Cette étude révèle comment l’antibiorésistance des entérobactéries productrices de β-lactamases à spectre étendu, isolées à l’Hôpital de Sétif, est déterminée par des gènes spécifiques identifiés par PCR-Multiplex. Quels enjeux cela pose-t-il pour la lutte contre les infections nosocomiales ?
Les β-lactamases
C’est le mécanisme qui nous intéresse le plus dans notre étude. Les β-lactamases sont des enzymes bactériennes hydrolysant la fonction amine du cycle β-lactame et rendant l’antibiotique inactif avant qu’il n’atteigne sa cible : les PLP. Les β-lactamases sont des enzymes constitutionnelles ou acquises, produites par les bactéries.
Leur activité enzymatique provoque l’ouverture du cycle β-lactame et crée un intermédiaire acyl-enzyme instable qui est ensuite dégradé en acide inactif (Vodovara et al. 2013).Les gènes codant pour ces enzymes sont principalement situés sur des éléments génétiques mobiles (plasmides, transposons, intégrons) (Boyer et al. 2011).
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Source : Barrial et Scotet. 2006
Figure 4. Mode d’action des β-lactamases
Classification des β-lactamases
Les deux classifications couramment utilisées sont celle d’Ambler et de Bush, Jacoby et Medeiros. La classification structurale d’Ambler est basée sur la séquence peptidique du site enzymatique et distingue quatre classes, alors que la classification fonctionnelle de Bush et ses collaborateurs repose sur l’activité hydrolytique et la sensibilité des β-lactamases aux inhibiteurs.
Elle rend compte de leur diversité fonctionnelle au sein des quatre classes structurales d’Ambler, notamment dans sa classe A (Vodovara et al. 2013).Aujourd’hui, les classifications d’Ambler et de Bush-Jacoby-Medeiros sont considérées comme étant les plus pertinentes (Bush et al. 1995).
1. Classification d’Ambler
Les β-lactamases de classe A
Les β-lactamases de classe A, d’origine chromosomique ou plasmidique, se caractérisent par leur capacité à hydrolyser l’amide cyclique lié à la molécule de β-lactame. Cette activité hydrolytique, assurée par une sérine conservée (Ser-70)- induit la formation d’acide pénicilloïque pour la pénicilline et de céphalosporoate, analogue aux pénicillinoates, pour les céphalosporines.
Cette sérine est retrouvée dans le site actif de la β-lactamase et assure un fort taux de résistance aux pénicillines, céphalosporines et carbénicillines. Cependant, les β-lactamases de classe A sont sensibles aux inhibiteurs de β-lactamases (Livermore. 1995).
Les β-lactamases de la classe B
Les β-lactamases de classe B sont des métallo-β-lactamases et utilisent un ion de zinc (Zn2+) comme cofacteur permettant ainsi la décomposition de l’anneau β-lactame (Ambler. 1980 ; Bandoh et al. 1991). Ces enzymes ont émergés depuis une dizaine d’années, d’abord chez Pseudomonas aeruginosa et Acinetobacter baumannii, puis chez les entérobactéries et d’autres bacilles à Gram négatif.
L’importance clinique des métallo-bêta-lactamases est liée au fait qu’elles hydrolysent les carbapenèmes, composés qui échappent à l’activité des β-lactamases à sérine active. La plupart des métallo-β-lactamases hydrolysent une variété de pénicillines et de céphalosporines, et sont insensibles aux inhibiteurs suicides classiques (Bebrone. 2007).
Les β-lactamases de la classe C
Les β-lactamases de classe C, décrites en 1981 par Jaurin et Grundstrom, ont longtemps été ubiquitaires aux chromosomes de différentes espèces bactériennes entériques (Jaurin et Grundstrom. 1981).Dans la classe C, on retrouve les céphalosporinases AmpC qui sont codées par des gènes qui étaient primitivement situés sur le chromosome de nombreuses bactéries à Gram négatif telles que Citrobacter freundii, Serratia marcescens et Enterobacter spp.
Chez ces bactéries, l’expression d’AmpC est inductible, les gènes codant pour ces enzymes sont aussi présents chez E. coli, où ils ne sont pas inductibles. Ces enzymes sont résistantes à l’acide clavulanique (Philippon et al. 2002).
Les β-lactamases de la classe D
Les β-lactamases de classe D se distinguent par leur capacité à hydrolyser les pénicillines isoxazolyl (oxacilline) et la méthicilline, et sont faiblement inhibées par l’acide clavulanique. Elles sont retrouvées fréquemment chez Pseudomonas aeruginosa et Acinetobacter spp. (OXA-11, 14, 16, 17 et 19) et peu chez les enterobactéries (Paterson et Bonomo. 2005).
De plus, certains membres de cette famille, dont OXA-10 (PSE-2) et OXA-11 (Hall et al. 1993), possèdent un large spectre d’activité assurant une forte résistance aux céphalosporines de troisième génération dont la céfotaxime, le céfoperazone et la ceftazidime (Hall et al. 1993 ; Livermore. 1995).
2. Classification de Bush-Jacoby-Medeiros
Elle est établie selon les propriétés fonctionnelles de l’enzyme définies par son substrat préférentiel et son profil d’hydrolyse (Bush et al. 1995). Ces auteurs divisent ces enzymes en quatre groupes (1 à 4) avec plusieurs sous-groupes. Les bêtalactamases de la classe A sont ainsi subdivisées en 8 groupes fonctionnels 2a, 2b, 2be, 2br,2ber, 2c, 2e et 2f (Bush et Jacoby. 2010).
Cette classification phénotypique de β-lactamases pose un certain problème puisque différentes mutations ponctuelles peuvent influencer leur susceptibilité à ces substrats et inhibiteurs (Jacoby et Medeiros. 1991). Un autre aspect restrictif de cette classification relève du fait que l’attribution d’un acronyme à un gène de résistance n’a plus la même signification.
Par exemple, les β-lactamases PSE, ou « Pseudomonas Specific Enzymes », ont aussi été identifiées chez les Enterobacteriaceae, ce qui remet en question la pertinence de ce préfixe (Matthew et al. 1979).
Tableau 2. Classification global des BLSE (Bush et al. 2010) | |
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Paramètre/Critère | Description/Valeur |
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Source : Bush et al. 2010