La compétitivité des IDE en Algérie est entravée par un climat des affaires défavorable et un cadre institutionnel insuffisant. Cet article propose des solutions inspirées des modèles asiatiques pour renforcer l’attractivité des investissements étrangers et stimuler l’économie algérienne.
Section 03 : L’IDE et le miracle asiatique 1
L’objectif de cette section est d’analyser le secret de la compétitivité et de la spécialisation internationales des pays de l’Est et de Sud-est asiatiques, en mettant au cœur de l’analyse, le rôle des entreprises étrangères(IDE), la forte industrialisation, le transfert technologique, la R&D et le progrès technique. Tout en partant d’un tel constat, nous tenterons dans un deuxième lieu, de dégager leurs facteurs de réussite et, dans le cas échéant, essayer d’en transposer dans le contexte de l’Algérie, mais sans pour cela copier à la lettre les expériences, il ya toujours des adaptations à faire. Mais, dans l’ensemble, leurs expériences sont utiles.
Insertion confirmée de l’Asie dans l’économie mondiale
En dépit de diversité des situations nationales, la réussite et le décollage industriel des économies asiatiques s’explique par quelques facteurs communs: environnement commercial stable avec une inflation faible, un taux de change favorisant la compétitivité d’exportation, le développement de la finance avec une libéralisation progressive, des efforts pour réduire au maximum les distorsions des prix, des investissements dans l’éducation et la mise à niveau des compétences2 ; choix de stabilité essentiellement sur le plan budgétaire et macro- économique, politiques de promotions des exportations qui ont, à des moments différents selon les pays, pris la place de la politique de substitution d’importations , la garantie des droits de propriété et enfin l’ouverture aux IDE dont le recours aux licences de technologie a été utilisé, notamment en Corée du sud, pour combiner avec ses propres connaissances des savoirs scientifiques et technologiques acquis en provenance de l’extérieur3.
Il est notable, en dépit des grandes différences en termes de poids d’IDE et dans la protection commerciale, que les entreprises étrangères, industrielles ou commerciales des PD, ont joué un rôle moteur dans l’émergence économique des NPI d’Asie et plus tard des Nouveaux NPI4. Ce sont dans un premier temps leurs délocalisations et leurs commandes, qui ont impulsé le développement de ces économies, qui avaient fait le choix décisif de l’exportation et d’industrialisation comme moteurs de croissance, faisant de la région une base de production pour la réexportation.
Pourtant, les pays émergents asiatiques ont suivis des processus d’industrialisation différents. Alors que les premiers sont peu ouverts aux IDE, l’industrialisation des secondes a en partie reposé sur les IDE, d’abord japonais et américains dans l’électronique. A partir des années 90, les IDE ont ensuite intégré la Chine dans leurs stratégies en commençant par y implanter les activités d’assemblage. Il convient de souligner que même la croissance des IDE en Chine, s’est accompagnée de l’évolution de l’investissement de même sens dans tout l’ASEAN5. Dés lors, les économies de la région deviennent un marché essentiel pour les biens d’équipements et d’intrants industriels, demandés par l’industrie mondiale. Certains auteurs parlent même, notamment dans la filière électronique de« circuit intégré asiatique6».
Les NPI comme bases de production : logique des pays-ateliers7
Incontestablement, c’est la logique des pays ateliers qui aurait été le facteur déclencheur de l’essor qu’ont connu, dans les années 80, les marchés émergents d’Asie. En effet, la croissance des Dragons n’est due qu’aux faibles couts de main d’œuvre. Ces derniers restaient inferieurs de 80% à ceux des PD. Une croissance qui s’est concentré majoritairement en industries à faibles VA, dans le textile, jouets, chaussures (40% de production industrielle totale en Corée du sud, Taiwan et Hong Kong)8 jusqu’à la moitié des années 1980.
Force est de constater qu’à la fin des années 90, ce positionnement sur des secteurs à faible VA à forte demande des PD, s’est vu cependant délaissé par les économies des Dragons, repris dans les années 80 par les Tigres et plu tard la Chine, entrant déjà en plein pied dans la course au développement et la troisième révolution industrielle. Comme l’atteste bien la Corée du sud, dont les entreprises étaient de simples sous-traitants aux firmes étrangers deviennent de leur part de grandes FMN implantées de par le monde, de même Hong Kong ayant délocalisé sa propre activité industrielle. Pourtant, dans le cas de Taiwan et Singapour, la logique de pays ateliers persistait toujours, mais avec des techniques et productions totalement sophistiqués et modernes.
Aujourd’hui, les pays émergents d’Asie à travers leur orientation vers l’exportation et la nature de leurs bases de productions sont devenus d’incontournables fournisseurs, en produits et intrants de l’économie mondiale.
IDE, sous-traitance et industrialisation de l’Asie
Il est à noter, si les niveaux de développement technologique et sectoriel atteint, à la fin des années 90, sont très différents d’un pays à l’autre, la démarche exportatrice aurait, comme le montre bien le tableau 23, cependant permis de construire, dans l’ensemble de l’Asie émergente des économies industrielles et fortement compétitives.
Tableau 23 : comparaison Asie émergente et la puissance industrielle G7 (Industrie/PIB) | |||
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Chine 48% | Malaisie 46% | Corée du sud 43% | Indonésie 42% |
Taiwan 42% | Thaïlande 40% | Japon 39% | Allemagne 37% |
Singapour 36% | Italie 34% | Philippines 32% | Royaume unie 31% |
Canada 27% | France 26% | Usa 25% | Hong Kong 15% |
Source : http://livre.fnac.com/a876814/Collectif-Atlaseco-2000et banque mondiale(BM) 1997.
Indéniablement, comme il le montre le tableau23, le secteur industriel s’imposant partout au cœur de l’activité économique des pays de la région. Le rôle des IDE de monde développé dans cette industrialisation très extravertie aurait été sans nul doute décisif, tout autant en matière de financement que de transferts de technologies, de gestion ou organisationnels, et de savoirs faires. Mais une chose est sûre, le processus de transfert est différent d’un pays à l’autre : alors que les dragons se sont essentiellement développés par le biais de la sous- traitance9, comme se fut le cas des chaebols10 coréens, pour les entreprises étrangères qui restaient pour la plupart en dehors de pays, les Tigres ont une intervention beaucoup plus direct des FMN des pays de la triade, puis des FMN des Dragons eux-mêmes. Ces derniers de leurs coté, à forts décollage économique et de leur dynamisme, animés par les mêmes motivations que leur anciens investisseurs étrangers, se sont mis à investir et à produire chez leurs voisins (notamment les Tigres)11. Ce qui a permis aux entrepreneurs des économies de première génération de remonter les filières technologiques, et de s’approprier des acquis qui échappent aux pays ne servant que de plates-formes des IDE12. Ce mouvement s’est essentiellement intensifié à partir des années 80.
Mais, force est d’observer que cette divergence de stratégie d’intégration dans la DIPP et dans l’économie mondiale, n’aurait pas été sans implications sur les économies nationales de la région. En effet, pendant que les économies de deuxième génération et la Chine13 se sont fortement trouvés dépendants des IDE dans leur croissance et développement, les économies de la premier génération ont développés des logiques de croissance et de développement industriel beaucoup plus autonomes et indépendantes vis-à-vis des IDE.
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1 C’est l’appellation donnée par la banque mondiale aux pays de Sud et de l’Est asiatique (Dragons et Tigres). Rapport de la BM, « the East Asian Miracle: economic growth and public policy», 12351 V2, 1993. ↑
2 YOUSEF.S et J.E.STIGLETZ, « rethinking the East Asian miracle», Oxford University press, 2001. ↑
3 Pour plus d’amples informations, voir le rapport de BM(1993), op.cit, P32 et 33. ↑
4 C’est à partir des années 70 que les IDE ont commencé à prendre de l’importance en Asie, avant de connaitre un essor exceptionnel dans les années 80(pour les premier, les Dragons) et les années 90(pour les deuxième, les Tigres). Les premiers IDE dans la région ont été largement orchestrés par les firmes japonaises et américaines, essentiellement à la recherche de matières premières(Indonésie et Philippines), puis ensuite à la recherche de plates formes de production et d’exportation dans espaces à faibles main d’œuvre, ayant de bonnes infrastructures et à régime d’investissement libéralisé(Corée du sud, Hong Kong, Taiwan, Singapour).Pour savoir plus sur l’essor régional et la concentration d’IDE dans la région, Chapitre I, Partie II. ↑
5 Sigle de « Association of south East Asian Nations », fondée en 1967 autour de la Thaïlande, Malaisie, Singapour, Indonésie et Philippines dans un but de contrairement évolue vers un objectif libre-échangiste. Par ailleurs, les rencontres ASEAN+3(Chine, Japon et Corée) veulent créer une zone de libre échange (Asean Free Trade Area, AFTA). En 2009, le groupé s’élargi en intégrant entre autres: Australie, Nouvelle-Zélande, doté d’un programme ambitieux. ↑
6 CHAPONNIERRE. J.R, « l’électronique en Asie orientale, DIT et intensification des échanges », in C.TIALLARD, « intégrations régionales en Asie Orientale », Paris, les Indes savantes, P2012-2016. ↑
7 Qualificatif donné aux pays qui se sont spécialisés dans la production à forte main d’œuvre (textile..), et généralement destinés à être exporter vers les pays riches. ↑
8 Excepté le Singapour où le raffinage faisait particularité. ↑
9 Sauf, notablement le Singapour, qui est le seul des quatre Dragons à avoir fondé son développement sur les IDE, dés les années 60. Un grand nombre de grandes premières entreprises Singapouriennes sont des filiales des FMN, dans le raffinage-pétrochimie et l’électronique(1995). Plus tard(années 80), les Tigres lui emboitent le pas. ↑
10 En dépit de son étymologie, se composant de deux lettres chinoises : Chae (finance) et bol (groupe), le conglomérat type coréen est principalement un groupe industriel, dont le mode de développement s’apparente à celui des zaibatsus japonais, crée sous l’ère Meiji. Les chaebols ont réalisé ont 2004 environ le 6éme du PIB marchand de Corée, les 2/3 de ses exportations, le 1/3 de CA de l’ensemble de ses entreprises, avec prés de la moitié des actifs et seulement 3% des salaries du pays (Pluchart.J.J, les chaebols coréens, entre gouvernance et gouvernalité, Revue Française de Gestion, No.182, 2008/2, P82). Rien que les productions sous licence et coopérations techniques avec les japonais et américains, a permis son démarrage (GM et Ford(USA) pour Kia et Daewoo, Mitsubishi(Japon) pour Hyundai). ↑
11 Ces derniers de leurs coté, à forts décollage économique et de leur dynamisme, animés par les mêmes motivations que leur anciens investisseurs étrangers, se sont mis à investir et à produire chez leurs voisins (notamment les Tigres). ↑
12 Ce qui a permis aux entrepreneurs des économies de première génération de remonter les filières technologiques, et de s’approprier des acquis qui échappent aux pays ne servant que de plates-formes des IDE. ↑
13 En effet, pendant que les économies de deuxième génération et la Chine se sont fortement trouvés dépendants des IDE dans leur croissance et développement, les économies de la premier génération ont développés des logiques de croissance et de développement industriel beaucoup plus autonomes et indépendantes vis-à-vis des IDE. ↑