Le cadre théorique de l’insertion des talibés révèle des conditions de vie alarmantes au Burkina Faso, où ces jeunes sont souvent contraints à mendier. Cette recherche met en lumière les initiatives du GTENF pour transformer leur réalité socioéconomique à travers des programmes d’alphabétisation innovants.
Revue de littérature
Par essence, la revue de littérature permet à l’impétrant de faire une situation des productions en lien avec sa thématique de recherche et ainsi pouvoir circonscrire son cadre conceptuel. Dans le cadre de notre recherche, nous avons retenu quelques ouvrages à cause de leur objet, de leur problématique et de leur conclusion qui entrent en ligne avec l’objet de notre recherche.
Ces ouvrages se composent de mémoire de fin de formation, de rapports d’enquête, de travaux de forums et de publications sur Internet. La présente revue s’est intéressée à l’insertion des jeunes dans le tissu social, qui est une question bien primordiale pour une multitude d’auteurs et de chercheurs qui ne cessent d’y murir la réflexion.
Leurs écrits nous permettent d’avoir un aperçu sur notre thème. C’est dans cette optique que nous faisons dans un premier temps une synthèse qui va du phénomène de la mendicité à la prise en charge des talibés en passant par la situation des écoles coraniques. En seconde partie, nous aborderons les concepts qui nous serviront tout au long de nos recherches.
Mendicité, école coranique et éducation
Dans la revue hebdomadaire du REFLET le phénomène de la mendicité à Bamako, pour Mamadou Seydou Diallo, coordinateur du programme d’Appui à l’insertion socioéconomique des enfants de la rue de l’Association malienne pour l’environnement, la jeunesse et le développement (Mali Enjeu), celle-ci ayant pour objectif essentiel « de contribuer à l’insertion socioéconomique des enfants (talibés et enfants dans la rue) et jeunes en situation difficile ».
Dans le cadre de leur insertion, l’association a élaboré un programme d’alphabétisation. Selon le coordonnateur, même si la majorité de ces enfants savent faire la somme de 5+5, ils sont néanmoins presque tous des illettrés. L’ONG leur apprend avant tout à lire et à écrire en français, en arabe et dans d’autres langues nationales.
« L’enseignement n’étant pas une formation en soi, il faut par la suite apprendre un métier à ceux qui ont la force et la volonté de travailler », explique Monsieur Diallo. Ils reçoivent donc une formation de qualité dans plusieurs métiers ». Ils ont aussi un fonds d’appui aux Activités génératrices de revenus (AGR).
Ce fond sert à appuyer ceux qui ont plus de 15 ans et qui veulent faire de petits métiers comme le cirage des chaussures, le tailleur ambulant… Les revenus tirés de ces activités les aident à prendre en charge leurs besoins favorisant ainsi leur réinsertion sociale. Mali Enjeu apporte aussi des appuis ponctuels (nourriture, habillement…) à ceux qui n’ont pas l’âge de travailler et qui ne vivaient que de la mendicité.
Leur ambition est de pouvoir alphabétiser (français, arabe et langues nationales) 500 talibés dans les écoles coraniques de Bamako. L’association envisage la mise en apprentissage et le financement des activités génératrices de revenus (AGR) au profit de 300 autres élèves coraniques dans la capitale. Des maîtres artisans de la place sont identifiés et appuyés, en fonctions des critères établis, en matériels en vue d’accueillir des élèves coraniques désireux d’apprendre un métier ou d’exercer une activité lucrative. Ces derniers bénéficient d’un fonds de départ avec une étude de faisabilité. Un appui-conseil leur sera assuré pendant la durée du programme.
L’amélioration du cadre de vie et d’étude par l’assainissement et la négociation avec des Centres de santé communautaires (CSCOM) pour les aspects sanitaires de leur prise en charge sont aussi prises en compte. Les populations, les autorités et les responsables religieux sont sensibilisés par rapport à la situation dramatique des élèves coraniques et les dangers liés à la pratique de la mendicité par des causeries-débats, etc. « Il n’y a aujourd’hui aucune école coranique où les enfants ne font pas la mendicité », souligne le coordonnateur. Pour lui la meilleure façon de faire
face au fléau est de mettre des acteurs à tous les niveaux pour assurer l’information et la sensibilisation des parents, des responsables religieux voire des autorités.
Causes de la mendicité
Amadou Wade Diagne, dans son étude4 qui a porté sur la situation des enfants d’une manière générale ; les enfants de la rue, les enfants travailleurs, les enfants mendiants (talibés), a essayé de dresser un tableau des principales causes de la mendicité des enfants. Il a apporté ensuite un éclairage du point de vue juridique. Enfin, pour lutter contre ce phénomène, l’auteur formule des recommandations à l’endroit des différents intervenants tels que : l’État, les ONG, la société civile, c’est essentiellement la prise en charge des enfants par des structures créées pour accueillir les mendiants et les réinsérer.
Prise en charge des mendiants et les enfants de la rue
Certains auteurs5 ont essayé d’analyser et de partager quelques expériences concrètes d’appui aux talibés au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso. Ils ont ensuite dégagé les meilleures pratiques pour la réflexion et l’orientation des interventions futures.
La première partie est consacrée à la description des activités menées dans les milieux suivants : Bamako, Mopti, Dakar, Saint-Louis et Ziguinchor. Les auteurs de ce document ont également décrit l’historique de l’avènement des daara et du phénomène de la mendicité.
Dans le but de transformer qualitativement les daara, les experts sollicités pensent que leur modernisation passera par l’introduction du trilinguisme (langues nationales, arabe et française) et par la formation professionnelle autour des objectifs suivants :
- améliorer les conditions de vie et d’apprentissage des talibés ;
- préparer les apprenants à une insertion socioprofessionnelle ;
- créer des passerelles permettant aux produits des daara modernes d’intégrer le circuit franco-arabe officiel.
Dans la même perspective, Mbengue6 a axé son étude sur l’enseignement du Coran. Il a cherché à identifier les besoins des acteurs principaux (marabouts et talibés) dans l’optique d’une
4 Amadou Wade Diagne, Projet de document introductif portant orientation de la stratégie nationale de la lutte contre la mendicité, Assises nationales contre la mendicité des enfants, 2007, Dakar.
5 Travail de capitalisation de l’équipe Enda Jeunesse Action Guédiawaye, Claire Enfance Saint-Louis, Enda ACAS, Enda Mali, AEJT Burkina Faso, AEJT Kaolack, des talibés, des garibous et des maîtres coraniques, 2005.
6 El Hadji Cheikh Tidiane Mbengue, Quelles perspectives pour les daara à Dakar ? 1997.
meilleure qualité de vie. Il a montré comment l’amélioration des conditions de vie des talibés et des marabouts pourrait avoir des effets positifs sur la qualité des apprentissages. Il reste qu’il doit être possible d’aller plus loin en faisant une étude comparative entre la situation étudiée et celle qui est souhaitée. Cela permettrait de mieux percevoir l’importance de ces nouvelles perspectives.
ANNICK COMBIER, dans son livre intitulé « les enfants de la rue en Mauritanie » page 24, a souligné que le phénomène « enfant de la rue n’est que le résultat de l’organisation sociale ». En effet, leur isolement, leur solitude, leur marginalisation extrême ne sont autres que l’échec de l’idéologie organisationnelle de la société avant l’avènement de l’économie du marché. L’auteur termine son étude en se posant la question suivante : quel peut être alors l’avenir de ces systèmes sociaux qui condamnent à mort des millions d’enfants ?
Talibés et la situation des écoles coraniques
Dans cette étude commandée par la CADEV Niger, Mounkaila (2007) présente un diagnostic des conditions de vie et de travail des élèves coraniques dans trois communes rurales du Niger (Dargol, Kokorou et Tamou). Plus précisément, il cherche à déterminer les contours et les dimensions des « déviations » des écoles coraniques.
Par ce terme l’auteur désigne tous les biais introduits dans le fonctionnement des écoles coraniques par certains maîtres qui n’hésitent pas à utiliser les enfants à des fins mercantiles à travers la quête de la pitance quotidienne censée justifier la mendicité. Il poursuit sa discussion en soulignant que le phénomène traduit « l’inadaptation [de l’école coranique] aux réalités modernes et sa tendance à orienter l’éducation des enfants vers un avenir social incertain ou peu compatible avec les normes sociales recommandées qu’elle tend à proposer aux
talibés. Ceci constitue des facteurs d’incertitude dans le cadre de leur insertion sociale et de leur survie économique »7.
Le travail mené s’inscrit dans le cadre des activités d’une recherche-action qui servira de base pour les actions à entreprendre en vue d’une amélioration de la situation.
Situation des enfants dans les écoles coraniques
Ce document fait l’exposé des différentes étapes d’une recherche-action participative sur les conditions de vie et de travail des élèves d’écoles coraniques dans onze (11) villes
7 CADEV Niger, Mounkaila (2007), page 5.
sénégalaises. Le travail a été réalisé en 2005 par une équipe de chercheurs et est commandité par la CADEV Sénégal8. Les résultats recueillis révèlent principalement ce qui suit :
- Les problèmes que vivent au quotidien les talibés. Il s’agit notamment de :
difficultés de survie (la pitance quotidienne) ;
difficultés d’apprentissage liées aux intempéries, rareté et inefficacité, voire, manque de matériel didactique et autres équipements ;
la réticence des différents acteurs à collaborer, etc.
- Les actions entreprises en vue d’une amélioration qui se résument comme suit :
un renforcement des capacités des maîtres –ateliers de formations et d’échanges ; un appui direct apporté aux élèves –nourriture, nattes, savons, vêtements, etc. et ;
des recommandations à l’endroit de tous les acteurs susceptibles d’apporter un appui.
Perspectives d’intégration de l’éducation de base
Dans une étude menée dans trois régions du Niger (Maradi, Tahoua et Tillabéry), MALAM MOUSSA et GALY (2003)9 montre la place de l’éducation non formelle dans la configuration de la politique éducative du Niger, puis incite aux réactions et/ou actions favorables à la prise en compte de sa contribution dans l’évolution des résultats éducatifs. En effet, les deux auteurs examinent les limites et l’incapacité du système éducatif nigérien à prendre correctement en charge le volet non formel de l’éducation, notamment le programme d’alphabétisation et l’école coranique. Ils insistent sur le fait que « le ministère de l’Éducation de base a jusqu’à présent géré le système comme si l’école formelle est la seule structure à même d’assurer cette fonction
». Et « ce faisant, les autres canaux de livraison des services sont soit négligés, soit ignorés. » (Page vii). Pour conclure, nous dirons que cette analyse, selon toujours ses auteurs, contribue et invite à la consultation de tous les acteurs impliqués et intéressés afin d‘aboutir à la mise en place d’un système éducatif national qui intègre et régule toutes les offres d’éducation de base du formel comme du non formel et ce, en vue d’atteindre les objectifs pédagogiques, socioculturels et économiques.
Diversification de l’éducation de base
Ce document est le rapport d’une étude réalisée en 1987. Say, Toukounous et Karakara constituent les sites de collecte des données. À travers les discussions menées, MALAM
8 ENDA TM, jeunesse action (2005). Situation des enfants dans les écoles coraniques au Sénégal. Rapport d’une recherche-action réalisée pour le compte de CADEV Sénégal, ENDA TM, jeunesse action, Dakar, Sénégal.
9 MALAM MOUSSA, L. et GALY, K. A. (2003). Étude sur les perspectives d’intégration de l’éducation de base au Niger. Imprimée sous les presses de l’INDRAP : Niamey, Niger.
MOUSSA et GALY10 déplore le manque de complémentarité ou du moins l’absence d’une prise de conscience par rapport à cette complémentarité qui existe entre les trois formes ou sources d’éducation de base qu’on rencontre au Niger à savoir :
- l’école primaire ;
- le centre d’alphabétisation ;
- l’école coranique.
Cette dernière institution semble être la plus méprisée et négligée malgré son immense contribution à la lutte contre l’analphabétisme et à la formation des populations. En effet, selon les auteurs, « la colonisation française a mené la vie dure à l’école coranique et la même attitude a continué jusqu’à l’après-indépendance ». Et « c’est pour cette raison que jusqu‘à présent, il y’a peu d’information précise sur l’importance du phénomène et son poids au sein de la société nigérienne ». Cette étude a été initiée pour amener les autorités à prendre conscience de la complémentarité entre ces trois formes d’éducation, et ce, en vue d’aboutir à une vision d’ensemble du problème éducationnel au Niger.
Étude sur les implications pratiques de l’éducation islamique
Cette étude est entreprise par MALAM MOUSSA11 en 1997. Les données ont été recueillies à Niamey, Acilafiya, Maradi et Zinder. Dans ce document, l’auteur retrace non seulement les voies par lesquelles l’Islam s’était introduit en Afrique puis au Niger, mais aussi examine minutieusement l’évolution du phénomène, de ses conséquences et de son impact sur la vie sociopolitique et économique des peuples concernés.
À travers cet examen, il met en exergue les principales faiblesses de l’école coranique dont entre autres, la non satisfaction des élèves par rapport au contenu du programme. En effet, l’auteur soutient ce point en ces termes : « les lettrés des écoles coraniques estiment que l’école occidentale ou l’alphabétisation peuvent apporter un complément précieux à leur formation ».
Et « les maîtres se disent prêts à innover s’ils bénéficient d’une formation appropriée ». Il a également fait ressortir l’incapacité de l’institution à innover sur le plan de l’insertion d’activités socioprofessionnelle. L’auteur pour soutenir cette assertion cite Ndao qui dit que l’enseignement arabo coranique est abstrait et coupé des préoccupations économiques des apprenants et suggère que l’orientation exclusivement religieuse soit complétée par une formation professionnelle.
10 MALAM MOUSSA, L. et GALY, K. A. (1988). La diversification de l’éducation de base au Niger (3 études de cas). Institut International de Planification de l’Éducation, Paris, France.
11 MALAM MOUSSA, Laouali (1997). Étude sur les implications pratiques de l’éducation islamique au Niger. Rapport d’étude réalisée pour le compte du Center for policy studies in education, Florida State University, Tallahassee, USA.
Nous remarquons ici que ces documents dénoncent le caractère déplorable du fonctionnement des écoles coraniques, notamment les mauvaises conditions de vie et de travail des apprenants et de leurs maîtres. Ils n’ont pas, par ailleurs, manqué de montrer le rôle combien important que joue cette institution dans la lutte contre l’analphabétisme, d’où l’appel lancé aux États en vue de corriger les biais relevés :
le manque de considération vis-à-vis du sous-secteur d’éducation non formelle et l’insuffisance des ressources allouées ;
la non-prise en compte dans les statistiques nationales des chiffres issus du sous- secteur ;
l’absence d’apprentissage d’activités socioéconomiques permettant plus tard aux apprenants de se prendre en charge.
La présente étude se charge, pour sa part de faire le bilan des différentes initiatives entreprises en matière de rénovation des écoles coraniques et de proposer des solutions en vue de consolider les acquis et remédier aux faiblesses.
À travers cette première nous avons présenté une synthèse des thématiques abordées par la revue de littérature. À présent nous nous intéressons au cadre conceptuel.
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les objectifs du programme d’insertion socioéconomique pour les talibés?
Le programme d’insertion socioéconomique vise à contribuer à l’insertion socioéconomique des enfants talibés et des jeunes en situation difficile à travers des programmes d’alphabétisation et de formation professionnelle.
Comment l’ONG Mali Enjeu aide-t-elle les talibés?
Mali Enjeu aide les talibés en leur fournissant une formation en alphabétisation, en leur offrant des activités génératrices de revenus, et en apportant un soutien ponctuel comme de la nourriture et des vêtements.
Quelle est l’ambition de l’association concernant l’alphabétisation des talibés?
L’association ambitionne d’alphabétiser 500 talibés dans les écoles coraniques de Bamako et de financer les activités génératrices de revenus pour 300 autres élèves coraniques.