Quelles implications politiques pour l’insertion des talibés au Burkina Faso?

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🏫 Université Aube Nouvelle
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence professionnelle - Mai 2021
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Les implications politiques pour les talibés sont souvent sous-estimées, malgré un nombre croissant de jeunes en situation de vulnérabilité au Burkina Faso. Cette recherche révèle comment le Groupe de travail sur l’éducation non formelle s’efforce de transformer leur réalité socioéconomique à travers des programmes d’alphabétisation innovants.


Proposition de stratégie d’insertion exemple du Réseau Zankey Faba du GTENF

La problématique de la vulnérabilité au niveau des jeunes africains

La situation des jeunes est complexe, sérieuse et d’actualité. Elle résulte de la combinaison de plusieurs facteurs parmi lesquels trois sont particulièrement lourds de conséquences s’ils ne sont pas immédiatement pris en considération.

Le premier de ces facteurs concerne le nombre significatif des cas concernés. En effet, selon les statistiques de l’UNESCO, plus de 43% de la population mondiale actuelle est composée de jeunes âgés de moins de 25 ans. Les 15-24 ans se dénombrent, eux seuls, à plus de 1,2 milliard d’individus et, parmi eux, 87 % vivent dans les pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne. Selon, en effet, le rapport EPT 2012, les Africains âgés de moins de 25 ans représentent les deux tiers de la population du continent.

La deuxième caractéristique de cette frange de la population est sa situation de vulnérabilité. Un faisceau de facteurs s’imbrique, se conjugue et se sustente les uns les autres pour créer et entretenir une telle vulnérabilité. Au compte de ceux-ci il y a les préjugés liés au genre ainsi qu’aux appartenances ethniques et raciales ; il y a aussi les difficiles conditions socioéconomiques dans lesquelles les jeunes évoluent au sein de leurs familles et de leurs communautés, les difficultés associées à leurs lieux de résidence (quartiers

périurbains insalubres, zones rurales isolées, etc.), la nature précaire des activités économiques exercées (groupes nomades, petits métiers, etc.), l’instabilité dans laquelle ils évoluent notamment dans les zones de conflits et/ou de tensions politiques majeures, etc.) ; à ceci s’ajoutent, dans certains cas, des calamités naturelles qui affectent particulièrement les couches de population pauvres, particulièrement les jeunes.

D’autres fois, la vulnérabilité est simplement liée aux conditions spécifiques des individus (handicaps physiques et mentaux, réclusions, populations carcérales, etc.).

Ces deux caractéristiques sont exacerbées par une troisième, liées au niveau d’éducation et de formation. En effet, la plupart des jeunes en question sont déscolarisés et non scolarisés. Le cas est particulièrement notoire en Afrique subsaharienne. Par exemple, les non scolarisés de 15 à 24 ans représenteraient entre 60 et 69% dans la sous-région. Selon les données de l’USAID, les non scolarisés de 15 à 24 ans représentent 74,6% au Mali et 74,3% au Sénégal, avec des niveaux très limités en lecture, calcul et écriture. S’y ajoutent, dans la plupart des cas, de sérieuses limitations

en compétences de vie et en habiletés techniques spécifiques pour accéder à une formation technique sérieuse, un emploi correct ou à une activité décente.

Il y a clairement ici un domaine qui mérite que les décideurs conjuguent leurs efforts, identifient des solutions qui marchent et les mettent en œuvre. Malheureusement il n’y a pas actuellement de mécanismes régionaux qui permettraient de renforcer les capacités politiques, d’assurer le suivi des mises en œuvre, de disséminer les bonnes pratiques, et de partager les connaissances en programmation pour ces jeunes vulnérables déscolarisés ou non scolarisés. C’est pourquoi le forum de Bamako a recommandé de créer et d’entretenir un réseau africain en matière de politiques et pratiques destinées à promouvoir le développement des compétences des jeunes vulnérables.

Signification du terme zankey faba

À l’issue de la concertation pour la validation du nom officiel du réseau africain des jeunes vulnérables, le Groupe de travail de l’éducation non formelle a retenu « Zankey Faba ». En langue Sonrhaï « Zankey » veut dire « jeune » et « faba » se traduit par « aide, secours ou assistance », d’où « zankeyfaba » : Appui au jeune. Le choix porté sur « zankeyfaba » répond au double souci de garder un nom dans une des langues africaines et d’éviter la mauvaise connotation que revêt l’appellation de « jeune vulnérable ».

Par ailleurs, la langue Sonrhaï est parlée dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, Niger, Bénin, Burkina Faso, Ghana et Nigeria. En outre, il existe de fortes similarités entre « Zankey » ou « faba » et des notions que nous retrouvons dans plusieurs langues et dialectes africains. Par exemple « Zanké » en Jula veut dire « famille » et « faba » existe en peulh, mooré ou gourmantchema, etc., et veut dire « aide, secours, assistance ».

Présentation du réseau

Le Réseau virtuel africain pour les jeunes vulnérables « ZANKEY FABA » est un outil d’information et de communication visant à partager les meilleures pratiques en matière de développement des compétences de base nécessaires à une meilleure intégration sociale et professionnelle des jeunes africains déscolarisés et non scolarisés qui se sont retrouvés en situation de vulnérabilité. Dans plusieurs langues parlées de l’Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, au Niger, au Bénin, au Burkina Faso, au Ghana et au Nigeria, l’expression Zankey Faba se rapporte à l’attention particulière à porter aux jeunes. Son choix répond au double souci de marquer l’africanité de la démarche et de se focaliser sur le grand défi que pose la jeunesse du continent.

Le Réseau s’adresse aux décideurs politiques, aux opérateurs et aux associations de jeunes.

Il vise à leur faciliter les prises de décisions informées en faveur de la frange d’adolescents/tes de 10-14 ans et des jeunes de 15-24 ans qui n’ont pas toutes les compétences nécessaires pour être fonctionnels au niveau des communautés de base et du monde du travail il porte une attention particulière aux politiques et pratiques concernant l’alphabétisation, les compétences de la vie courante et les habiletés techniques spécifiques. C’est un portail développé sur le site web du Groupe de travail sur l’éducation non formelle (GTENF) de l’ADEA. D’autres canaux comme les bulletins d’information et les courriels seront cependant utilisés dans la mesure des disponibilités et des moyens.

Objectifs

Le réseau Zankey Faba vise plusieurs objectifs.

Les objectifs globaux

Les objectifs globaux sont :

  • Renforcer les capacités des gouvernements africains, de la société civile et des organisations des jeunes à faciliter l’autonomisation des adolescents/tes et des jeunes vulnérables ainsi que leur intégration sociale et économique ;
  • Animer un réseau d’échanges entre pays africains et entre ces pays et leurs partenaires en vue de renforcer les politiques et les pratiques qui ciblent ces jeunes vulnérables.

Les Objectifs spécifiques

Les objectifs spécifiques sont :

 partager les meilleures pratiques sur des expériences en matière de formation, d’alphabétisation des jeunes vulnérables en Afrique ;

 accompagner les porteurs de projets novateurs en matière de jeunes vulnérables afin que ces derniers trouvent du financement ;

 expérimenter les nouvelles méthodes de financement participatif pour soutenir les initiatives de jeunes vulnérables ;

 servir d’espace pour la dissémination des travaux de recherche en matière de jeunes vulnérables ;

 Être le porte-voix numérique des associations de jeunes vulnérables sur la toile (surtout pour celles ne possédant pas de sites web).

Fonctionnement

Le réseau Zankey Faba est une initiative du Groupe National de Travail sur l’Éducation Non Formelle (GNTENF) de l’ADEA.

Au sein du GNTENF, un coordonnateur assure la gestion quotidienne du réseau. Il est accompagné par un responsable chargé de contenus et une autre personne pour les traductions. Dans chaque pays, un point focal assure la coordination du réseau. Les pays impliqués pour le moment sont : le Burkina Faso, le Ghana, le Kenya, le Mali, le Nigeria, le Niger et le Sénégal. Cependant, des démarches sont entreprises pour élargir le réseau aux autres pays africains.

Effets escomptes du réseau

Il s’agit, à terme, de contribuer à une meilleure insertion des jeunes africains vulnérables dans leurs tissus économiques et leurs environnements sociaux respectifs.

Pour ce faire, les politiques et les pratiques qui s’intéressent aux jeunes vulnérables seront mutualisées à travers un réseau fonctionnel et dynamique.

Il est espéré à terme que ceci conduise à une meilleure prise en compte de cette frange importante de la population dans les politiques éducatives et de formation tant des gouvernements africains que des opérateurs privés et des structures de la société civile qui s’intéressent à ces jeunes. Ceci permettrait également de mettre en place des programmes qui répondent mieux aux besoins de cette frange de la population.

Activités

 L’animation de la plateforme virtuelle d’échanges entre décideurs, opérateurs et organisations de jeunes.

 Développement de notes thématiques sur les politiques et les bonnes pratiques ;

 Discussions en ligne sur la thématique des jeunes vulnérables

 Documentation et partage des bonnes pratiques en vue de leur réinvestissement dans les politiques et les réseaux ;

 Suivi et documentation de plans d’action nationaux dans les pays ;

 Mobilisation de partenaires financiers et les pays autour de l’initiative.

Validation des hypothèses

Hypothèse principale : la situation des jeunes talibés du GTENF est difficile.

La vérification de cette hypothèse passe par celle des hypothèses secondaires suivantes : Hypothèse 1 : la fréquentation des écoles coraniques est peut-être une alternative pour leur insertion socioéconomique ; le graphique 5 et le graphique 8 permettent de valider l’hypothèse.

Hypothèse 2 : La réorientation de l’action du GTENF par la création d’un centre spécifique qui prend en compte les besoins socioaffectifs et qui explore le parrainage familial pourrait parvenir à des résultats plus probants. : les suggestions et propositions faites au point I.11, nous permettent de valider l’hypothèse.

L’hypothèse 1 et 2 étant validée, alors l’hypothèse principale est validée

Suggestions

Le dispositif à mettre à en place pour améliorer la situation des talibés et les insérer professionnellement sont entre autres et à plusieurs niveaux décisionnels :

À l’endroit du GTENF :

 former en franco-arabe (jouissant d’une équivalence du système éducatif burkinabè) qui leur permettrait l’accès à la fonction publique ;

 mettre en place un cadre d’échange entre les écoles coraniques, les associations et l’État ;

 mettre à la disposition des écoles coraniques des ressources humaines compétentes dans la formation aux métiers.

À l’endroit de l’État :

 sensibiliser la communauté sur le fait que la mendicité et le fait de donner au mendiant sont une forme de dévalorisation de la dignité humaine ;

 promouvoir la formation technique et professionnelle aux métiers dans ces écoles coraniques ;

 interdire cette pratique qui est du reste une traite des enfants et instituer des écoles semi-privées d’éducation islamique et interdire la mendicité dans son ensemble.

À l’endroit de foyers coraniques :

 mettre en place un dispositif de formation professionnelle dans le daara afin de faire de chaque talibé un artisan, capable de se prendre en charge à la fin de son apprentissage.

À l’endroit des talibés :

Le troisième chapitre de la deuxième partie de notre rapport nous a permis de présenter le cadre analytique de notre étude. Il s’agissait de faire la présentation et l’analyse des résultats, de vérifier les hypothèses et de proposer des suggestions pour atteindre une insertion socioprofessionnelle des talibés au Burkina Faso.

CONCLUSION

Le phénomène des talibés dans les pays subsahariens est le résultat à la fois d’une tradition (le fait de confier ses enfants garçons à un marabout) et des crises économiques des années 1980 et 1990 qui ont progressivement perverti cette tradition en provoquant la création de nombreux daara dans des villes, par de faux marabouts plus motivés par l’enrichissement personnel que par l’éducation des jeunes.

La mendicité prend de nos jours une proportion inquiétante. Que soit à Ouagadougou, Bobo- Dioulasso ou dans les pays comme le Niger et le Mali pour ne citer que ceux-ci, la mendicité est une pratique qui s’observe quotidiennement.

Le talibé est généralement un garçon âgé de 5 à 15 ans, issu d’une famille pauvre, confié par ses parents à un maître coranique (ou marabout) afin que celui-ci se charge de son éducation religieuse. Cette éducation a lieu dans un daara, une école coranique. En contrepartie, le talibé doit s’acquitter des travaux domestiques, et est généralement contraint à mendier dans les rues afin de subvenir à ses besoins et aux besoins de son maître et de sa famille.

La majorité des talibés vivent dans des conditions très précaires. Ils sont logés en surnombre dans des maisons délabrées où l’accès à l’eau, l’électricité, la santé et la nourriture est souvent difficile. Les sévices corporels sont courants.

Force est de reconnaitre que la majorité des mendiants sont des enfants, cela s’explique par le nombre élevé d’enfants vivant dans la rue et bien d’autres facteurs sociaux, économiques ou culturels.

Selon les données fournies par la Direction de la protection de l’enfance du Ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, environ 2150 enfants sont dans la rue à l’étape actuelle de l’évolution de notre société. 33

L’enfant talibé devra donc être protégé et intégré, à l’instar de tous les autres enfants, des facteurs susceptibles d’affecter sa santé sociale, économique, physique ou même morale. Alors cette insertion s’impose comme une condition pour réussir tous les aspects de la vie.

33 https://lefaso.net/spip.php?article6098#

L’école coranique représente un genre exemplaire d’éducation authentique. On peut dire que les méthodes d’apprentissage dans l’école coranique doivent être modernisées conformément à la pédagogie.

Au regard donc de son ampleur, il est temps que les autorités et les structures œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfance accentuent leurs efforts afin de donner de l’espoir à ces enfants.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les conditions de vie des talibés au Burkina Faso?

Les talibés au Burkina Faso vivent souvent dans des conditions précaires et sont souvent contraints à mendier pour survivre.

Quel est le rôle du Groupe de Travail sur l’Éducation Non Formelle (GTENF) pour les talibés?

Le GTENF facilite l’insertion socioéconomique des talibés à travers des programmes d’alphabétisation.

Que signifie le terme ‘Zankey Faba’ dans le contexte des jeunes vulnérables?

En langue Sonrhaï, ‘Zankey’ signifie ‘jeune’ et ‘faba’ se traduit par ‘aide, secours ou assistance’, d’où ‘zankeyfaba’ signifie ‘Appui au jeune’.

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