Cette étude révèle comment l’évaluation de la compétence orale FLE chez les élèves de 3ème année primaire peut être optimisée grâce à une grille critériée innovante. Découvrez les erreurs fréquentes des apprenants et les solutions pour améliorer leur expression orale.
La production et l’expression orale
Le découpage traditionnel des activités en quatre aptitudes ou habiletés langagières (« skills ») pouvant être définies par le statut du locuteur (émetteur ou récepteur) et le médium utilisé (oral ou écrit) se traduit par une répartition en expression orale, expression écrite, compréhension orale et compréhension écrite qui mérite largement d’être affinée ou complétée.
Nous nous intéresserons ici à l’exemple de l’expression orale, à ce qu’elle recouvre et à la problématique qu’elle induit en termes pédagogiques. En effet, à notre sens, la parole n’est pas forcément synonyme d’expression orale et il convient de distinguer, au-delà même du cadre de l’enseignement des langues, la notion de production, ce terme étant à prendre dans son acception la plus stricte, voire restrictive, de celle d’expression.
Si ces deux termes sont généralement englobés par celui de « communication » (auquel on a parfois tendance à faire dire tout et n’importe quoi, soit dit en passant…), réfléchir sur la distinction pouvant exister entre les deux notions recouvertes nous aidera certainement à mieux nous situer vis-à-vis des savoirs et savoir-faire à transmettre, à mieux définir nos objectifs et éventuellement à imaginer et à mettre en œuvre une progression ou une transition de l’une à l’autre.
Production doit être vu ici comme la simple émission de sons, de mots, de phrases… alors qu’expression sous-entend des énoncés qui impliquent (à des degrés divers, certes) leur émetteur1.
On peut donc dire que la production orale est incluse dans l’expression orale, puisque cette dernière exige l’émission de phonèmes organisés mais qu’elle est loin de la recouvrir entièrement.
Plutôt que de chercher à développer ici une quelconque querelle terminologique qui pourrait passer pour de la maniaquerie, il convient de voir comment cette distinction doit être prise en compte dans les classes de langue (français, anglais ou arabe), a fortiori si on garde à l’esprit que la finalité de l’apprentissage de ces langues est leur maîtrise complète, dans ce qu’elle a de plus complexe mais aussi de plus abouti, à savoir, à notre avis, une véritable expression.
On peut par conséquent essayer de dégager les critères et les indicateurs qui caractérisent la simple production orale en classe et les opposer à ce que devrait recouvrir l’expression si l’on prend ce terme dans toute sa plénitude, tous ses implicites et toutes ses composantes
Comparaison entre production orale et expression orale | |
---|---|
PRODUCTION ORALE | EXPRESSION ORALE |
Discours mémorisé | Discours spontané, voire improvisé |
Discours stéréotypé | Discours « libre » |
Discours collectif | Discours individuel / personnel |
Discours donnant la priorité au descriptif (« il ») | Priorité au discours impliquant son émetteur (« je ») |
Métalangage | Langue de communication |
Ecrit oralisé | Oral véritable |
Courbe intonative forcée et artificielle | Courbe intonative naturelle et expressive |
Priorité à la norme de la langue | Priorité au sens transmis |
Réponses à des questions fermées | Réponses à des questions ouvertes |
Réponses à des questions portant sur du lexique | Réponses à des questions portant sur des énoncés |
Communication uniquement linguistique | Communication « totale » (c’est-à-dire faisant appel à tous les aspects et à tous les outils de la communication) |
Réseau de communication privilégiant la place et le rôle de l’enseignant | Réseau de communication privilégiant la place et le rôle de l’apprenant |
Note: nous ne décrivons ci-dessus que les situations « extrêmes » mais il va de soi que les pratiques de classe se situent bien souvent entre ces deux pôles.2
Qu’on ne nous fasse cependant pas dire ce que nous n’avons pas dit : il ne s’agit pas de rejeter en bloc toutes les activités faisant appel ou référence plus ou moins directe aux points cités ci-dessus et correspondant à la simple production orale, mais il s’agit simplement de prendre conscience qu’on ne travaille pas dans le domaine de l’expression lorsque l’on fait appel à ce type de parole.
Si on s’interroge maintenant sur ce que devrait être une véritable expression orale, toujours en contexte scolaire d’apprentissage ou de perfectionnement linguistiques, on trouve au préalable quatre conditions nécessaires, voire indispensables pour qu’elle soit effectivement pratiquée :
- que l’élève (l' »apprenant ») ait quelque chose à dire.
- qu’il sache le dire.
- qu’il ait envie de le dire.
- qu’il ait l’opportunité / l’occasion de le dire.
Et si l’on décline ces quatre conditions, on retrouve en fait les principales questions que l’on doit se poser si l’on souhaite favoriser et privilégier une véritable expression orale. Notons d’ailleurs que ces conditions et les principes qu’elles sous-tendent sont totalement transférables dans le domaine de l’expression écrite.
Que l’élève ait quelque chose à dire
Cette condition suppose que le thème retenu soit motivant et/ou appartienne au vécu de l’enfant, surtout en ce qui concerne les petites classes. On peut aussi réfléchir sur d’éventuels supports à proposer à l’élève pour enrichir ou étayer son discours. Ainsi, si nous prenons l’exemple du jeu de rôles, on peut soit proposer uniquement un canevas situationnel, soit accompagner la situation d’un document écrit ou oral, authentique ou fabriqué, et à l’intérieur duquel les élèves pourront piocher des informations, des arguments, des idées etc. Précisons que ce support serait à coup sûr perçu par certains apprenants comme une aide et un guide alors que d’autres y verraient avant tout des contraintes et un carcan.
Varier les pratiques semble être la meilleure solution dans la perspective d’une pédagogie non répétitive et visant à développer l’ensemble des compétences tant strictement linguistiques que plus transversales.
Qu’il sache le dire
Qu’il sache l’exprimer serait d’ailleurs plus correct car il est bien connu que l’expression va bien au-delà de la parole et que la communication non-verbale (kinésique, mimiques, intonations…) est parfois au moins aussi importante que les mots (qu’est-ce que l’ironie, par exemple, si ce n’est démentir par l’intonation ou la prise en compte du contexte le strict discours produit ?).
Si la communication présente ou peut présenter un aspect linguistique, soulignons en effet que la communication ne se limite pas aux mots et nous rappelons ici les quatre niveaux que l’on peut définir dans la communication non-écrite :
- la communication non-verbale (kinésique, proxémique, mimiques etc.)
- la communication « non-construite » (et généralement réfutée par l’enseignant de langue qui exigera « des phrases complètes » exigence leitmotiv trop souvent entendue…)
- la communication « non-normée », ou en tous cas ne correspondant pas aux normes de correction de la langue. On peut d’ailleurs remarquer que, dans la mesure où il n’existe pas de norme spécifique à l’oral, c’est la norme de l’écrit , le « Bon usage », qui seul prévaut dans ce domaine, bien que bon nombre d’énoncés produits par des francophones (natifs ou non) transgressent allègrement ces règles. Des phrases comme J’sais pas…, Tu crois pas ? ou des malgré que… n’en sont que des exemples facilement repérables, mais certains écarts entre les codes écrit et oral peuvent être à la fois plus importants et moins immédiats. Exemple:
écrit: nous partirons demain matin.
oral: on va partir demain matin.
On constate ainsi que la distinction entre l’écrit et l’oral va beaucoup plus loin que le degré de tolérance à l’encontre de quelques règles de grammaire mal ou non appliquées. Il va de soi que, pour la plupart des enseignants, ces énoncés ne sont pas tolérés (ne parlons même pas d’acceptation).
La communication verbale, construite et normée. Si elle existe, elle est « quantitativement » marginale dans les échanges authentiques de type informel, mais c’est pourtant, dans la plupart des cas, le seul type de communication que l’enseignant acceptera de ses élèves. On se retrouve par conséquent dans une situation où l’on est beaucoup plus exigeant avec des enfants apprenant la langue qu’on ne l’est avec des adultes dont c’est la langue maternelle. C’est peut-être ce qu’on appelle être plus royaliste que le roi…
Qu’il ait envie de le dire
Se posent ici des questions relatives à la motivation de l’enfant et il faut reconnaître que celle-ci, bien souvent, est étroitement liée au comportement de l’enseignant qui doit savoir d’une part susciter les interventions et d’autre part faire en sorte que la parole entraîne la parole. Un des principes relatifs à cette idée est de ne jamais interrompre un élève qui parle, même s’il commet des erreurs. Celles-ci (ou tout au moins celles qui le méritent il reviendra à l’enseignant de juger) feront l’objet d’une correction et d’un traitement ultérieurs. Ne pas confondre les étapes d’expression et de travail sur la langue nous semble primordial dans l’optique d’une prise de parole plus vraie, plus naturelle et plus « décontractée ».
Qu’il ait l’occasion / l’opportunité de le dire
Deux conditions paraissent ici essentielles :
- que l’enseignant propose effectivement des activités induisant une véritable communication.
- que la répartition des temps de parole permette à tous ceux qui le souhaitent de s’exprimer. Si nous avions ici un conseil à donner aux enseignants, il serait le suivant :
Apprenez à vous taire, même si vous devez pour cela forcer votre nature… Ce n’est qu’à cette condition que les élèves saisiront et s’approprieront la parole. Dans le même ordre d’idée, on évitera dans la mesure du possible la frustration pouvant se faire jour chez des élèves auxquels on n’a pas donné la parole alors qu’ils levaient la main, signifiant ainsi qu’ils souhaitaient dire quelque chose. À terme, ils risquent en effet de ne même plus chercher à intervenir s’ils ont l’impression que, de toutes façons, on ne leur donnera pas la parole.3
Les supports utilisés
2-6-1 La bande dessinée
La BD est un document authentique des plus vivants et des plus motivants qui offre différents atouts. Les bandes dessinées, en tant que documents authentiques, permettent aux enseignants de FLE d’effectuer un travail bénéfique et positif pour les apprenants; ils permettent d’allier apprentissage et créativité. Leur aspect ludique et leur richesse (culturelle, lexicale et grammaticale) favorisent une manière de travailler différente, en classe et avec les apprenants. De plus, la langue de la BD est une langue de tous les jours, qui de par son style conversationnel (avec des registres de langue différents), permet de travailler sur des situations variées.
2-6-2 -Les supports audio
L’enseignant du français langue étrangère peut utiliser en classe plusieurs supports. Il peut apporter à ses apprenants des cassettes ou des CD enregistrés par des natifs ou des francophones, ou des documents sonores authentiques en français. L’enseignant peut aussi fabriquer son propre matériel didactique selon son objectif du travail. Il s’agit dans ce cas d’enregistrer à la radio des entretiens, des flashs d’informations, des chansons, des annonces et des publicités… il peut aussi faire ses propres enregistrements en fabriquant un dialogue, sur une situation de la vie réelle parfaitement authentique.
Dans ce cas, il faut faire attention aux critères qui vont suivies déterminent la qualité pédagogique d’un bon document sonore.
Par exemple: il ne faut pas négliger:
- La qualité du son.
- La durée de l’enregistrement (ni trop court, ni trop long en fonction du niveau des apprenants).
________________________
1 DELL H, HYMES : Vers la compétence de communication, Didier, Paris, 1991, p.184. ↑
2 Pierre-Yves ROUX, Attaché linguistique, Service culturel de l’Ambassade de France. ↑
3 http://www.lb.refer.org/fdlc-bp/bulletin/00mai/orale.htm le 13/12/2016 à 21.01. ↑