Stratégies d’insertion des talibés : Analyse des applications pratiques

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🏫 Université Aube Nouvelle
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence professionnelle - Mai 2021
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Les stratégies d’insertion des talibés au Burkina Faso révèlent des conditions de vie alarmantes, où la mendicité devient une nécessité. Cette étude met en lumière les initiatives du Groupe de Travail sur l’Éducation Non Formelle, offrant des solutions innovantes pour améliorer leur situation socioéconomique.


Le cadre conceptuel

Emile Durkheim dans son ouvrage intitulé Les règles de la méthode sociologique (1894), affirme que : « le savant doit d’abord définir les choses dont il traite afin que l’on sache et qu’il sache de quoi il est question », c’est pourquoi pour mieux cerner l’objet de notre étude, il est important de clarifier les concepts clés qui contribueront à faciliter la compréhension de nos travaux.

Stratégies

Art de coordonner l’action de forces militaires, politiques, économiques et morales impliquées dans la conduite d’une guerre ou la préparation de la défense d’une nation ou d’une coalition.12 Art de diriger et de coordonner des actions pour atteindre un objectif. Selon le dictionnaire universel, elle est un art de combiner des opérations pour atteindre un but.13

12 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/strat%C3%A9gie/74818#XcmFRi5fSYwvwLik.99, consulté le 15 mai 2017

13 Étude des stratégies de communication utilisées dans la lutte contre le paludisme au centre de santé de référence de la commune IV du district de Bamako – Makandjamba KEITA, INFTS – 2009

Étymologiquement, le mot stratégie dérive du latin « stratégos » ou « strategia » qui désigne l’art d’élaborer des plans d’attaque dans l’armée. Il fut utilisé pour la première fois par les généraux grecs. Ramenée au domaine de la communication, la stratégie est l’art de combiner des techniques et des moyens de façon habile en vue d’atteindre un but.

« La stratégie est la réflexion qui porte sur l’allocation puis la combinaison des différentes ressources de l’entreprise pour la réalisation des objectifs qu’elle se fixe à long terme, compte tenu de l’intensité concurrentielle du marché (…) À ne pas confondre avec la politique qui est « un ensemble de décisions et de règles, de conduites adoptées à l’avance pour une certaine période en vue d’atteindre certains objectifs généraux ».

« La stratégie de communication n’est pas une partie de la stratégie marketing, elle-même partie de la stratégie générale. Elle consiste également à fixer des objectifs et des moyens spécifiques à son échelon pour les atteindre ».14

Talibés

Le terme talibé signifie en langue arabe, celui qui cherche quelque chose. Dans le contexte présent, il désigne donc celui qui cherche le savoir, l’étudiant du Coran chez un maître, qu’il réside chez ce dernier ou loge ailleurs. Au Burkina Faso, deux termes désignent les talibés : “garibous” et “karam–biiga” (élève, en langue mooré).

Talibé externe et interne : talibé interne est l’élève coranique qui dort chez le maître coranique alors que l’externe est celui qui dort ailleurs (chez ses parents ou chez un tuteur) et qui vient chez le maître coranique pour apprendre.15 Talib ou talibé veut dire littéralement « celui qui demande », « celui qui cherche » ; c’est-à-dire un étudiant.

À l’origine, le terme désignait seulement un étudiant dans le domaine de la religion. Dans certains pays, talib sert à désigner le disciple d’un maître spirituel.16

Il est utilisé pour décrire les garçons généralement âgés de 4 et 18 ans, qui vivent sous la tutelle de marabouts (maîtres d’école coranique) qui jouent en même temps le rôle d’instituteurs islamiques.17 Leur famille les envoie « chez les marabouts afin de suivre une éducation coranique accompagnée d’une initiation pratique à la vie communautaire et de l’acquisition du sens de l’humilité, de la vie ascétique et de l’endurance à toute sorte d’épreuves. » Les talibés sont souvent rassemblés dans un local qu’on appelle « daara ».

Dans le monde perse et pashto, c’est celui qui fait des études afin de devenir un mollah.

14 Stratégie de communication pour la revalorisation des activités de la galerie d’art : Cas de Houkami Guyzagn, de Salifou dit Cheickna DABOU, Groupe Management Informatique, Sports et Arts (MISA)- Abidjan – DSS 2008

15 Amélioration des conditions de vie et d’apprentissage des « talibés » au Burkina Faso, ENDA TM (Jeunesse action) – JEUDA 117

16 Les écoles coraniques et l’éducation des enfants talibés dans la ville de Dédougou au Burkina Faso, Abdoulaye ZERBO, Université de Koudougou au Burkina Faso – Diplôme d’inspecteur de l’enseignement du premier degré – 2012

17 Avec Les Enfants et les Femmes du Sénégal (ALEFS)

Insertion

L’insertion désigne l’action d’insérer, d’intégrer, d’introduire, d’intercaler une chose parmi d’autres selon le dictionnaire Petit Robert (1986). Mais, dans son sens restreint, il désigne l’action, le processus d’intégration d’un individu dans un circuit, un dispositif, un système aux fins d’une adaptation. C’est ainsi que l’on parle d’insertion sociale, économique, professionnelle, etc. des jeunes ou même des adultes dans les circuits de production ou tout simplement dans la vie sociale. On suppose donc que la personne à insérer est en marge du processus dans lequel on désire l’introduire.

Le Petit Larousse (2002, p. 1140) définit ainsi le terme « insérer » : « trouver sa place dans un ensemble, se situer. Trouver sa place dans un milieu : s’intégrer, s’introduire. L’insertion est le fait, la manière d’insérer, de s’insérer dans un groupe »18.

C’est aussi dans ce contexte qu’on parle couramment d’insertion des marginaux dans tel ou tel autre circuit. Dans le cas nous intéressant, l’insertion socioéconomique des talibés suppose la transition entre un état de chômage et d’oisiveté dans lequel se trouverait la jeunesse vers un autre état d’activité d’emploi, de production qui permettrait à ces talibés de se prendre en charge économiquement pour son intégration harmonieuse et équilibrée dans le système social.

Gilles VIDON parle de « la notion d’insertion – adaptation réciproque qui pose le problème de l’intégration. Celle-ci sous-entend une notion de réciprocité de la part de la société d’accueil et de l’individu en processus d’insertion. C’est-à-dire que l’insertion ne saurait être superficielle, mais doit s’enraciner dans des liens et des identités partagées par tous. C’est soulever le problème de l’appartenance à un moment où nos sociétés génèrent des phénomènes d’exclusion

: exclusion professionnelle, mais aussi exclusion sociale »19.

Insertion socioéconomique

La notion insertion, est définie par le dictionnaire Larousse « comme un terme désignant l’action de faire partie d’un ensemble, de s’introduire dans une structure sociale ». Aussi, selon le même dictionnaire, c’est s’adapter à une communauté, se placer parmi d’autres. Le dictionnaire universel définit l’insertion comme « Une intégration (personnes) dans un nouveau milieu social

». Quant à l’insertion socioéconomique, il s’agit d’un processus d’intégration d’un individu, dans une structure sociale de production. Selon notre étude, l’insertion socioéconomique en termes de

18Insertion des jeunes en difficulté dans la politique de santé publique : état des lieux ; http://mulhouse.esperanto.free.fr/claudy/insertion.htm

19 Gilles Vidon, La réhabilitation psychosociale en psychiatrie, Éditions Frison Roche, 1995 p.36.

processus est un renforcement des capacités des jeunes à la réalisation permanente des activités génératrices de revenus ou à l’auto-emploi. Qui tient à la fois du domaine social et du domaine économique.20 Socioéconomique est en rapport avec la combinaison ou l’interaction de facteurs sociaux et économiques ; s’intéresse à des sujets tels que les problèmes de distribution, la structure du marché de l’emploi, les coûts sociaux et d’opportunité, la dynamique des communautés et les processus de prise de décision21.

La mendicité

Pratique mal vue par le droit islamique ; en revanche, le don d’aumônes (Sadaqah) est un devoir religieux qui purifie l’âme. Il n’est pas licite de mendier si l’on a de quoi subvenir à ses besoins pendant un jour et une nuit. Des derviches22 adoptèrent cependant la mendicité comme moyens d’existence.

Voici ce qu’al-Hujwiri23 disait : Il existe trois motifs valables pour mendier, comme de nombreux Shaykhs24 l’ont dit : d’abord pour l’amour de la liberté de l’esprit, puisqu’aucun souci n’est plus préoccupant que celui de s’assurer de sa nourriture ; ensuite, pour la discipline de l’âme : les soufis25 mendient parce que c’est particulièrement humiliant et que cela les aide à prendre conscience de leur peu de valeur dans l’opinion des autres et ils évitent ainsi les écueils de l’autosatisfaction ; enfin , c’est une

preuve de respect pour Dieu si un serviteur mendie auprès d’hommes qu’il considère tout comme ses serviteurs, car cela dénote une plus grande humilité que de s’adresser à Dieu directement. Les règles de la mendicité sont les suivantes : si tu mendies et que tu n’obtiens rien, montre-toi plus joyeux encore que si tu avais obtenu quelque chose ; ne mendie pas auprès des femmes ou des gens qui trainent dans les bazars et autant que faire se peut, fais-le dans un esprit altruiste ;

ne garde jamais ce que tu as récolté pour embellir ta mise, pour ta maison ou pour acquérir des biens. Tu dois vivre dans l’instant : ne laisse aucune pensée du lendemain entrer dans ton esprit, ou bien tu es perdu. La règle ultime est de ne jamais exhiber ta piété dans l’espoir que cela te vaudra des aumônes plus substantielles.

Pour cette étude la mendicité peut être vue comme l’action de mendier des talibés dans les rues de la capitale et dans bien d’autres villes, c’est-à-dire demander l’aumône voire tendre la main à une personne pour recevoir une chose souhaitable (argent, vivres …). C’est aussi solliciter la

20 http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/socio-economique/

21 https://www.aquaportail.com/definition-6753-socio-economique.html

22 Le terme derviche (persan : درويش [derwiš], mendiant) est d’origine persane et désigne un mendiant. Ce mot a un sens et parfois un usage proche du mot d’origine arabe fakir signifiant « pauvre », Encyclopédie Libre Wikipédia.

23 Al-Hujwīrī est un soufi perse né à Ghazna, en Afghanistan, entre 999 et 1004 et mort à Lahore entre 1072 et 1076.

24 Shaykh ou couramment cheikh est, chez les musulmans, un homme respecté en raison de son grand âge et surtout de ses connaissances scientifiques ou religieuses. Ce titre correspond au sage.

25 Selon le Larousse ; soufi est un titre ou surnom individuel donné à un adepte du soufisme. (Le soufi est l’ascète vêtu de la robe de laine vierge en signe d’humilité.) Le Soufisme désigne la spiritualité de l’Islam, ou en d’autres termes, la vérité intérieure (al haqîqah).

faveur des autres pour pouvoir subsister partiellement ou totalement de cette manière. Généralement, la mendicité implique une demande d’argent aux passants ou aux automobilistes. Un mendiant peut également s’installer devant la porte d’un bâtiment (comme une mosquée, une église ou un service) et demander de l’argent à ceux qui y entrent. Il convient de souligner que, au-delà de l’argent, les mendiants peuvent demander d’autres choses comme de la nourriture, des vêtements ou des médicaments, c’est le cas des talibés dans la ville de Ouagadougou. Ce qu’ils obtiennent dans les rues leur permet de survivre ou d’améliorer leur qualité de vie ainsi que celle de leur enseignant.

Enfants de la rue

Les expressions telles que « enfants en situation de rue » ou « enfants vivant dans la rue » sont de plus en plus recommandées par la communauté internationale. Néanmoins, pour plus de clarté, ce rapport emploie le terme « enfants de la rue », expression couramment utilisée par les acteurs de terrain.

Selon la définition que propose l’UNESCO, « les enfants de la rue sont les garçons et les filles pour qui la rue est devenue leur lieu d’habitation ; ils en tirent leur propre moyen de subsistance

; ils y sont sans protection. Ils sont en rupture temporaire, partielle ou totale avec leur famille et la société ».26

Trois catégories d’enfants se retrouvent confrontées à la rue : les « enfants de la rue » qui vivent en rupture complète avec leur famille. Les « enfants dans la rue » qui y passent la majeure partie de la journée avant de regagner le foyer familial le soir venu. Les « enfants vivant dans la rue » avec leur famille constituent une troisième catégorie émergente.

Le faible revenu des parents, l’échec scolaire, les conflits familiaux et la négligence des parents sont autant de raisons qui peuvent pousser l’enfant à vivre de façon partielle ou permanente dans la rue. Plutôt qu’y vivre, ces enfants y survivent. Leur quotidien les confronte à la drogue, à la violence, aux rivalités entre gangs et tout particulièrement aux risques d’infection par le VIH, liés notamment à leur sexualité précoce, à l’échange de seringues non stérilisées, au manque d’information, etc.

Communication

« Le terme « communication » vient du verbe latin « communicare » qui veut dire mettre en commun les informations, être en relation ou en rapport avec quelqu’un. De cette étymologie, les dictionnaires généraux définissent la communication comme le fait de communiquer ou d’établir

26 Haut Conseil National de Lutte contre le SIDA, les enfants orphelins et vulnérables du Mali face au VIH/SIDA, analyse de situation et stratégie d’intervention, mars 2006, page 28.

une relation avec quelqu’un ou quelque chose ». En d’autres termes, la communication peut se définir selon le dictionnaire de la langue pédagogique de Paul FOULQUIE comme étant « un mécanisme, un processus, ou une mise en relation d’une ou de plusieurs personnes l‘émetteur- avec une ou plusieurs personnes le récepteur en vue d’atteindre des objectifs : socio-affectifs, professionnels, pédagogiques, etc.27 » Autrement dit, « c’est l’action volontariste d’émission, de transmission et de réception de messages dans un système de signes ». 28

Communication pour le développement

Pour Bessette (2004), la communication participative est une technique efficace qui peut faciliter le processus de développement communautaire. Elle vise à faciliter la participation de la communauté à leurs propres initiatives de développement grâce à l’utilisation de diverses stratégies de communication. Toutefois, l’auteur fait remarquer qu’agir comme facilitateur n’est pas chose aisée. Les agents de développement doivent apprendre à écouter, savoir amener les gens à exprimer leurs points de vue, les aider à atteindre un consensus et à dresser un plan d’action.

Pour la coopération suisse : « La communication pour le développement, connue sous le sigle C4D correspondant à l’anglais Communication for Development, est un outil d’influence sociale et politique. Elle favorise la participation et le changement social grâce aux méthodes et aux instruments de la communication interpersonnelle, aux médias communautaires et aux technologies modernes de l’information. La C4D ne constitue pas un complément à la gestion de projets, mais bien une activité transversale dont le but est de renforcer le dialogue avec les bénéficiaires, les partenaires et les autorités afin de favoriser l’appropriation des programmes au niveau local et de produire un impact durable ».29

Ce chapitre nous a permis de poser les bases théoriques de notre recherche à travers la contextualisation de la problématique de recherche et les concepts clés de notre recherche. Le chapitre suivant précisera le cadre géographique et de la méthodologie de travail.

27 ZONGO W. Sandrine, rapport de fin de cycle CPD, 2016 ; P.23

28 Marie Hélène WESTPHALEN, Thierry LIBEART, 2009, « communicator », Paris, 5e édition, Dunod, P. 10

29 Communication pour le développement : Un guide pratique. Direction du développement et de la coopération (DDC) – Berne, juillet 2016


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les stratégies d’insertion des talibés au Burkina Faso?

L’article explore les efforts du Groupe de Travail sur l’Éducation Non Formelle pour faciliter l’insertion socioéconomique des talibés à travers des programmes d’alphabétisation.

Qui sont les talibés et quel est leur rôle au Burkina Faso?

Les talibés sont des garçons âgés de 4 à 18 ans qui vivent sous la tutelle de marabouts pour apprendre le Coran et acquérir des compétences pratiques de vie communautaire.

Pourquoi les talibés sont-ils souvent contraints de mendier?

Les talibés vivent dans des conditions de vie précaires, ce qui les oblige souvent à mendier pour survivre.

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