suit:
- Phase 1 (expansion de l’industrie légère): le Japon était spécialisé dans des industries de main d’œuvre orientées généralement à l’exportation. Leur croissance a raréfié le travail et a élevé les salaires au japon. La conséquence était de se délocaliser vers les PED.
- Phase 2: l’industrialisation est fondée sur l’industrie lourde en capital sujette aux économies d’échelle, dans la sidérurgie, la pétrochimie orientée aussi à l’exportation. Or, la contrainte est liée à l’insuffisance de l’espace et de la forte dépendance en matières premières.
- Phase 3: le Japon se spécialisait dans l’industrie de biens de consommation durables et décomposables (automobiles) orientées davantage à l’exportation. Cependant, l’excédent chronique du Japon dans les exportations de biens de consommation a entrainé un protectionnisme dans les PD, et partant l’IDE.
- Phase 4:c’est l’industrie de biens hautement technologiques qui comprend l’industrie des microprocesseurs et autres pièces requérant une haute technologie. De NFI ont vu le jour14.
A travers cette analyse de la relation de l’IDE japonais et l’évolution de son industrialisation et les différents types d’investissements qui s’enchainaient, nous constatons une abondance progressive des spécialisations en avantage comparatif(AC) qui s’atténuent tout en se consacrant à de nouveaux types d’AC. Les délocalisations ont permis au Japon de modifier sa spécialisation. C’est dans ce sens que Porter explique dans ce qu’il appelait « le diamant de porter »15, pourquoi les industries des pays développés(PD) sont florissantes que celles des pays en développement(PED). A la différence des théories traditionnelles estimant que les facteurs des AC ne sont pas hérités mais crées par l’investissement et des facteurs avancés (moyens de communication, travail qualifié..)16.
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1 A ne pas perdre de vue que le phénomène de la multinationalisation ne remontaient pas exclusivement à cette période, ces évolutions anciennes remontaient jusqu’au moyen âge, bien à des années très reculés (voir Chapitre I, Partie II). ↑
2 POTTIER.C, « multinationales et mise en concurrence des salaries », l’harmattan, paris, 2003, p17. ↑
3 ANDREFF.W, « les multinationales globales », la découverte, paris, 1996, p96. ↑
4 Un taux d’intérêt plus élevé explique beaucoup plus l’investissement de portefeuille que l’IDE ↑
5 HARISSON. A et ELSEY.E « business international et mondialisation », Deboeck, paris 2004, p329. ↑
6 Pour en savoir plus, Gendarme.J « des sorcières dans l’économie : les multinationales », Paris, CUJAS, 1981. ↑
7 Voir Bricout.J.L et Tersen.D, « l’investissement international », Paris, Armand Colin 1997, p65. ↑
8 Pour savoir plus sur la substituabilité et /ou la complémentarité entre l’IDE et le commerce, voir les travaux sur les investissements verticaux et investissements horizontaux de : J.R.Markusen 1983,1984, Brainard.S.L 1997, Markusen.J.R et Venables.A.J 1996, 1998, Helpman.E 1984,E.Helpman et P.Krugman 1985. ↑
9 MUCCHIELLI.J.L « les FMN, mutations et nouvelles perspectives », Paris, Economica, 1985, p98. ↑
10 MUCCHIELLI. J.L, op.cit, 1985. ↑
11 Note de lecture, Kojima.K , « Direct Foreign Investment, a Japanese Model of multinational Business Operation », croom helm,1978,p11. ↑
12 BRICOUT.J.L et TERSEN.D, op.cit, 1997, p65. ↑
13 MUCCHIELLI.L « multinationales et mondialisation », éditions du seuil, mai 1998, p282. ↑
14 Pour plus d’amples informations sur ces NFI, voir le chapitre I de la partie II. ↑
15 HARISSON.A et ELSEY.E « Business international et mondialisation : vers une nouvelle Europe », Deboeck, 2004, p355. ↑
16 HARISSON.A et ELSEY.E, idem. ↑