La femme algérienne et l’indépendance sont au cœur de l’analyse des œuvres de Mohammed Dib, où son image évolue de l’objet à celle d’un sujet engagé. Cette étude met en lumière son rôle dans la reconstruction nationale et les avancées sociales depuis l’indépendance.
Le statut de la femme algérienne de l’indépendance à nos jours :
À l’indépendance la femme algérienne naît au monde, elle n’est plus un objet, elle devient un sujet sortant de l’ombre et s’affirmant en personne. Elle s’est engagée aux cotés de l’homme pour entreprendre un autre combat celui de la reconstruction nationale. Des formidables avancées ont été réalisées par les femmes en termes de scolarisation, de santé publique et d’accès au travail.
Ce dernier qui représente pour elles le garant de leur liberté totale tant psychologique, sociale qu’économique, et une affirmation de soi dans la famille et dans la société ; ainsi la Charte Nationale de 1976 décrit l’exigence du travail féminin comme un impératif économique majeur. Évidemment, les femmes ont réussi à briser toutes les entraves, et à surmonter toutes les craintes en participant au développement du pays.
Toutefois et malgré les avantages qu’elles ont eus et les succès qu’elles ont réalisés tout au long des années qui suivent l’indépendance, les femmes se sentaient marginalisées du fait d’être exclues de toutes les responsabilités politiques. Selon Djamila AMRANE « Sur 194 membres, la première Assemblée constituante compte 10 femmes, toutes anciennes militantes, elles ne sont que 02 sur les 138 membres de la deuxième assemblée. Au parti, aux syndicats, aucune n’a un poste de responsabilité »1.
Ce sentiment de marginalisation va s’enflammer en adoptant en 1984 un code de la famille qui représente aux yeux de ces femmes l’attestation de leur infériorité et la pierre qui entrave leur marche vers l’égalité et vers la modernité. Les féministes algériennes ont immédiatement réagi, des manifestations contre ce code se sont succédées pendant plus de deux décennies contre la ratification de ce code.
Ainsi, avec l’immersion de l’Algérie dans la période de la décennie noire, cette période de barbarie terroriste aux pratiques inhumaines contre toutes les catégories du peuple, la violence contre les femmes a atteint son apogée, du fait que les femmes constituaient l’une des cibles privilégiées des groupes terroristes. Des statistiques ont révélé « que la décennie noire en Algérie a enregistré près de 40 mille enfants orphelins et près de 3000 femmes violées. »2. Malgré ces circonstances difficiles, les femmes n’ont pas cessé de se battre pour revendiquer leur liberté et rétablir leur égale citoyenneté.
Et grâce à son courage, son bravoure et son engagement à coté de l’homme, la femme algérienne a affronté la terreur au cours de cette décennie, permettant ainsi à l’Algérie de persister debout, tout en illustrant l’image de la femme protectrice qui :
À travers l’histoire elle a prouvé sa prise de conscience et son dévouement pour la défense de la patrie ; la militante d’aujourd’hui n’est que le prolongement naturel de la combattante d’hier.3
La femme a pris au fil de ces années le rôle de porte-parole traduisant ses malheurs et ses douleurs causés par son humiliation, elle a continué sa lutte pour s’émanciper de ces entraves, pour aller résolument vers un horizon de modernité et de progrès plus vaste, où elle cherche à réaliser ses rêves féministes, notamment ceux d’une revendication de la liberté et l’égalité entre les sexes.
La Question du code de la famille :
Il s’avère que la question du code de la famille algérienne reste l’un des problèmes et des malaises qui tourmentent les féministes à cause de ses dispositions injustes aux leurs yeux.
Néanmoins, s’il est vrai que la constitution algérienne affirme dans son article 29 l’égalité entre les hommes et les femmes :
« Les citoyens sont égaux devant la loi sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de tout autre condition ou circonstance personnelle ou sociale »4.
De même en ce qui concerne leurs droits politiques, socio-économiques et culturels ou l’article 31 défend :
« La finalité d’assurer l’égalité en droits et en devoirs de tous les citoyens et citoyennes en supprimant les obstacles qui entravent l’épanouissement de la personne humaine et empêchent la participation effective de tous à la vie politique, économique, sociale et culturelle »5.
Il n’en demeure pas moins que du point de vue matrimonial, le statut de la femme algérienne tel que présenté par le code de la famille reste ségrégationniste et en contradiction avec le principe d’égalité affirmé par la constitution algérienne. En effet, ce code légalise la polygamie et l’infériorité de la femme et la maintient sous tutelle à vie.
La femme n’est jamais majeure ; depuis sa naissance elle est sous l’autorité de son père, et une fois mariée elle passe sous l’autorité de son mari. En cas de divorce, les biens du couple y compris le domicile conjugal, reviennent au mari et seul le père possède l’autorité parentale. Ainsi, la femme qui épouse un étranger perd sa nationalité, cette dernière qui ne peut être transmise que par le père.
En conséquence, plusieurs associations féminines ont été crées pour dénoncer ce statut méprisant à leurs yeux. Elles revendiquent des lois civiles égalitaires entre l’homme et la femme en disant qu’il n’y a que le code de la famille qui relève de la Charia et tous les autres codes sont civils. Une égalité qui doit s’inscrire dans les faits en permettant aux femmes de participer à la sphère officielle dans la prise de décisions sur l’avenir de l’Algérie et de leur propre avenir.
De ce fait, le président Abdelaziz BOUTEFLIKA a décidé que le code de la famille devrait être révisé selon les droits de l’homme et selon à la Charia. Mais comme l’avant-projet adopté par le gouvernement à l’automne 2004 prévoyait que la présence du tuteur matrimonial ne serait plus obligatoire pour la fille lors de son mariage, cette disposition était rejetée par la majorité en mettant l’accent sur le respect des valeurs et les prescriptions de la religion musulmane sacrée et valable pour tous les temps et dans tous les lieux. Mme LACHEHAB du parti islamiste El Islah déclare alors que :
« Nous nous opposons à ces amendements qui sont contraires à la Charia et qui sont par conséquent contraires à l’article 02 de la constitution qui affirme que l’Islam est la religion de l’état »6.
Puis en 2005, d’autres amendements ont été approuvés marquant quelques avancées dans la situation de la femme algérienne : les hommes ne pourront plus divorcer sans raison, les épouses divorcées auront droit à une pension alimentaire et un logis pour la garde de leurs enfants. La polygamie quoiqu’elle soit peu courante est maintenue, mais elle est assortie du consentement préalable de la première épouse et un juge doit vérifier que les épouses sont constantes et que le mari est capable d’offrir aux femmes l’équité et les conditions nécessaires à la vie. Ainsi, l’Algérie a légalisé la double nationalité, ce pas qui reflète « une petite ouverture vers le monde. »7 Selon Sanhadja AKROUF, l’une des responsables de l’association féminine « 20 ans Barakat ». Toutefois, il n’en demeure pas moins que la suppression de ce code reste l’espoir de ces associations féminines qui réclament jusqu’à présent que rien ne justifie que la moitie de la population reste inférieure à cause d’un code qui n’a jamais cessé d’être un malaise accompagnant leur évolution vers la modernité.
Aujourd’hui, la culture, la tradition, et la religion rendent la tache des militantes pour l’émancipation et la promotion des droits des femmes plus complexe, puisque l’affirmation de ces droits est considérée comme une rupture avec les valeurs culturelles et les traditions. Et malgré les révisions du code du statut personnel, la moindre solution s’avère impossible, tant que les points de vue entre les modernistes et les traditionalistes restent irréconciliables.
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1 Danièle Djamila AMRANE, Op.cit. p.264. ↑
2 http://www.femmesdz.com/index.php?option=com_content&view=article&id=818. ↑
3 Ministère de l’information et de la culture, La femme algérienne, Espagne, Garaficas Manero, Coll. « visage de l’Algérie », 1976, p.11. ↑
4 La constitution algérienne du 28 Novembre 1996 in http://www.algeria-watch.org/farticle/docu/constit.htm. ↑
5 Ibid. ↑
6 Mme Lachhab, cité in : http://fr.wikipedia.org/wiki/Code_de_la_famille_alg%C3%A9rien. ↑
7 Selima GHEZALI, Op.cit. p.07. ↑