Cette étude révèle comment l’antibiorésistance des entérobactéries productrices de β-lactamases à spectre étendu à l’Hôpital de Sétif est déterminée par des gènes spécifiques. Découvrez les implications cruciales de ces résultats pour la lutte contre les infections nosocomiales.
Les β-lactamines
Les β-lactamines demeurent les antibiotiques les plus utilisés dans la pratique clinique courante. Cette large utilisation est principalement liée à leur faible toxicité, à leur pouvoir bactéricide et à la diversité des molécules (Robin et al. 2012).
L’histoire des ß-lactamines débute depuis l’introduction de la pénicilline G en thérapeutique dans les années 1940.Il faudra attendre le début des années 1960 pour voir apparaître les premières synthèses de ß-lactamines permettant leur développement à l’échelle industrielle. Un grand nombre de molécules incluant les pénicillines, les céphalosporines, les monobactames et les carbapénémes a été développé. Cependant, la grande utilisation des ß- lactamines depuis plus de 60 ans s’est accompagnée d’une augmentation importante de la résistance bactérienne à ces antibiotiques. D’autre part, le développement de nouveaux antibiotiques connaît un franc ralentissement depuis plus de 10 ans (Robin et al. 2012).
Cette famille est caractérisée par la présence constante de cycle β-lactame associé à des cycles et des chaînes latérales variables expliquant les propriétés pharmacocinétiques et le spectre d’activité des différents produits (Cavallo et al. 2004).
Classification des β-lactamines
Quatre groupes de cette classe d’antibiotique peuvent être décrits et ce en fonction de leurs caractéristiques structurales : les pénames (pénicillines), les céphèmes (céphalosporines), les pénèmes et les monobactames (Fig.1).
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Figure 1. Structures chimiques des principales β-lactamines et inhibiteurs de β-lactamases (Nordmann et al. 2012)
1. Les pénicillines (noyau péname)
La formule générale des pénicillines associe un noyau ß-lactame à un cycle thiazolidine et une chaîne latérale en C-6 (Fig.1). Selon la nature de la chaîne latérale reliée à cette molécule, on distingue plusieurs sous-classes de pénicillines(Tab.1) (Gazengel. 2007).
2. Les céphalosporines (noyau céphème)
Les céphalosporines se distinguent chimiquement des pénicillines par le remplacement du cycle thiazolidine par un cycle dihydrothiazine (noyau « céphème ») avec un atome de soufre en position 1 (Fig.1). Ces composés sont obtenus par synthèse ou semi-synthèse, à partir de la céphalosporine C, qui est un produit de fermentation d’un champignon (Cephalosporium acremonium), grand producteur de l’acide amino-7-céphalosporanique (noyau de base) (Gazengel. 2007). On distingue cinq générations de céphalosporines (Tab.1). Elles sont classées en fonction de leur date d’apparition, qui correspond à chaque fois à l’acquisition de nouvelles propriétés :
a. Les céphalosporines de 1ère génération (C1G)
Ont un niveau d’activité assez limité vis-à-vis des bacilles à Gram (-), en raison de leur sensibilité aux β-lactamases (Nauciel et Vildé. 2005).
b. Les céphalosporines de 2éme génération (C2G)
Caractérisées par une meilleure résistance aux ß-lactamases et un spectre d’action plus large. Elles possèdent un pouvoir antibactérien un peu plus élevé (CMI plus basses) et un spectre plus large que le 1er groupe vers les entérobactéries (Gazengel. 2007).
c. Les céphalosporines de 3éme génération (C3G)
L’ensemble de leurs propriétés antibactériennes et pharmacocinétiques autorise des posologies réduites pour une efficacité accrue. Les C3G sont inactives, à des degrés divers par les β-lactamases à spectre élargi (Nauciel et Vildé. 2005).
d. Les céphalosporines de 4éme génération (C4G)
Représentées par Céfépime et Céfpirome, elles restent actives chez les entérobactéries ayant acquis une résistance aux C3G par hyperproduction d’une céphalosporinase, et inactives en cas de β-lactamase à spectre étendu. Elles sont une substitution possible aux céphalosporines de troisième génération pour le traitement de germes résistants (Hardman et Limbird. 1998).
e. Les céphalosporines de 5éme génération (C5G)
Représentées par la Ceftaroline, Ceftolozane et Ceftobiprole. Ces antibiotiques sont à usage hospitalier. La Ceftaroline a un large spectre d’activité contre de nombreuses bactéries à Gram négatif (Kenneth et al. 2017).
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Figure 2. Structure chimique de la ceftaroline (Jacquline et Tattevin. 2016).
3. Les pénèmes (Carbapénèmes)
Les Carbapénèmes sont des β-lactamines présentant un très large spectre d’activité et une grande stabilité vis à vis de la plupart des ß-lactamases. L’imipenème et le méropeneme ont été les deux premiers antibiotiques disponibles en clinique. Une troisième molécule s’est ajoutée, l’ertapénème. Parmi les nouvelles Carbapénèmes, le doripénème garde une meilleure activité sur les bacilles à Gram négatif. Les Carbapénèmes sont historiquement considérées comme le traitement de choix des infections sévères à bactéries Gram négatives (Grall et Muller-Serieys. 2013).
4. Les monobactames
L’aztréonam fut le premier monobactame fabriqué synthétiquement, il est réservé au traitement parentéral des infections à bactéries Gram (-). Son spectre d’activité est voisin de celui des C3G (bonne stabilité vis-à-vis des β-lactamases) (Gazengel. 2007).
5. Les inhibiteurs des β-lactamases
Ces substances n’ont pas une grande activité bactéricide mais ils sont capables de protéger les β-lactamines en inhibant les pénicillinases. Ce groupe est composé de :
- L’acide clavulanique, utilisé en association fixe avec l’amoxicilline (Augmentin®) ou la ticarcilline (Claventin®).
- Le sulbactam (Bétamaze®), éventuellement en association avec l’ampicilline (sulbactam 500 mg + ampicilline 1 g (Unacim®).
- Le tazobactam associé à la pipéracilline (Tazocilline®)(Gazengel. 2007).
- L’avibactam, utilisé en association avec ceftazidime, ceftaroline et aztreonam. L’Avibactam (NXL104) est un non-β-lactame inhibiteur de BLSE avec activité contre la plupart des classe A et classe C β-lactamases ainsi que certaines enzymes de classe D (Buyck et al. 2016). Actuellement, l’avibactam est en développement dans de nombreux essais cliniques.
Tableau 1. Classification des β-lactamines.
Tableau 1 : Classification des β-lactamines | ||
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Noyau | Sous-famille | Molécules |
Pénames | Pénicillines G et V Pénicillines A Pénicillines M Carboxypénicillines Uréidopénicillines Inhibiteurs de bêta-lactamases | pénicilline G pénicilline V ampicilline amoxicilline pivmecillinam oxacilline, cloxacilline ticarcilline, temocilline mezlocilline, acide clavulanique (+ amoxicilline + ticarcilline) sulbactam (seul ou + ampicilline) tazobactam (+ pipéracilline) avibactam (+ ceftazidime) |
Pénémes | Carbapénèmes | imipéneme méropéneme ertapéneme doripénéme |
Monobactames | Monobactame | aztréonam |
Céphèmes | C1G (1ère génération) | céfalotine, céfalexine, céfapirine, céfazoline, céfadroxil, céfaclor, céfatrizine, céfradine |
C2G (2ème génération) | céfamandole, céfuroxime, céfoxitine céfotétan | |
C3G (3ème génération) | céfotaxime, ceftizoxime, céfopérazone, ceftriaxone, ceftazidime, cefsulodine | |
C4G (4ème génération) | céfixime, cefpodoxime proxétyl, céfotiam hexétil | |
C5G (5ème génération) | céfépime, cefpirome ceftaroline, ceftobiprole, ceftolozane |
Mode d’action des β-lactamines
Les β-lactamines ciblent les protéines de la membrane cytoplasmique qu’on appelle les PLP (protéines de liaison aux pénicillines) ou PBP (Penicillin Binding Proteins). Ces PLP sont en effet les enzymes impliqués dans la synthèse du peptidoglycane (les transpeptidases, les carboxypeptidases et les transglycosylases). Les β-lactamines présentent une analogie structurale avec un constituant du peptidoglycane en formation, le dipeptide D-ala-D-ala qui est le substrat naturel de ces enzymes.
Elles agissent en « substrat suicide » en bloquant le fonctionnement de ces enzymes inhibant ainsi la formation du peptidoglycane. Par conséquent, cette inhibition entraîne un arrêt de la croissance bactérienne (bactériostase). Le blocage de la multiplication est suivi d’une lyse bactérienne. Le peptidoglycane est dégradé sous l’action d’autolysines, ce qui entraîne finalement la lyse (bactéricide).
Le nombre et la nature des PLP varient selon les espèces bactériennes, donc l’affinité des divers PLP n’est pas la même pour toutes les molécules des β-lactamines. L’effet d’une β-lactamine est en fonction de son affinité pour les différentes PLP de la bactérie considérée (Gaudy et Buxeraud. 2005).