Analyse des stratégies de déploiement international des firmes

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🏫 Université Mouloud MAMMERI de Tizi-Ouzou - Faculté des Sciences Economiques, Commerciales et des Sciences de Gestion - Département des Sciences Economiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Magister - 2015-2016
🎓 Auteur·trice·s
GUESMIA El Hadi
GUESMIA El Hadi

Section 3 : Stratégies de déploiement international des firmes: localisation des activités et choix des territoires

Le choix des stratégies de déploiement à l’étranger est crucial. En effet, dés lors que la décision de se multi-nationaliser est tranchée et compte tenu à la fois des motivations de la firme, de ses déterminants de localisation et des caractéristiques propres au PA, la firme va se trouver face au choix parmi les stratégies d’implantation. Dans ce sens, s’accordant avec l’économiste français Michalet.C.A1, nous pouvons distinguer quatre types de stratégies différentes qu’une firme peut suivre dans son processus de multinationalisation à savoir: une stratégie d’approvisionnement, une stratégie de marché, une stratégie de minimisation des coûts, et enfin une stratégie techno-financière2.

La stratégie d’approvisionnement

Appelées également les stratégies d’accès aux ressources de sol et de sous sol.

Ces stratégies étaient dominantes jusqu’à début du XXème siècle. Les implantations étaient réalisées à l’étranger par la firme mère dans le but de s’approvisionner à partir d’une plantation d’activités extractives et de comptoir de commerce délocalisé prés des ressources nationales des PED. Cette stratégie des multinationales dépendant d’intrants en matière premières primaires est encore répandue dans les secteurs, minier, énergétique métallurgique. Ces firmes tendent à s’intégrer verticalement en amont à l’étranger y compris en abordant leurs fournisseurs étrangers.

Notons par ailleurs que l’émancipation des colonies et l’accession des Etats aux indépendances, où les nationalisations se sont essentiellement concentrées dans le secteur primaire sont trouvés incapables de les exploiter ou de les commercialiser, sans l’IDE, dans les exploitations de terrains pétroliers et miniers notamment. Les activités des FMN passent ainsi de l’exploitation directe à l’assistance technique.

1. La stratégie de marché (market seeking)

Cette stratégie est apparue aux 20éme. Appelée également une stratégie horizontale3 et comporte l’établissement d’une filiale relais dans le cadre de ce que Porter.M (1986) nommait l’approche multidomestique4. Cette stratégie comporte 02 démarches : une vise la conquête de nouveaux marchés qui s’opère par d’autre façon que celle de la voie classique des exportations. L’autre réside dans l’évolution contrainte de la stratégie internationale des firmes afin de garder et gagner des PDM à l’étranger. Donc les firmes sont amenées à implanter des unités de production pour relayer leurs flux d’exportations.

Ce faisant, les IDE prolongent l’activité d’exportation par production sur le lieu même dans leurs marchés étrangers. Les filiales produisent les mêmes produits que ceux de la société mère. Une simple réplication de la firme, auxquelles elles se substituent et importent le plus souvent certains intrants du PO. Cette stratégie réalise donc une intégration verticale en aval dans les firmes à l’étranger et peut aller jusqu’à rachat d’un réseau de distribution des PA. Les filiales ont peu de relations entre elles et sont coordonnées par une division internationale. Toutefois, cette stratégie est adoptée par les FMN originaires des NPI et de pays en transition dans les années 1986. La stratégie horizontale aujourd’hui est la plus répandue.

2. La stratégie de rationalisation de la production (efficiency seeking)

C’est au milieu des années 1960 que s’est imposée cette stratégie de rationalisation de la production des FMN, appelée aussi la stratégie verticale. Par opposition à la stratégie de marché, l’inégalité de développement donne un caractère unilatéral et non croisé et l’orientation des flux des investissements sont nord-sud5. L’IDE tire partie des réductions des couts de production qui repose sur une utilisation des facteurs de production des meilleurs marchés, des économies d’échelle engendrées par la spécialisation des filiales ateliers.

Il en résulte que cette stratégie est basée beaucoup plus sur la différence des dotations factorielles des PA. Dit autrement, les investissements verticaux sont intersectoriels et non pas intra-branche, comme dans la stratégie de marché. Les filiales ateliers produisent les composants de production de la société mère et les exportent vers son PO ou vers filiales localisées dans d’autres pays. Le tout supervisé par les lignes de produit final. Le processus de production est fragmenté verticalement et c’est toute une série de filiales-ateliers qui utilisent les meilleurs facteurs abondants sur le marché d’implantation et par suite l’amélioration de leur compétitivité par rapport aux principaux concurrents.

Les fonctions de l’entreprise décomposées

Avec l’approfondissement de la mondialisation, la division internationale du processus productif(DIPP) s’est fortement développée ces dernières années. Krugman.P 6 indique que la fragmentation est une des trois ou quatre caractéristiques majeures de la mondialisation contemporaine.

Par ailleurs, les firmes adoptant la stratégie de rationalisation de la production se caractérisent par des opérations de production segmentées en plusieurs activités et peuvent s’intégrer dans une DIPP7 ou de modularisation. Cette dernière relève d’une démarche visant à décomposer les systèmes complexes. Autrement dit plus le produit final est complexe plus il contient des composants qui peuvent être fabriqués de façon autonome les uns des autres, plus il offre des possibilités de DIPP. Celle-ci, pour Simon.H(2000)8,

« renvoie à la propriété observée dans la plupart des système, d’être divisibles en partie, avec une forte densité d’interactions parmi les éléments de chacune des parties et une plus faible densité d’interactions entre les éléments des différentes parties ». Cela veut dire que les grands systèmes se décomposent en niveaux successifs de parties et sous-parties.

En effet, la FMN peut, soit segmenter les opérations de production préalables à l’assemblage de produit final, soit délocaliser certaines de ses opérations dans divers PA. Les activités de production peuvent être localisées librement, soit dans des filiales étrangères, soit par la sous-traitance ou la coopération internationale, et ce, d’autant plus qu’il y a une baisse continue des coûts de transaction favorisant la fabrication séparée des fragments de processus productifs et leur localisation dans des pays différents. Il en est de même, de la diffusion des NTIC qui favorise la mise en œuvre d’une forme spécifique de fragmentation de la chaîne de valeur dans les services.

La stratégie techno-financière

L’émergence de cette stratégie est annoncée pour la première fois par Michalet.C9 . Il s’agit d’une nouvelle génération de stratégie, qui n’est plus fondée sur la délocalisation d’activités productives. Cette stratégie correspondait à une forme d’internationalisation fondée sur les actifs intangibles de la firme, sur son capital humain et marque l’aboutissement d’un glissement des activités à l’étranger des firmes de la production matérielle direct vers la fourniture des services. La base de sa compétitivité est désormais fondée sur la définition de savoir-faire et de R-D. Cette stratégie tentait de valoriser cet avantage dans tous les secteurs ou des applications de ses compétences technologiques sont possibles.

Les firmes adoptant cette stratégie sont qualifiées par Dunnig(1988), de « multinationales de style nouveau »10, qui devant aussi reposer sur leurs relations avec les autres entreprises. Ne se limitant pas seulement à la production et la commercialisation propres des firmes et leurs filiales. Leurs accès au profit ne se fonde pas uniquement sur la détention directe de capital, mais sur le degré de maitrise et de contrôle de la technologie, de savoir-faire et le financement, dans le souci de minimiser le risque de nationalisation et de pertes de leurs actifs réels d’une part, et la crainte de développement d’un tissu industriel local par PA et la tendance à la limitation de l’IDE en leur système productif national qui s’ensuit.

Les stratégies hybrides : la complexité des multinationales

Quoi que la distinction entre les stratégies verticales et horizontales, aussi pertinente soit-elle au plan théorique, n’est pas aussi claire dans les faits. En réalité, ces formes peuvent exister en même temps. Les FMN pratiquent souvent des stratégies d’intégration complexes et hybrides11.Et ce, lorsque les couts de transport descendent en dessous d’un certain seuil. Des couts de transport faibles encouragent l’IDE verticale car ils rendent accessibles l’usage d’une main d’œuvre peu chère. Des couts de transport élevés favorisent au contraire l’IDE horizontal puisqu’ils rendent les échanges commerciaux plus chers. Entre les deux bornes, aucun de motifs d’expansion à l’étranger pris isolement ne suffit à rendre attractif l’IDE. Il faut en plus que les firmes trouvent un autre avantage qui réside dans la complémentarité entre les deux formes d’intégration. Dans ce cas, « les coùts d’accès aux marchés internationaux sont doublement abaissés grâce d’une part, à la réduction des coùtsunitaires qui engendre une augmentation des ventes, d’autre part, à un effet d’échelle proportionnel au volume des ventes réalisées qui permet de réduire encore davantage les couts unitaires »12.

Force est cependant de souligner que les stratégies évoquées et les divers stades d’évolution de la multinationalisation des firmes sont étroitement liés. Ces stratégies ne sont pas exclusives et plus une firme est diversifiée géographiquement et par lignes de produit, plus la probabilité de la voir suivre simultanément plusieurs stratégies sera élevée. Le type de stratégies développés dépend aussi du degré d’internationalisation, du niveau de concentration, de l’état de concurrence de secteur et conditionnée également par le pays d’origine(PO)13. Au total, ces stratégies sont établies en fonction de l’organisation des firmes et de leurs comportements stratégiques et cela dés que l’implantation de l’activité à l’étranger prend effet, puis ces stratégies vont se prolonger dans la division internationale du processus productif(DIPP).

Nous pouvons somme toute dire que les stratégies de localisation des FMN sont plus complexe que ne laisse voir le distinguo existant entre stratégies verticales et horizontale. Elles peuvent articuler des stratégies de minimisation des coûts, des stratégies d’accès aux marchés et stratégies d’accès à des compétences spécifiques technologiques.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons essayé d’analyser les déterminants et les facteurs explicatifs du phénomène de la multinationalisation des entreprises. Il convient ainsi d’admettre que ce dernier est traité selon plusieurs optiques à savoir : dynamique, synthétique et stratégique.

Dans une optique dynamique, la firme n’est plus indifférente à la date de l’investissement. Dans une optique stratégique, elle ne devient plus indifférente (préoccupante) aux choix et aux actions de ses concurrentes, tandis que dans une analyse synthétique, la firme considère dans son processus décisionnel, le choix de se multi-nationaliser, les déterminants de l’offre et de la demande relatifs à chaque site et/ou pays.

La diversité des situations rencontrées donnerait, sans doute, naissance à une variété d’explications du phénomène étudié, en l’occurrence l’IDE. De plus, les situations rencontrées ont plutôt tendance à évoluer dans le temps en modifiant ainsi les différents facteurs explicatifs. En effet, si on s’accorde aux dires de certains auteurs, nonobstant cette profusion de théories expliquant le phénomène de multinationalisation, les analyses, tant théoriques qu’empirique, demeuraient incohérentes, sans approche globale, voire se caractérisant le plus souvent par l’« absence de consensus14 ».

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1 MICHALET.C.A, Op.cit, 1976, et MICHALET.C.A, Op.cit, 1999, p48.

2 Les stratégies d’approvisionnement, les stratégies de marché et les stratégies de rationalisation de la production sont qualifiées de classiques alors que la techno-financière qualifiée de globale.

3 Qualifiée d‘horizontale car elle concerne les flux d‘investissements croisés Nord- Nord qui se développent entre les pays de la triade.

4 CHESNAIS.C, « la mondialisation de capital », Paris, Syros, 1996.p96.

5 MICHALET.C.A, Op.cit, 1999, p48.

6 KRUGMAN.P (1991) Cité par Mucchielli.J.L, « Délocalisations, nouvelles tendances », l’Expansion Management Review, N°133, 2009, P37.

7 Le DIPP « indique qu’un produit peut être décomposé en segments fabriqués chacun dans des pays différents, en fonction de leur nature et des caractéristiques des pays, puis recomposé sur le territoire d’un pays assembleur et vendu ensuite sur plusieurs marchés » est une spécialisation intra-branche verticale .(L. DUCHENE(1982), FONTAGNE (1984) cités dans J.L. Mucchielli « économie internationale », Dalloz, 2éd,1997,p71.

8 Cité par MOATI.P et MOUHOUD.M « le DIPP, polarisations et division cognitive du travail », la Revue d’Economie Politique décembre 2005, Université Paris 13, p1

9 MICHALET.C.A, Op.cit, 1985.

10 CHESNAIS.F, op.cit, 1997, p99.

11 Dans par exemple les zones d’intégration régionale (UE, ALENA) dont les couts de transport réduits et la taille de marché et celle de l’ensemble de la zone, offrent des possibilités d’exploiter à la fois les différences de couts ou de dotations en facteurs permet conquérir de nouveaux marchés. Compte tenu en sus de la distance et la concentration.

12 MOUHOUD.M, op.cit, P64. Et pour plus, Yeaple. S.R « the complex integration strategies of MNs and cross countries dependencies in the structures og FDI », journal of international economics, vol.60, 2003, P293-314.

13 DELAPIERRE.M, et MILELLI.C, « les firmes multinationales », Paris, Vuibert, 1995, p101.

14 CHAKRABARTI.A, 2001, cité dans, LEVASSEUR.S, « les IDE et stratégies des entreprises MN », 2002, OFCE, P131.

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