Les droits de propriété en Algérie jouent un rôle crucial dans l’attractivité des investissements directs étrangers. Cet article analyse comment la qualité des institutions et les réformes institutionnelles entre 2000 et 2016 influencent le climat d’investissement dans le pays.
La théorie des Droits de Propriétés :
Définition:
Selon Pejovich et Furnbotn (1963), les droits de propriété sont « des relations codifiés sur l’usage des choses. Le non respect de cette relation se traduit par un coût, cette sanction permet de préserver et de protéger les droits de chaque agent.».1
Libecap définit les droits de propriété ainsi : « les droits de propriété sont les institutions sociales qui définissent ou délimitent l’ensemble des privilèges octroyés aux individus sur des ressources spécifiques tels que les terrains ou l’eau ».2
Autre pionniers de cette théorie H. Demsetz (1967) qui a définit les droits de propriété :
« un moyen permettant aux individus de savoir ce qu’ils peuvent raisonnablement espérer dans leurs rapports avec les autres membres de la communauté ». Demsetz po cité est surtout connue par sa collaboration avec Alchian dans leur article « Production, Information Costs, and Economic Organisation » (1972), qui est devenu une référence pour toute recherche sur les formes de l’organisation économique. Alchian et Demsetz sont connu d’avoir tenté de corriger les défauts de la conception de la firme en tant que fonction de production. Pour eux la firme « capitaliste » est la forme d’organisation la plus efficiente quand la technologie impose le travail en équipe, c’est-à-dire quand c’est difficile de déterminer la productivité marginale de chaque employé.
Dans cette perspective les droits de propriété protègent les efforts des individus qui sont plus sérieux que d’autres, ils permettent aussi de diminuer les coûts qui résultent de la tricherie et préserver les gains du propriétaire.
La diversité de la définition des droits de propriété fait que leur importance se situe dans : comment s’exercent ces droits plutôt que comment ils se définissent. Cela nous amène à conclure que les droits de propriétés se définissent par leurs attributs, qui sont : l’exclusivité l’appropriation et le transfert.
Les attributs des Droits de Propriété :
Les droits de propriété sont définit par les pratiques qu’ils autorisent.
- Usus : l’utilisation du bien possédé par l’individu ;
- Fructus : le propriétaire bénéficie du rendement résultant de l’utilisation de son droit usus ;
- Abusus : le propriétaire obtient le droit de transmettre son droit à d’autres personnes, le détruire ou le vendre.3
On peut aussi citer les critères des droits de propriété d’une autre manière :
- L’exclusivité : les DDP sont des droits exclusifs, l’individu qui détient la propriété sur un actif bénéficie du droit d’exclure d’autres personnes de l’accès à cet actif.
- L’appropriation : la propriété privée offre à son détenteur le droit de s’approprier les bénéfices ou gains engendrés par l’utilisation ou l’investissement de ces ressources.
- Le transfert : le propriétaire peut céder sa propriété soit par la vente ou bien la location par exemple.4
Tableau N° 2-01 : la nature des droits de propriété et forme d’organisation | ||||
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Caractéristiques des droits | Individu Propriétaire | Individu Propriétaire | Propriété Collective (individus) | Propriété collective (Etat) |
Exclusif | Oui | Oui | Oui | Oui |
Usus | Oui | A l’employé | Oui | Oui |
Fructus | Oui | Au propriétaire | A l’employé | A la collectivité |
Cessible | Oui | Parfois limité | Non | Non |
Abusus | Oui | Partagé | Eventuellement aux employés | Non |
Type de propriété | Propriété privée | Propriété privée Atténué | Propriété Collective atténué | Propriété publique |
Type d’entreprise | Entreprise capitaliste | Entreprise Managériale | Entreprise Coopérative | Entreprise d’Etat |
Source : Mathieu Simons, l’économie des conventions, FUNDP, p8,
La protection des Droits de Propriété :
Les institutions qui garantissent la sécurité des droits de propriété sont appelés « institutions des droits de propriété ». Ce sont des règles écrites et/ou des normes et des coutumes sociales qui décrivent la façon dont la propriété est légalement acquise, ainsi que les organismes politiques et administratifs qui imposent et veillent au respect de ces droits.
La garantie des droits de propriété suppose l’existence de normes sociales partagées qui reconnaissent la propriété individuelle au même titre que la propriété commune.
Le respect de ces règles nécessite l’intervention d’entités politiques, administratives et judiciaires pour garantir l’exécution efficace des droits de propriété en protégeant les investisseurs de l’expropriation.5
Il existe deux types de prédations : L’expropriation de la part de l’état ; La violation de la propriété de la part des parties privées.6
Le rôle de la sécurité des Droits de Propriété dans la performance :
Les institutions de droits de propriété fournissent les incitations à l’accumulation du capital (investissement, innovation…), facilitent la production, réduisent l’incertitude et les coûts de transaction et empêchent l’expropriation.
- Demesetz(op cité) souligne que les droits de propriété sont émergés suite au développement des connaissances et des innovations dans le processus de production. Ces droits ont permis de répondre aux désirs des personnes en interaction afin qu’ils puissent s’adapter aux nouvelles possibilités des coûts /bénéfices. Il affirme ainsi que la fonction principale des droits de propriété est l’internalisation des externalités positives et / ou négatives (l’octroi de brevet ou licence pour les innovations et l’imposition des taxes pour réduire la pollution, qui peut surgir suite aux évolutions technologiques.7
- De Soto (1997) souligne que la protection des droits de propriété permet de transformer le capital mort en un capital productif qui peut être investit et engendrer plus de rémunération. Il peut servir aussi de garantie pour l’obtention d’un crédit bancaire.
Selon une étude de De Soto, une somme estimé à 9,3 milliards de dollars constituée de capital mort était détenue par les PED. Ces pays ne pouvaient pas rendre leur ressource productive à cause de l’absence d’institutions protégeant les droits de propriété.
Dans un premier temps, il a tenté de définir la relation qui pouvait exister entre la protection des droits de propriété et Le développement économique et il est arrivé au résultat suivant : Un indice élevé de la protection des DP augmente le niveau de développement.
Dans un deuxième temps, il s’est intéressé au lien qui existe entre la protection des DP et l’accès au crédit et à obtenu le résultat suivant : les titres de propriété légaux et biens protégés peuvent servir de garantie pour les banques pour l’octroi de prêts. Dans un troisième temps, il a lié la protection des droits de propriété à la formation du et a trouvé que la sécurité des DP permet d’élargir la capacité du crédit et augmente donc la formation du capital.8
Les sources de la limitation des Droits de Propriété :
L’expropriation de la richesse privée :
L’expropriation concerne les actifs physiques et l’imposition d’emprunts par le gouvernement. Ce phénomène nait dans les régimes politiques où l’absence de loi écrites ou normes qui limitent le pouvoir des élites ou le manque d’application de ces lois lorsqu’elles existent. Le dirigeant possède ainsi un pouvoir excessif et arbitraire qui lui permet de manipuler la loi et le système judiciaire en sa faveur. Dans un tel régime, les incitations à l’investissement dans les facteurs de production sont très faibles. Par conséquent les ressources sont orientées vers d’autres secteurs à faible rendement social et privé. Il faut souligner aussi que les pays souffrant d’instabilité politique (les révolutions militaires) ont un risque de dépossession et de violation des libertés individuelles très élevé.
L’inefficience et la corruption des fonctionnaires :
Ce mécanisme entrave le processus de croissance économique. Il fonctionne via la mauvaise allocation des ressources humaines et financières.
Les droits de propriétés sont mal protégés lorsque les individus payent des pots de vin aux fonctionnaires d’état pour la création d’une entreprise, l’accès à des marchés publiques, l’obtention d’emprunts9….etc. Dans un tel environnement, les activités de recherche de rente dominent le marché économique et les investisseurs préfèrent investir dans ce secteur plutôt que dans des secteurs productifs où les coûts de transaction sont élevés.
La taxation :
Lorsque le niveau d’imposition fiscale est élevé, il ya une plus grande redistribution des ressources des riches vers les pauvres. Ceci décourage l’investissement des entrepreneurs privés et provoque un ralentissement de la croissance. Une assiette fiscale très large et des taux d’impositions très élevés accentuent l’expropriation du revenu attendu de l’investissement ce phénomène provoque par la suite la délocalisation des investissements.10
Les barrières à l’adoption de nouvelles technologies :
[Acemoglu 2008] pense que les barrières imposées à l’entrée restreignent les droits de propriété des futurs entrepreneurs entrants. Dans les sociétés oligarchiques, il existe un groupe de producteurs qui possèdent un pouvoir politique lui permettant d’imposer des contraintes. Dans ce cas, ce groupe domine la production et profite de la faible taxation et de son pouvoir pour évincer les concurrents. Ce phénomène peut être bénéfique à court terme, alors qu’à long terme il devient nocif car le matériel devient obsolète et entraine par la suite un ralentissement ou une stagnation de la croissance.11
Jusque là, la firme a constitué le centre d’intérêt du courant institutionnel. Tenter d’ouvrir cette boite noire et analyser le fonctionnement de la firme qui se présente désormais comme un système de coordination qui se substitut à celui du marché est considéré comme l’analyse microéconomique du courant institutionnel. Au début des années 1990, les institutionnalistes ont commencé à s’intéresser à l’aspect macro économique des institutions, notamment Douglass North qui est considéré comme pionnier de cette nouvelle conception de la théorie institutionnelle.
La théorie de l’Agence :
La théorie de l’agence est classiquement appliquée en économie pour analyser les relations dans lesquelles le principal (celui qui délègue un pouvoir décisionnel) délègue son pouvoir de choix à un second, l’agent ou le mandataire. La théorie de l’agence analyse les relations de délégation et de contrôle établies entre les différents acteurs, notamment entre les propriétaires et les dirigeants d’une entreprise.
Appliquée à l’occasion d’une augmentation de capital, la théorie de l’agence met notamment en avant le fait, qu’un financement par augmentation de capital oblige les dirigeants d’une entreprise, qui pourrait y préférer l’autofinancement ou le crédit, à faire paraitre une série d’informations financières qui ne sont pas toujours données en temps habituel.
La théorie de l’agence est due notamment à Michael Jensen et William Meckling (1976).
Toute organisation est constituée d’un ensemble de contrats qui définissent les relations des acteurs. Parmi ces relations, les auteurs distinguent les « relations d’agence ». Le terme « agence » est à entendre dans le sens étymologique « faire », « agir ». Il y a un « mandant » qui fait faire à un « mandataire ». Par exemple un actionnaire fixe des objectifs à un dirigeant d’entreprise qui « est agi ». On peut se reporter aux travaux de JENSEN, MECKLING aux Etats-Unis, et en France, à ceux de CHARREAUX (1998 et de 1999). Pour qu’il y ait relation d’agence il faut trois conditions :12
- L’asymétrie informationnelle : Des acteurs ont des informations que d’autres n’ont pas. Par exemple les dirigeants ont une connaissance de la vie de l’entreprise, les actionnaires savent quel avenir ils attendent de l’entreprise.
- L’incertitude sur l’attribution des résultats : La réussite et l’échec ne peuvent pas être attribués à tel acteur plutôt qu’à tel autre, car les acteurs sont solidaires dans les résultats obtenus. Lorsque sont atteints totalement, partiellement ou pas du tout, les objectifs fixés par les actionnaires à des dirigeants qui les mettent en œuvre, on ne sait pas si la réussite ou l’échec viennent de la définition des objectifs ou du choix des moyens mis en œuvre.
- La disparité des rôles : Le « mandant » oblige le « mandataire » à mener son action dans le sens qu’il lui a fixé, tandis que le « mandataire » jouit d’une marge de manœuvre par rapport au « mandant ». Ainsi les administrateurs, représentants les actionnaires, fixent des objectifs aux dirigeants qui disposent d’une certaine marge de manœuvre pour les atteindre.
Pour certains auteurs, la théorie de l’agence édicte des normes d’action de trois types.
- Règles de fonctionnement
- mise en place d’un système de contrôle par la hiérarchie, par la surveillance mutuelle, par le Conseil d’administration
- mise en place d’instruments de gestion (suivi, comptabilité…)
- diversification des risques pour ne pas mettre en péril l’organisation et accroître sa « résilience » (sa capacité à résister aux événements externes par des ressources internes).
- réduction des coûts d’agence
Il y a des coûts d’agence que chaque acteur tend à réduire à son profit. L’organisation qui sait le mieux réduire ces coûts est celle qui perdure.
Les coûts de surveillance : Des instruments de gestion et de prévision permettent de mesurer les coûts d’énergie dépensée, de temps passé, de compétences à trouver ou acquérir, d’usage des équipements, etc.
- Les coûts d’obligation : Le mandant est obligé de définir ses choix. Le mandataire est obligé de formuler ses besoins, d’argumenter ses projets, de rendre des comptes.
- Les coûts « résiduels » : Ce sont les coûts liés aux risques : financier des actionnaires, professionnel des dirigeants (perte d’emploi), crédit social des administrateurs et des dirigeants (réputation).
- Incitations au respect du contrat
Pour que ces règles de fonctionnement et la réduction des coûts soient admises de tous, il faut : échanger des informations, s’entendre sur des critères d’appréciation des résultats, définir des objectifs communs ; Ces incitations doivent permettre ainsi de mieux partager les risques, mieux équilibrer les intérêts entre chaque acteur, compenser les obligations de surveillance.
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1 Jacques Igalens-Sebastien Point, Ouvrage : Vers une nouvelle gouvernance des entreprises face à ses parties prenantes,2009 ; édition Dunod ; Paris ; p50. ↑
2 Joseph Mahoney; Ouvrage: Economic foundations of strategy; Property right theory, chapter 3;2004; A sage ublication series; p111; http://www.sagepub.com/upm-data/5030_Mahoney_Chapter_3.pdf ↑
3 Jacques Igalens-Sebastien Point, op.cit,p8 ↑
4 Joseph Mahoney; Op.cit,p111 ↑
5 Andrea Asoni ,protection of property rights and growth as political equilibria, 2007; Reseach institute of industrial economics , IFN Policy Paper No. 12 ; p4,8, www.ifn.se/BinaryLoader.axd?…PropertyName… ↑
6 Jacques Igalens-Sebastien Point, op.cit,p8 ↑
7 Joseph Mahoney; Op.cit,p111 ↑
8 Claudia R Williamson- Carrie B. Kerekes, securing private property right : Formal versus informal institutions; 2011; the journal of law and economics- vol. 54, issue 3; p6; nyudri.files.wordpress.com/2011/10/driwp50.pdf ↑
9 Andrea Asoni ,op.cit,p 12-13. ↑
10 Andrea Asoni ,op.cit,p15-16. ↑
11 Andrea Asoni ,op.cit,p15-16. ↑
12 http://eco-maroc.over-blog.com/2014/02/la-th%C3%A9orie-de-l-agence.html ↑