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L’impact de la programmation budgétaire pluriannuelle au Sénégal

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🏫 UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINS-LOUIS - UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de MASTER II - 2020
🎓 Auteur·trice·s
BABACAR CISS
BABACAR CISS

Section 2 : La programmation budgétaire pluriannuelle

L’introduction du Budget programme apporte des innovations relativement importantes par rapport aux modalités nouvelles de préparation du Budget. En effet, la procédure relative au budget de moyen était construite sur la base de la centralisation des besoins des services respectivement en fonctionnement et investissement.

Dans le cadre du Budget programme, la collecte des besoins des services est faite sur la base de leurs contributions à l’atteinte des objectifs, des Programmes et Actions. Il s’agit plus explicitement d’apprécier la pertinence des activités proposées et d’y allouer des ressources budgétaires au regard des priorités établies. Les travaux d’élaboration des Budget programmes consistent à synthétiser les données des stratégies (Stratégie et Plan d’actions), d’évaluer de façon précise le coût des Actions en vue de leurs déclinaisons en nature de la dépense selon la nomenclature budgétaire.

L’introduction récente de la pluri annualité constitue une innovation significative dans la pratique budgétaire des Etats à travers surtout la prise en compte à moins terme de l’impact de décision publique. Si l’annualité reste le cadre d’exécution des recettes et des dépenses de l’État, la programmation budgétaire pluriannuelle permet au budget d’être plus en phase avec les stratégies nationales de développement, elles-mêmes pluriannuelles et d’améliorer leurs prises en compte dans la loi de finances et dans leur mise en œuvre effective.

La programmation des budgets s’ouvre avec la diffusion de la lettre circulaire budgétaire. Cette lettre dressée et adressée aux Ministères et Institutions constitutionnelles par le ministre chargé des finances et du budget fixe les modalités de préparation des budgets sectoriels (Paragraphe 1) à la suite desquels le processus de finalisation du projet de loi de finances pourra être entreprise (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La conception des budgets sectoriels

Les budgets de moyens ont laissé place aux budgets de programmes. Sur ce, le budget de l’Etat s’établit désormais sous forme d’un ensemble de programmes et de dotations. Le périmètre de ces programmes et dotations étant ministériel et institutionnel. Leur formulation suit ainsi plusieurs paramètres et permet de cerner leurs contours durant les conférences budgétaires.

Le Programme s’entend d’un ensemble d’actions à mettre en œuvre au sein d’une administration pour la réalisation d’un objectif déterminé de politique publique dans le cadre d’une fonction. Il se base sur un objectif précis et s’appuie sur une stratégie explicite de mise en œuvre. Le Régime financier ne délimite pas le nombre de programmes qu’un ministère peut mettre en place mais pour des raisons pratiques, le nombre de programme au sein d’un ministère doit être limité à quatre.

Les programmes sont en principe identifiés dans le document de stratégie du ministère.1 C’est ce qui ressort des alinéas 3 et 4 de l’article 12 de la directive n°6-2009 de l’Uemoa qui disposent que « le programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions représentatif d’une politique publique clairement définie dans une perspective de moyen terme. » L’article poursuit en indiquant « qu’à ces programmes sont associés des objectifs précis, arrêtés en fonction de finalités d’intérêt général et des résultats attendus. » Ces objectifs sont ainsi assortis d’indicateurs qui mesurent leurs degrés d’atteintes.

Le programme constitue ainsi désormais l’unité de spécialisation des crédits budgétaires, à en croire l’alinéa 1 de l’article 12 de la directive n°6-2009 de L’UEMOA qui fait savoir qu’à l’intérieur des ministères, ces crédits sont décomposés en programmes. Cependant, les crédits budgétaires non répartis en programmes sont répartis en dotations. Chaque dotation regroupe un ensemble de crédits globalisés destinés à couvrir des dépenses spécifiques auxquelles ne peuvent être directement associés des objectifs de politiques publiques ou des critères de performance.2 Dans cet ensemble de crédits budgétaires qui font l’objet de dotations, on retrouve d’abord les crédits destinés aux pouvoirs publics pour chacune des institutions constitutionnelles ; ces crédits couvrent les dépenses de personnel, de biens et services, de transfert et d’investissement directement nécessaires à l’exercice de ses fonctions constitutionnelles. On y trouve aussi les crédits globaux pour des dépenses accidentelles et imprévisibles.

Il y a en outre les crédits destinés à couvrir les défauts de remboursement ou appels en garantie intervenus sur les comptes d’avances, de prêts, d’avals et de garanties. Enfin, il y a les charges financières de la dette de l’Etat.3 Pour faciliter la préparation du Budget programme au sein d’un ministère, le processus d’élaboration est décliné en étape et chaque étape débouche sur un produit. Au terme de ce processus, un rapport est produit constituant un Projet de performance et déposé pour les arbitrages budgétaires et la consolidation des données du projet de Loi de finances.4

C’est à la réception des enveloppes triennales et de la lettre circulaire budgétaire du Ministre des finances et du budget au début du mois de juillet5 que les services des ministères et institutions constitutionnelles élaborent les programmes budgétaires composant leurs projets de budgets sectoriels et reflétant les objectifs de politiques publiques que leurs départements ministériels et institutions constitutionnelles entendent mettre en œuvre. Chaque programme comporte un objectif à moyen terme, des indicateurs de résultats, un ensemble d’actions cohérentes et une stratégie de mise en œuvre.6 Il est placé sous la responsabilité d’une seule structure en charge de sa coordination et sa mise en œuvre intégrale doit aboutir à des produits finis ayant un impact décisif sur l’atteinte des objectifs de la stratégie du Ministère ou de l’Institution. En termes de catégorie, il y a les programmes opérationnels qui visent la production de biens ou services et les programmes supports qui assurent le pilotage et l’administration du ministère ou de l’institution.

La formulation des programmes commence par une fixation préliminaire des objectifs stratégiques du Ministère en se basant sur la stratégie ministérielle qui doit être en cohérence avec le document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). En cas de non-disponibilité de la stratégie ministérielle, le département fixe ses objectifs sur la base du DSCE. Les objectifs ministériels doivent être peu nombreux, mesurables et assortis d’indicateur de performance.7

Ensuite, on passe en revue les programmes, actions et activités en cours pour collecter des informations exhaustives sur le bilan de leur exécution physique et financières, en vue de l’analyse de l’atteinte des objectifs fixés. Cet exercice permet de faire le point sur l’exécution des programmes et des actions des années précédentes et de l’année en cours et aide à préparer le rapport annuel de performance de l’année précédente puis, à élaborer le budget de l’année suivante. Il est à la suite conçu une fiche préliminaire des programmes et actions retenues.

Après cette conception, ces programmes composent le document de programmation pluriannuelle de dépenses du ministère sectoriel concerné. Aux termes de l’article 52 de la LOLF : « Les programmes s’inscrivent dans les documents de programmation pluriannuelle des dépenses par ministères, budgets annexes et comptes spéciaux cohérents avec le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle. Les documents de programmation pluriannuelle des dépenses prévoient, pour une période minimale de trois ans, à titre indicatif, l’évolution des crédits et des résultats attendus sur chaque programme en fonction des objectifs poursuivis ».

Les DPPD présentent l’évolution budgétaire des programmes. D’ailleurs, dans le guide didactique de la LOLF, il est précisé que tous les ministères, budgets annexes et comptes spéciaux présentent chacun un DPPD qui regroupe les programmes qui leurs sont associés. Les DPPD sont les bases de présentation des crédits des programmes pour chaque secteur concerné.

Le DPPD est ainsi le vecteur principal de la performance : à travers les programmes qui le composent, il précise les objectifs et les indicateurs retenus pour chacune des politiques publiques. Ces objectifs8 et indicateurs9 s’inscrivent dans le moyen terme.

Ainsi, sur la base de la présentation retenue pour les DPPD, sont élaborés les rapports annuels de performance. Chaque programme est ainsi accompagné d’un projet annuel de performances, comportant notamment la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d’indicateurs précis.

Doit également y être justifiée l’évolution des crédits par rapport aux dépenses effectives de l’année antérieure et aux crédits de l’année en cours. Chaque programme au sein du DPPD décline sur trois années au minimum l’évolution des crédits et les perspectives de résultats. Dans cette périodicité du programme, il y’a obligation de respecter la cohérence entre le DPPD et le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle.

Dans cette recherche d’intelligibilité, les crédits de chaque programme sont décomposés selon leur nature en crédits de personnel, de biens et services, d’investissement et de transferts. Cette simplicité dans la présentation permet de faciliter la compréhension des choix budgétaires par les parlementaires. Frank Mordacq retient à ce propos que les « fusions et regroupements ont permis de simplifier l’autorisation budgétaire ».10

La programmation pluriannuelle est faite dans le cadre de l’élaboration des budgets ministériels car comme rappelé, le programme est ministériel. Cela contribue à l’amélioration des programmes élaborés selon des priorités stratégiques définies en parfaite harmonie avec une bonne utilisation des ressources mobilisées. Cette nouvelle méthode de budgétisation créée donc une limpidité aussi bien dans sa présentation que dans son autorisation périodique et elle permet donc une réelle virtuosité dans l’utilisation des crédits.11 A la suite de cette formulation, au début du mois d’Août, les projets de budgets sectoriels, accompagnés des DPPD et des PAP, sont transmises au MFB en vue des conférences budgétaires. Ces conférences se déroulent au mois d’aout (début Aout)12 entre le ministère des finances et du budget et les ministères sectoriels et instituions constitutionnelles. Elles réunissent en prélude la Direction générale du budget et les services des ministres sectoriels et des institutions pour traiter d’abord des questions fiscales visant, notamment, à examiner des réductions de dépenses fiscales. Après ses réunions entre les services des ministères et la Direction du budget, le ministre des Finances et du Budget organise avec les ministres des conférences budgétaires qui ont pour objet de finaliser la liste des objectifs et indicateurs du projet de loi de finances et de fixer les cibles de résultats à atteindre.13

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1 Manuel de préparation du budget programme, Décembre 2010, P.22

2 Article 14, Directive n°6-2009/CM/UEMOA, Portant loi de finances au sein de l’UEMOA

3 Article 14 de la LOLF 2020 et 14 de la Directive Communautaire n°6-2009/CM de l’UEMOA

4 Manuel de préparation du budget programme, Décembre 2010, P.34

5 Décret du 16 janvier 2019 portant préparation de la loi de finances : Calendrier annuel de préparation du budget

6 Manuel de préparation du budget programme, Décembre 2010, P.22

7 Manuel de préparation du budget programme, Décembre 2010, P. 35

8 Un objectif exprime l’intention, l’engagement, ce qu’on veut réaliser et produire, bref le but poursuivi par les services et les programmes offerts. Habituellement, l’objectif vise un effet, un bénéfice pour la clientèle ou contribue à la concrétisation d’un tel bénéfice.

9 Un indicateur est une variable ayant pour objet de mesurer, de décrire ou d’apprécier totalement ou partiellement un état, une situation et/ou l’évolution d’une activité ou d’un programme. Il permet de déterminer le chemin parcouru par rapport à l’objectif à atteindre, de déterminer si le programme est sur la bonne voie et constitue autant un signal pour décider ou non de réorienter l’action.

10 Frank MORDACQ, Les Finances Publiques, Que sais-je, 5ème édition, 2018.

11 Mamadou CISS, Doctorant en Droit Public, « Le Programme dans le Nouveau Droit Budgétaire Sénégalais »

12 Décret du 16 janvier 2019 portant préparation de la loi de finances : Calendrier annuel de préparation du budget

13 Manuel de préparation du budget programme, Décembre 2010, P.34

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