Comment l’innovation technologique transforme l’enseignement de la géographie en Côte d’Ivoire ?

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Armand Emmanuel Bohoussou
Armand Emmanuel Bohoussou

L’innovation technologique en géographie révèle les défis de l’enseignement en Côte d’Ivoire, en mettant en lumière la construction du concept d’espace urbain. Découvrez comment les pratiques pédagogiques des enseignants influencent la compréhension des élèves face à un monde en constante évolution.


CHAPITRE 3 : UNE FAIBLE PRESENCE DES CONCEPTS INTEGRATEURS DANS LA GEOGRAPHIE SCOLAIRE IVOIRIENNE ?

Ce chapitre vise à analyser le curriculum prescrit ainsi que les pratiques des enseignants pour comprendre la place des concepts dans la géographie scolaire ivoirienne. Dans ce chapitre, je vais d’abord analyser les thématiques abordées par la géographie scolaire ivoirienne afin de déterminer son positionnement épistémologique puis j’analyserai à nouveau le corpus pour déterminer les concepts ou notion étudiés dans la géographie scolaire ivoirienne.

L’analyse de ces concepts permettra de savoir à quel mode de pensée se réfère la géographie ivoirienne que je mettrai en rapport avec le mode de pensée herméneutique propre aux concepts intégrateurs. Ainsi, j’en déduirai, la présence ou non des concepts intégrateurs dans la géographie scolaire ivoirienne. En outre, à partir de l’observation des pratiques et de l’entretien avec les enseignants sur le cours sur l’urbanisation, je pourrai appréhender la place de la conceptualisation dans les pratiques enseignantes.

Un curriculum prescrit peu construit autour des concepts intégrateurs en géographie

Le corpus analysé comprend le guide d’exécution des programmes et les programmes. À l’aide du logiciel iramuteq, j’ai effectué d’abord une classification hiérarchique descendante pour voir quels sont les thèmes généraux abordés par la géographie scolaire ivoirienne et les liens ou rapports entre ces thèmes avant de mener une analyse sur l’occurrence des concepts. Le résultat de cette analyse est présenté dans la figure ci-dessous :

Figure 7 : classification hiérarchique descendante du curriculum prescrit ivoirien

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Organisation régionale

Géographie humaine

Géographie économique

Géographie physique

La classification hiérarchique descendante menée sur les données du curriculum prescrit révèle quatre grandes thématiques : la classe 1 concerne la géographie humaine ou la population associée à la classe 3 intégrant les aspects économiques. Ensuite, la classe 2 s’attachant au milieu physique, opposée à la classe 4 relative aux espaces régionaux et organisation régionale. À l’analyse, la géographie scolaire ivoirienne est dominée par la géographie humaine et physique. L’analyse nous montre également un cloisonnement des différents domaines de la géographie. Ce cloisonnement des différents champs de la géographie est confirmé par l’analyse factorielle des correspondances présentées dans la figure ci-dessous.

Figure 8 : analyse factorielle des correspondances du curriculum prescrit ivoirien

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Ce cloisonnement des différents domaines de la géographie ne permet pas de tisser les liens et d’expliquer l’organisation de l’espace au-delà du déterminant physique (Doba, 2021). Cette géographie scolaire ne permet pas de développer une pensée systémique.

J’ai mené par la suite une analyse avec le logiciel iramuteq pour déterminer les principaux concepts et notions de la géographie scolaire ivoirienne. J’ai sélectionné en fonction de leur occurrence les concepts et notions qui étaient les plus présents dans les prescriptions officielles. Le graphique ci-dessous nous présente ces principaux concepts et notions :

Figure 9 : les principaux concepts et notions de la géographie scolaire ivoirienne

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Le graphique ci-dessous montre les principaux concepts et notions abordés par la géographie scolaire ivoirienne par niveau d’étude. Les concepts et notions les plus usités sont : le milieu, naturel, environnement, climat, subéquatorial, relief, région, territoire22 et subéquatorial, ensuite l’économie, la population puis la mondialisation et l’urbain.

Selon R.Brunet (2017) le milieu et l’environnement recouvre le même sens, car ils désignent tout ce qui entoure un lieu, une activité ou une personne et un groupe social. Il estime que ces deux concepts n’existent pas en soi, mais font toujours référence à un lieu ou à une personne. Pour ce dernier, le milieu géographique se compose des éléments naturels tels que le relief, le climat, la végétation et les sols, des constructions et des transformations humaines du milieu (habitat, activités économiques, routes, usines…) mais encore des organisations politiques, administratives et des systèmes religieux. Or les concepts et notions abordées par le curriculum prescrit de géographie ivoirienne sont relatifs à ces éléments tels qu’indiqué dans le graphique.

22 La présence du terme territoire dans les programmes ne fait pas référence au concept territoire de la géographie. Le territoire est utilisé ici pour désigner une portion de l’espace terrestre, une entité administrative et politique faisant souvent référence à la région dont on décrit les acteurs politiques sans indiquer leurs actions spatiales ci-dessus. Ainsi, la géographie scolaire ivoirienne est dominée par le concept de milieu géographique.

Pour D.Pumain et T. Saint Julien, deux types de relations interactions ont été privilégiés par la géographie : d’abord les relations verticales dont s’est intéressée la géographie classique. Dans ces relations verticales, l’explication des faits géographiques observés dépend fortement du milieu naturel. Ils donnent l’exemple du climat dans la répartition des cultures.

Ensuite, les relations horizontales privilégiée par la nouvelle géographie qui s’intéresse au modèle géographique pour expliquer les faits géographiques. Les notions de distance et de situation occupent une place centrale dans cette analyse. La démarche privilégiée est l’analyse spatiale. C’est l’exemple de la plupart des modèles urbains. Ils soutiennent par ailleurs que la géographie contemporaine, de son côté, essaye de combiner ces deux types de relations tout en ouvrant son analyse à d’autres domaines dont la psychologie et la sociologie (Mérenne-Schoumaker, 2017).

Selon Brunet, le concept de milieu privilégie une analyse qui met « l’accent…sur les relations verticales des sociétés à leur environnement naturel »(Mérenne-Schoumaker, 2017, p. 83). Dans la géographie scolaire ivoirienne, le concept de milieu est déterminant dans l’explication de l’installation des populations et des activités économiques. C’est donc une géographie classique qui prédomine dans les programmes scolaires ivoiriens avec le concept de milieu.

Cette géographie appartient à un mode de pensée idiographique.

Pour Develay(1992), les concepts intégrateurs sont des savoirs structurants d’une discipline qui permettent de les distinguer des savoirs factuels. Les savoirs factuels autrement dit des faits ou des savoirs relevant de définition, de l’évidence, du réel et qui n’invitent pas à l’analyse ni à l’interprétation. Pour lui, les concepts intégrateurs, dans une perspective épistémologique, sont sélectionnés par une communauté scientifique et relatifs à un mode de pensée partagée par cette communauté. Les concepts intégrateurs sont les « noyaux durs d’une discipline »(Roure, 2013, p. 171). Roure est plus explicite sur la place des concepts intégrateurs :

« Les concepts conditionnent les individus à sélectionner certains savoirs, qui en retour influencent la formation de concepts. Enfin, les concepts construits par les individus permettent de structurer les savoirs scientifiques, c’est-à-dire leur donner une cohérence d’ensemble. Ce versant de l’épistémologie peut être mis en relation avec les concepts intégrateurs …au sens où ceux-ci interviennent dans la structuration des savoirs scolaires. De plus, cette approche de l’épistémologie postule que les matrices disciplinaires constituent des modèles de pensée, des façons de voir les choses, partagées par les chercheurs d’un domaine, qui fondent l’unité d’une communauté. Autrement dit, une matrice disciplinaire »(Roure, 2013, p. 170).

Dans l’enseignement de la géographie, ces concepts intégrateurs proposés par Hertig font partie de la troisième manière de penser le monde défini par Retaillé. Les concepts intégrateurs en géographie s’inscrivent dans le paradigme herméneutique de la géographie. Alors que le concept de milieu de la géographie ivoirienne appartient à un mode de pensée idiographique. Ainsi, le curriculum prescrit de géographie ne fait pas référence aux concepts intégrateurs.

En m’appuyant sur le cadre théorique de la transposition didactique, deux règles importantes de la transposition didactique externes pourraient expliquer cette absence de concepts intégrateurs dans la géographie scolaire ivoirienne. D’abord, cela est lié à la non modernisation du savoir. La transposition didactique externe étant dévolue à la noosphère, celle-ci doit se réunir périodiquement pour mettre à jour les contenus d’enseignement en phase avec l’évolution des connaissances dans la science de référence.

Et ensuite, à un déficit de renouvellement curriculaire, cela doit se comprendre par une attention particulière vis-à-vis de la science de référence en vue de rapprocher les savoirs scolaires de la science de référence et de l’éloigner du sens commun. En Côte d’Ivoire, depuis de nombreuses années, les programmes scolaires n’ont pas suivi de modifications majeures pour la rapprocher de la science de référence.

Les savoirs scolaires sont éloignés de la science de référence et n’ont pas évolués en même temps que cette dernière. Malgré l’évolution de la géographie, la géographie ivoirienne est restée idiographique. Les constructeurs de programmes travaillent en vase clos et n’intègrent pas les nouveaux savoirs issus de la science de référence dans les programmes.

Le cours sur l’urbanisation montre bien ce problème de non modernisation des savoirs et de renouvellement curriculaire. En dehors de l’approche pédagogique qui a changé, les contenus sont restés les mêmes. Ce même cours est enseigné depuis les années 2000. Avec les mêmes contenus à dispenser aux élèves selon le prescrit. Il n’y a donc pas eu un renouvellement des savoirs depuis plus de 20 ans alors que les travaux sur le fait urbain en Côte d’Ivoire ont évolué et sont nombreux. En témoigne, les instructions officielles de 2013 insistant sur les contenus inchangés des programmes en géographie depuis 2000 (voir annexe). Dans ce cas, Comment les enseignants amènent-ils leurs élèves à conceptualiser ?

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Questions Fréquemment Posées

Quels sont les principaux concepts abordés dans la géographie scolaire ivoirienne ?

Les concepts et notions les plus usités dans la géographie scolaire ivoirienne sont : le milieu, naturel, environnement, climat, subéquatorial, relief, région, territoire, économie, population, mondialisation et urbain.

Comment le curriculum prescrit influence-t-il l’enseignement de la géographie en Côte d’Ivoire ?

Le curriculum prescrit montre un cloisonnement des différents domaines de la géographie, ce qui ne permet pas de tisser les liens et d’expliquer l’organisation de l’espace au-delà du déterminant physique.

Pourquoi la géographie scolaire ivoirienne ne développe-t-elle pas une pensée systémique ?

La géographie scolaire ivoirienne ne développe pas une pensée systémique en raison du cloisonnement des différents champs de la géographie, qui empêche de relier les concepts et d’appréhender la complexité du monde contemporain.

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