L’impact des IDE sur la croissance en Algérie est limité par un climat des affaires défavorable et un cadre institutionnel inadapté. Cet article propose des recommandations pour renforcer l’attractivité du pays, en s’inspirant de modèles internationaux, notamment asiatiques.
Méthodologie, conception de modèle et analyse
Après avoir dans un premier temps analysé, même si de façon non exhaustive, les effets potentiels des flux des IDE sur les différents paramètres socio-économiques algériens, nous nous livrons à estimer, dans un deuxième temps, l’impact de LT des IDE sur la croissance économique et partant sur l’économie globale et cela tout en intégrant l’effet (de synergies, voire sur) d’autres variables économiques à savoir: le capital humain et l’investissement national, des variables qui se rapportent aux conditions initiales de pays et qui sont incluses dans
le modèle de Solow augmenté. Il y a ensuite celles qui sont plus spécifiques aux modèles de croissance endogène, comme l’ouverture commerciale, les dépenses publiques, dans la mesure où le taux d’inscription au niveau secondaire mesure le facteur capital humain, les dépenses publiques représentent l’intervention de l’Etat mesurant l’état d’infrastructure et les dépenses en R&D, et le taux d’ouverture est dans la mesure où l’Algérie est un pays ouvert.
La période de l’étude s’étalera de 1995 à 2012.
Pour ce faire, nous avons construit notre modèle structurel en s’inspirant des modèles de Bende Nabende et autres(2000), et Durlauf, Johnson et Temple(2004) repris par Nicet, Rougier.E et Marouane.A(2008). Notre modèle suppose la forme linéaire suivante1:
Yt = a0 + a1.IDEt + a2.KHt + a3.IDt + a4.TTt + a5.EXPORTt + Ut
Avec: Yt: la croissance économique mesurée par le PIB, comme variable dépendante ;
µt: l’erreur de la spécification.
1 Pour plus d’amples informations sur les variables endogènes et exogènes ainsi que les sources des statistiques utilisées, voir annexe-C et annexe-D.
Notons que compte tenu de la nature des équations de notre modèle (globalement identifiables), il nous semble judicieux d’y appliquer la méthode des doubles moindres carrés. Pratiquement, la plus usitée, nonobstant la nature de modèle à employer.
Analyse de résultats de la régression et commentaires
L’étude statistique des effets et interactions des IDE reçus en Algérie, entre 1995-2012, sur les différentes variables économique choisies est comme suit :
IDE et croissance de PIB
Paramètres du modèle | |||||||
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Source | Valeur | Ecart-type | t-Student | Pr > |t| | Borne inférieure (95%) | Borne supérieure (95%) | |
Constante | 4,586 | 1,453 | 3,156 | 0,006 | 1,505 | 7,666 | |
Export | 0,149 | 0,180 | -0,829 | 0,049* | -0,531 | 0,233 | |
CapHum | 0,000 ** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
IDE | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
InvtNat | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | 0,000 | |
Dep Pub | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
R² | 0,041 | ||||||
R² ajusté | -0,019 | ||||||
DW | 1,566 |
Nombre d’observations : 17, La variable dépendante : taux de croissance de PIB, (*) indique la signification statistique de la probabilité au seuil de 5%.(**) significativité nulle. (Pr) c’est la probabilité.
Partant des résultats obtenus, nous constatons que l’IDE est un facteur insignifiant et ne contribue pas à l’augmentation de la croissance économique nationale et son effet demeure relativement peu perceptible et impalpable (l’IDE a un signe nul), encore plus à LT2. Et de même pour les autres variables, le capital humain, l’investissement national et les dépenses publiques.
Hormis, la variable exportation a un signe positif. Y contribuant, la part croissante des hydrocarbures qui est le facteur unique de l’analyse de l’économie nationale (98% des exportations). De plus, ce dernier il est le secteur de prédilection le plus souvent des entreprises étrangères. Quand aux dépenses publiques, elles n’ont pas de relation significative, voire nulle avec la croissance de PIB national.
Ceci montre ainsi la mauvaise qualité des infrastructures et l’impact non positif de l’investissement national sur l’économie. Il en est de même de la faiblesse des réformes entreprises par les pouvoirs publiques, le cas échéant, dans le cadre des plans de relance économique (2001-2014) et le processus de privatisation.
IDE et commerce extérieur
Paramètres du modèle | |||||||
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Source | Valeur | Ecart-type | t-Student | Pr > |t| | Borne inférieure (95%) | Borne supérieure (95%) | |
Constante | 10,069 | 13,335 | 0,755 | 0,461 | -18,200 | 38,339 | |
IDE | 0,000** | 0,000 | 0,0000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
TxCHg | 0,381 | 0,191 | 1,998* 0 | ,063** – | 0,023* 0, | 785* | |
R² | 0,200 | ||||||
R² ajusté | 0,150 | ||||||
DW | 0,906 |
Nombre d’observations : 17, Variable dépendante : commerce extérieur, (**) significativité nulle. (*) indique la signification statistique de la probabilité au seuil de 5%.
Comme le fait transparaitre les résultats de la régression, l’effet d’IDE sur le commerce extérieur (hors hydrocarbures notamment), est impalpable et nul. Ceci, il pourrait être expliqué par la faible propension(ou l’inaptitude) à exporter des entreprises nationales (publique ou privés), excepté la SONTRACH déjà internationalisé (étant tous les services énergétiques et dérivés des hydrocarbures et d’une manière générale tout l’aval étant soumis aux règles de l’OMC). Les entreprises algériennes ne bénéficient que faiblement des apports d’entreprises étrangères implantées. Se traduisant aussi par le non accompagnement des pouvoirs publics des entreprises nationales à l’international, et du non préparation d’un climat favorable à la réalisation de partenariats (notamment privés-privés) avec les FMN. Ce qui ne se produisait pas, pourtant, ici proche, au Maroc et la Tunisie, où la majorité des exportations sont réalisés par des entreprises ayant le plus souvent de partenaires extérieurs.
IDE et investissement national
Paramètres du modèle | |||||||
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source | Valeur | Ecart-type | t | Pr > |t| | Borne inférieure (95%) | Borne supérieure (95%) | |
constante | -2,961 | 10,774 | -0,275 | 0,787 | -25,926 | 20,004 | |
IDE | -5.336 | 1,410 | 3,785 | 0,07* | 2,331 | 8,340 | |
Crédit | 0,886 | 0,406 | 2,185 | 0,065 | * 0,022 | 1,751 | |
Tx Interet | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
Infl | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
R² | 0,570 | ||||||
R² ajusté | 0,513 | ||||||
DW | 1,622 |
Nombre d’observations : 17, Variable dépendante : investissement national (privé et public), (**) significativité nulle. (*) indique la signification statistique(ou non) de la probabilité au seuil de 5%.
A partir des résultats de la régression, nous pouvons avancer que le marché financier mesuré par les variables, crédits (la seule ayant un signe positif), taux d’intérêt (coût de capital) et inflation, n’influent pas positivement sur l’investissement national (privé et/ou public) et les décisions des investisseurs. Et ce, compte tenu notamment, de la nature fortement petite des entreprises algériennes (PME/PMI), généralement à management archaïque et à accès souvent restrictif aux crédits, entre autres la hausse des taux d’intérêt et d’inflation.
Quand à l’effet d’IDE, quoiqu’il n’ait pas un signe négatif, il ne demeure pas moins que cela reste faible et peu significatif. L’IDE n’aurait pu être en complémentarité avec l’investissement national, ni encore plus un facteur d’accumulation de capital, de financement et de transfert de compétences3. Ceci pourrait être expliqué, par l’existence d’une mauvaise habitude chez de nombreuses entreprises algériennes, imprégnés le plus souvent de la culture de l’individualisme et d’enfermement familial, caractérisées par un secret gardé sur la fortune et le rejet de la transparence, et refusaient toute forme d’association ou de partenariat avec d’autres entreprises en dehors de cercle familial, que soit national ou étranger. Ce qui ne leur permet pas ainsi d’améliorer leur production et d’assimiler des technologies plus avancées.
IDE et capital humain
Paramètres du modèle | |||||||
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Source | Valeur | Ecart-type | t | Pr > |t| | Borne inférieure (95%) | Borne supérieure (95%) | |
Constante | 54,986 | 5,274 | 10,427 | < 0,0001 | 43,807 | 66,165 | |
IDE | -15,218 | 3,856 | 3,946 | 0,061* | 7,043 | 23,393 | |
Dpéduc | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
R² | 0,493 | ||||||
R² ajusté | 0,462 | ||||||
DW | 1,083 |
Nombre d’observations : 17, Variable dépendante : capital humain, (**) significativité nulle. (*) indique la signification statistique(ou non) de la probabilité au seuil de 5%.
Des résultats obtenues, nous pouvons avancer que l’IDE ne contribue pas à l’amélioration et la formation de capital humain national. Ce qui constitue, à vrai dire, un paradoxe vis-à-vis des résultats de plusieurs travaux empiriques, qui considérant le facteur humain comme un des principaux facteur-condition d’impact positif des IDE sur l’économie des PA, en particulier à long terme(LT). Il en est de même pour les dépenses d’éducation (significativité nulle), qui représente une sorte de déception aux efforts des pouvoirs publics dans l’amélioration de formation et de niveau d’éducation nationale, engagé depuis longtemps. D’où l’importance d’admettre que l’IDE ne pourrait être un facteur de développement national avec ces dépenses, dit-on, effrénées et non rationnelles.
IDE, transfert de technologies et de savoir faire
Paramètres du modèle | |||||||
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Source | Valeur | Ecart-type | t | Pr > |t| | Borne inférieure (95%) | Borne supérieure (95%) | |
Constante | 13,869 | 8,900 | 1,558 | 0,139 | -4,998 | 32,736 | |
DepPub | -1,807 | 0,265 | 6,815 | 0,07* | 1,245 | 2,369 | |
IDE | 0,000 ** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
CapHum | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
OUV | 0,000** | 0,000 | 0,000 | 0,000** | 0,000 | 0,000 | |
R² | 0,744 | ||||||
R² ajusté | 0,728 | ||||||
DW | 1,409 |
Nombre d’observations : 17, Variable dépendante : transfert technologique(TT), (**) Significativité nulle. (*) indique la signification statistique(ou non) de la probabilité au seuil de 5%.
De façon globale, à défaut de statistiques qui, restant perfectibles, l’analyse de la contribution des IDE en termes de transfert technologique serait difficile à mesurer et les résultats en sont le plus souvent ambigus. Rappelons que la technologie est la façon dont la firme gère la connaissance en relation avec l’art industriel4, en nouant des relations de partenariats avec les entreprises locales des PA.
Ainsi, le transfert de savoir-faire peut être associé à l’investissement lui-même ou à travers la nature et les technologies introduites dans les produits importés (qui est la caractéristique de l’Algérie). Ces derniers consistent le plus souvent en Algérie en biens d’équipements et intermédiaires. Néanmoins, à travers les résultats de la régression, nous constatons que l’IDE, l’ouverture et le capital humain mesuré par les capacités d’absorption nationales, et dans une moindre mesure les dépenses publiques(R&D et éducation), ne contribuent pas, encore moins de déterminants, au transfert technologique et de savoir faire en Algérie (leur significativité est nulle). Cette non significativité des IDE en termes de transfert de technologiques et d’amélioration de la productivité des entreprises locales tient, selon tant d’observateurs, à la concentration des entreprises étrangères dans les hydrocarbures écartant toute probabilité de participation des nationaux, et donc absence de contagion5 et d’effets spillovers.
En sus de la faible intensité capitalistique et technologique des entreprises nationales, et les faibles efforts des pouvoirs publics consacrés à R&D. Le classement au bas de tableau des universités algériennes, tant au niveau mondial que régional, est un exemple plus édifiant.
En guise de conclusion à cette section, il convient d’avancer que, aussi bien dans l’étude analytique qu’empirique, les résultats en termes d’impact des IDE sur l’économie nationale, ont été quasi-identiques(et ce, tout compte fait, notamment, d’incomplétude et imperfectibilité des statistiques disponibles): les flux d’IDE entrants en Algérie n’ont pas d’effets positifs globaux sur l’économie nationale, ni sur la productivité des facteurs et l’investissement national en matière notamment de transfert de technologies et de savoir faire, ni sur l’augmentation des exportations, en particulier, en dehors l’énergie et mines, et de ce fait sur l’intégration dans l’économie mondiale. Ainsi, l’impact des IDE reçus en Algérie est faible, non signifiant et peu perceptible à long terme(LT), encore moins à court terme(CT), sur l’économie.
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1 Pour plus d’amples informations sur les variables endogènes et exogènes ainsi que les sources des statistiques utilisées, voir annexe-C et annexe-D. ↑
2 En Algérie, la croissance est extensive, créée par la seule injection des ressources par l’Etat qui compte essentiellement sur la rente pétrolière. ↑
3 Pour en savoir plus, voir le chapitre II de partie II, par une analyse chiffrée, qualitative et comparative. ↑
4 OUICIF.A, ibidem. ↑
5 Ce point est développé en détail ultérieurement. ↑