Le statut de la femme en Algérie est analysé à travers l’œuvre de Mohammed Dib, notamment dans ‘La Grande maison’ et ‘Un Été africain’. Cette étude met en lumière la tension entre tradition et modernité, ainsi que l’évolution de la représentation féminine dans l’imaginaire collectif algérien.
3 – Le statut de la femme entre la tradition et la modernité :
À tort ou à raison, le discours sur le code de la famille et l’appel pour l’abroger en vue de l’émancipation de la femme des instructions de la religion, n’est pas innocent et fait appel aux amendements du code du statut personnel de la femme initiés en 1959 par Melle Sidraka, visant l’émancipation de la femme de la tutelle familiale et religieuse. Ces amendements ont été condamnés par le front de libération nationale (FLN) dont l’objectif ultime était de garder la femme sous la protection religieuse face à toute aliénation ou assimilation au droit colonial.
Alors, est-ce que les femmes algériennes d’aujourd’hui ont besoin d’une autre directive pareille à celle adressée aux femmes algériennes dans la wilaya 04 en 1959 ? Ou bien, l’Histoire est-elle le seul enseignant capable de leur montrer quelles étaient les conséquences de la modernité et la liberté totale et absolue de la femme en occident ? Est-ce que la situation et le statut de la femme en occident dont les femmes algériennes ont fait l’idéal sont plus honorables à leurs yeux que les leurs ?
Le Pr. Henry MAKAW affirme en examinant la situation de la jeune fille en Amérique : « la jeune fille américaine mène une vie de débauche dans laquelle elle connaît intimement des dizaines de garçons avant son mariage. »1 Est-ce que les femmes et les associations féminines algériennes qui appellent à la liberté totale de la jeune fille lors de son mariage prennent en considération les conséquences d’une telle situation ? La femme privée de tuteur ne sera pas plus libre et pourra ainsi se marier sans ne se référer à aucun de ses proches ?
Il est vrai que l’Islam oblige à la présence d’un tuteur matrimonial pour le mariage de la femme, mais il n’a jamais autorisé que le mariage de celle-ci soit forcé ou obligé. Les droits de la femme et ceux de l’homme sont bien déterminés en Islam, ainsi que leurs devoirs, il ne reste que leur application qui doit être fidèle et correcte.
Certes, nul ne peut ignorer les avantages de la modernité sur la femme algérienne et la société entière. Les nouvelles situations économiques créées par la vie moderne ont modifié la vie de la société patriarcale d’autrefois. Aujourd’hui, le modèle de la famille traditionnelle captive, voire oppressive a cédé la place à un autre modèle de famille conjugale fondé sur la compréhension et le respect entre tous les membres.
Ainsi, grâce à la modernité et aux efforts des associations féminines, la femme algérienne a pu accéder à la vie sociale et économique en tant qu’élément indispensable pour la construction de l’avenir de son pays. De même, le Président de la république par la révision de la Constitution vient confirmer ce rôle de la femme dans sa participation à la vie politique, à la vie élective, à la gestion des affaires étatiques et locales.
La femme tient à jouir pleinement de ses droits de citoyenne, elle prouve, chaque jour, qu’il n’y a pas des fonctions pour les hommes et des fonctions pour les femmes en se présentant dans tous les domaines qui participent à la progression du pays. La femme est pilote dans l’aviation civile et l’aviation militaire, dans les différents corps des forces de sécurité et de l’armée.
Ainsi, la femme est présente massivement dans l’enseignement supérieur, secondaire, primaire, dans la médecine, dans les chantiers liés au génie civil, dans le corps de la magistrature en tant que ministère, maire, et wali (Préfète).
Ce développement est attesté par la ministre chargée de la recherche scientifique, Souad BENDJABALLAH, lors d’un colloque international sur le thème « La clause de l’Européenne favorisée », à Paris où elle a exposé la politique de promotion de la femme en Algérie en présentant certaines réalités concernant l’intégration de la femme sur les plans socio-économiques.
« 97 % des enfants sont scolarisés y compris les filles car l’école est obligatoire et gratuite. Dans l’enseignement supérieur, on compte 138 étudiantes pour 100 garçons ». « Les efforts sont également visibles dans le domaine de l’emploi où près de 14% de la population active sont représentées par des femmes », a indiqué la ministre, soulignant que dans le secteur public en Algérie, il n’existe aucune discrimination entre femmes et hommes en matière de salaires contrairement à d’autres pays.2
En fait, la femme a réussi à diriger aujourd’hui des dizaines de milliers de projets, occupant des milliers de postes d’emploi en Algérie. Selon des statistiques relevant d’une étude réalisée en 2006, la femme algérienne dirige alors plus de 11000 entreprises sur 82000 entreprises. On assiste à une féminisation de plusieurs secteurs d’activité et de plusieurs institutions comme la justice, les médias et l’enseignement ; à titre d’exemple les étudiantes sont plus nombreuses à l’université et en 2006 : 56% des bacheliers étaient des bachelières.
Aussi 70% du secteur médical et paramédical sont des femmes. Ainsi les statistiques du Centre national du registre de commerce (CNRC) de la fin 2005, démontrent que l’Algérie compte 93328 femmes commerçantes. Un chiffre qui est en augmentation du fait que les femmes arrivent en masse dans cette activité.
Toutefois, et malgré les succès que la femme a réalisés grâce à la modernité, nul ne peut nier les inconvénients de cette dernière. Si elle a permis à la femme algérienne de briser le cercle des traditions rigides et rétrogrades en lui permettant d’occuper tous les secteurs et les domaines, cela ne signifie pas que cette femme doit se débarrasser de ses valeurs et de ses mœurs en se laissant s’absorber pas cette modernité.
La modernité est positive quand elle est authentique et relève d’une prise de conscience et d’une maturation en vue d’une émancipation avantageuse pour la femme, et non pas d’une modernité hétérogène importée de l’occident et qui ne représente qu’une autre forme d’aliénation de la femme par la femme elle-même. Sortant de la sphère du sacré, la femme perdant ainsi une part de son identité et surtout de sa respectabilité.
Amine MALOUF affirme dans son ouvrage Les Identités meurtrières que : « la modernisation a constamment impliqué l’abandon d’une partie de soi-même [et ainsi] une profonde crise d’identité. »3 De ce fait, le statut de la femme doit être fondé dans l’équivalence entre la modernité et la tradition, entre la révolution contre toutes sortes de représentations fautives et le respect des valeurs sacrées.
Tout en se nourrissant des avantages de la modernité et en se méfiant de ses inconvénients qui ne seront pas culturellement intégrés dans la société. Dans le même sens exprimé par Mahatma GANDHI dans ce passage :
Je ne veux pas que ma maison soit entourée de murs de toutes parts et mes fenêtres barricadées. Je veux que les cultures de tous les pays puissent souffler aussi librement que possible à travers ma maison. Mais je refuse de me laisser emporter par aucune.4
A vrai dire, les espaces conquis par la femme algérienne à travers ces décennies sont le fruit de son propre combat contre les traditions obscurantistes. Elle a montré par ses écrits, ses luttes et par ses sacrifices qu’elle est un être qui bouge, qui ne veut pas se soumettre aux caprices des représentations rétrogrades et lutte pour son émancipation. D’ailleurs son émancipation ne sera bénéfique que pour l’avenir de l’Algérie, car la progression et l’épanouissent d’une société n’est que le reflet de la progression et de l’épanouissement de ses femmes.
De toutes ces mutations du statut de la femme, la littérature romanesque a fait l’écho, l’image de la femme a considérablement évoluée au cours des années dans les écrits littéraires. Nombreux sont les écrivains qui ont traité l’image de la femme algérienne et son réel vécu tout au long de son chemin vers l’émancipation.
Nombreuses ainsi sont les images qui se dressent comme une histoire concrète de la vie de cette femme, matrice de la société, gardienne des valeurs ancestrales, la combattante de la guerre de libération nationale, la travailleuse engagée pour la construction de son pays, la citoyenne engagée dans la lutte pour ses droits de citoyenne et d’émancipation, la victime et la cible durant la décennie noire.
On retrouve de façon prévisible ces images multiples de la femme algérienne, comme objet ou comme sujet directement ou indirectement elle est pour ainsi dire constamment au centre de la production artistique et l’incarnation romanesque littéraire.
________________________
1 Henry MAKAW, cité in Le Magazine Al Mustaqbal Al-Islamy N° 146 – 6/1424 in: http://www.womeninislam.ws/fr/prejuges-autour-de-la-femme-en-islam. ↑
2 Souad BENDJABALLAH, in : www.algerie-dz.com. ↑
3 Amine MALOUF, Les Identités meurtrières, le livre de poche, Paris, Grasset et Fasquelles, 1998, p. 84. ↑
4 Mahatma GANDHI, Rapport mondial sur le développement humain 2004, La liberté culturelle dans un monde diversifié, [Mondialisation et choix culturel], Paris, Economica, 2004, p.85. ↑