Cette étude de cas sur l’ocytocine révèle la fréquence surprenante de son administration durant l’accouchement et ses indications cruciales. Découvrez comment une utilisation appropriée peut prévenir des complications maternelles et fœtales, soulevant ainsi des questions essentielles sur la pratique clinique.
Pharmacologie
- Posologies et Modalités d’administration
Deux voies d’administration sont possibles chez l’Homme : intranasale et intraveineuse. La majorité d’études utilise la voie intranasale, car plus sécurisante que la voie intraveineuse et avec l’hypothèse d’un passage cérébral direct via les nerfs olfactif et trijumeau vers le système nerveux central [35].
L’hypothèse d’un effet central de l’ocytocine administrée en périphérique pose la question d’un passage de la barrière hémato-encéphalique. Du fait de la nature hydrophile de l’ocytocine, il est probable que seulement une petite partie de la dose d’ocytocine administrée par voie intraveineuse traverse la barrière hémato-encéphalique. Mais cette dernière possède des systèmes de transport sélectifs actifs de molécules hydrophiles, et plusieurs études ont émis l’hypothèse qu’il puisse exister un passage actif d’ocytocine du sang vers le liquide cérébro-spinal [36].
La problématique d’un effet central d’une administration périphérique reste entière car le passage de la barrière hémato-encéphalique demeure controversé. De la même manière, la question se pose concernant la corrélation entre le taux d’ocytocine périphérique (sang, salive, urine) et le taux d’ocytocine au niveau cérébral [37].
Cependant, Il existe plusieurs protocoles :
- Dystocie dynamique :
Perfusion IV lente de 5 UI de syntocinon dans 500 ml de sérum glucosé isotonique 5%. La vitesse de perfusion doit être strictement contrôlée et adaptée à la réponse utérine en commençant par 4 à 8 gouttes par minute (correspondant à 0,5 mUI par minute) à ne pas dépasser 32 gouttes par minute [38].
Le protocole de Dublin utilise un débit initial de 7 mUI/minute augmenté toutes les 15 minutes jusqu’à un maximum de 40 m UI/minute. L’objectif, qui reste uniquement clinique, est d’obtenir une fréquence maximum de contractions de 7 en 15 minutes, et une vitesse de dilatation supérieure à 1 cm/heure [39, 40].
Le protocole de Magnin G. préconise 5UI de syntocinon dans 500 CC de sérum glucosé isotonique à 5%. Le débit de démarrage sera 38 gouttes par minute. Ce débit sera augmenté de 4 gouttes toutes les 10 minutes jusqu’à ce que les contractions utérines soient normalisées : 5 contractions toutes les 15 minutes ou 3 contractions toutes les 10 minutes. Le débit ne devra jamais dépasser 40 gouttes par minute [38].
Chaque fois que cela sera possible, le rythme de la perfusion sera contrôlé par une pompe de haute précision ou à l’aide d’une montre trotteuse [10]. Un laps de temps de 2 heures suffit à juger de l’efficacité de la perfusion d’ocytocine et ne doit être dépassé en cas d’échec [41, 42, 43, 44]. Si après perfusion de 500 ml (5UI d’ocytocine) les contractions régulières ne sont pas rétablies, il faudra alors interrompre cette perfusion.
Le protocole du Mali prévoit 5 UI d’ocytocine dans 500 cc de sérum glucosé et un débit de 8 gouttes par minute. Le débit doit être maintenu inférieur à 30 gouttes par minute. L’administration ne se fait jamais en IM ou IVD [9].
- Hémorragie de la délivrance, atonie du post-partum : 5 à 10 UI par voie IM ou 5 UI par voie IV lente
- Césarienne : 5 à 15 UI par voie intramurale.
- Stimulation de la sécrétion lactée : syntocinon spray nasal à 40 UI/ml. Une pulvérisation dans 1 ou 2 narines 2 à 5 minutes avant l’allaitement (1 pulvérisation
délivre 1,4 à 2,8 UI d’ocytocine).
Le protocole d’utilisation d’ocytocine de l’hôpital Jason Sendwe prévoit :
- 5 UI d’ocytocine dans 500 cc de sérum glucosé
- Dose initiale : 4 gouttes toutes les 30 minutes jusqu’à avoir des bonnes contractions utérines sans dépasser 40 gouttes/minutes
- Avant d’ajouter 4 gouttes, on apprécie toujours le régime contractile en fonction de phase
Critères de conformité :
- Dose initiale : 2 mUI/min (1,2 ml/h)
- Dose maximale si ≤ 20 mUI/min
- Délai d’augmentation ≥ 30 min
- Dose de reprise : 2 ou 2.5 mUI/min
NB :
- 1mUI = 2 gouttes
- 1mUI = 0.1ml
Transport et métabolisme
L’ocytocine n’est pas liée aux protéines plasmatiques et elle est associée avec sa protéine spécifique : la neurophysine II. La sécrétion d’ocytocine est augmentée par stimulation du corps utérin, du vagin, du sein et est diminuée par la prise d’éthanol, ce qui explique que l’alcool ait pu être utilisé autre fois comme tocolytique en cas de menace d’accouchement prématuré. Sa demi-vie dans le plasma est de 5 à 10 minutes. Elle est éliminée par le rein et dégradée par une aminopeptidase ou ocytocinase.
Actions de l’ocytocine
L’ensemble des actions de l’ocytocine sont orientées vers la naissance, le développement du lien avec le nouveau-né et le maintien du groupe social (accouchement, éjection du lait, interactions mère-enfant et sociales, comportements sexuels). Cette physiologie a été symbolisée par Legros qui compare l’ocytocine à une hormone altruiste [45].
Actions périphériques
- Action utérine
Les fibres myométriales (muscles lisses) de l’utérus contiennent des récepteurs membranaires pour l’ocytocine (mode d’action hormonale). Chez la femme, lors de l’accouchement, la distension du col utérin induite par la descente du fœtus en fin de grossesse est à l’origine du mécanisme réflexe activant la sécrétion d’ocytocine par l’hypothalamus. Parallèlement, la sensibilité et la densité des récepteurs de l’ocytocine situés dans les muscles lisses de l’utérus augmentent considérablement (200 fois). L’ocytocine se fixe alors sur ses récepteurs utérins entrainant la création d’un potentiel d’action et donc des contractions du muscle utérin, permettant l’expulsion du bébé et du placenta [46].
Action mammaire
La stimulation tactile du mamelon lors de la tétée entraîne une libération d’ocytocine par l’hypophyse postérieure. L’ocytocine se fixe sur les récepteurs des glandes mammaires situés au niveau des cellules myoépithéliales entourant les acini remplis de lait, entraînant leur contraction et l’expulsion du lait vers les canaux galactophores. L’ocytocine provoque
également la contraction des fibres musculaires entourant les canaux galactophores et ainsi permet l’acheminement du lait jusqu’au mamelon où il est éjecté [26].
Action sur le système immunitaire
L’ocytocine est exprimée à la surface des cellules épithéliales thymiques et plus spécifiquement des cellules « nourrices » thymiques, une population particulière de cellules épithéliales thymiques intervenant dans la maturation des lymphocytes T.
L’ocytocine joue un rôle dans la différenciation des lymphocytes T et dans la tolérance immunitaire centrale vis-à-vis des fonctions neuro-hypophysaires [47].
Elle renforce donc les défenses immunitaires, diminue l’inflammation et favorise la cicatrisation. Le système de sécrétion de l’ocytocine est même considéré par certains comme un organe faisant partie intégrante du système de défense immunitaire [48].
Action sur le système osseux
Ostéoblastes et ostéoclastes expriment le récepteur à l’ocytocine et sa stimulation augmente la masse osseuse. Le déficit en ocytocine ou en récepteurs à l’ocytocine prédispose à une ostéopénie sévère causée par une altération de la formation osseuse [49].
L’ocytocine est également produite par les ostéoblastes au niveau de la moelle osseuse sous contrôle positif des œstrogènes [50].
Action sur le système cardiovasculaire
Des récepteurs à l’ocytocine sont présents au niveau du tissu cardiaque et l’ocytocine stimule la libération du peptide natriurétique atrial (ANP) (hormone à action diurétique, natriurétique et vasodilatatrice) [51].
L’ocytocine possède donc des effets inotropes et chronotropes négatifs, neuromodulateurs parasympathiques ainsi qu’une action vasodilatatrice, anti-inflammatoire, anti-oxydante et des effets métaboliques au niveau cardiaque (augmentation de l’absorption de glucose par les cardiomyocytes et les cellules souches, réduction de l’hypertrophie des cardiomyocytes et du stress oxydatif, protection mitochondriale). Pour exemple de ces actions, dans l’infarctus du myocarde induit de manière expérimentale chez le rat, l’administration d’ocytocine joue un rôle cardioprotecteur en améliorant la guérison, en réduisant l’inflammation et en stimulant l’angiogenèse [52].
Cependant, l’ocytocine doit être utilisée avec prudence chez les patients prédisposés à l’ischémie myocardique en raison d’une maladie cardiovasculaire existante (p. ex. cardiomyopathie hypertrophique, cardiopathie valvulaire et/ou cardiopathie ischémique, y compris l’angiospasme coronarien), afin d’éviter les variations marquées de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque chez ces patients.
L’ocytocine doit être administrée avec prudence aux patients atteints du syndrome du QT long ou de symptômes apparentés à cet état, ainsi qu’aux patients prenant des médicaments qui allongent l’intervalle QT.
Action analgésique
Le rôle de l’ocytocine dans la modulation de la douleur a longtemps été controversé. Bien que les doses et les méthodes d’administration diffèrent sur ce thème de recherche dans la littérature.
Par ailleurs, Des recherches ont permis de caractériser le mode d’action analgésique de l’ocytocine [53, 54]. Par exemple, les travaux de Giulia Scotta sur : L’ocytocine et dépression du post-partum ont montré que dans les états douloureux inflammatoires, les récepteurs de l’ocytocine étaient fortement activés, ce qui conduit à une diminution de l’excitabilité des neurones médullaires codant pour les informations douloureuses périphériques et ainsi à une limitation des symptômes douloureux. [55]
Il a été aussi mis en évidence que l’activation des récepteurs de l’ocytocine stimulait la synthèse endogène d’allopregnanolone, un stéroïde analgésique reconnu pour ses effets médiés par les récepteurs gamma-aminobutyriques GABA de type A [56].
Actions centrales
Plusieurs revues de littérature ont montré que l’ocytocine a une action sur :
Comportements de maternage
Une corrélation positive entre l’augmentation des taux d’ocytocine entre le début et la fin de la grossesse et le lien mère-fœtus mesuré par le score Maternal Fetus Attachement Scale (MFAS), a été retrouvée. [57]
Il a été défini, durant la grossesse et le post-partum que, l’ocytocine jouait un rôle dans nombre de comportements de maternage, comme le regard, le toucher, les vocalisations, les affects positifs, la surveillance du nourrisson. [58]
Une étude s’intéressant au lien entre ocytocine et interactions parents-enfant confirmait ces données : des taux d’ocytocine plus élevés dans le sang ou la salive étaient associés à de meilleures interactions, notamment plus d’accordage, d’engagement, de marques d’affection et de stimulation lorsque les parents interagissaient avec leurs enfants. [59]
Confiance et interactions sociales
Il existerait également un lien entre l’ocytocine et la « confiance en soi et autrui ». Cependant, d’autres travaux soulignent que ces effets « facilitateurs » de l’ocytocine sur les comportements affectifs ne sont pas uniformes et dépendent du contexte. Si l’environnement est perçu comme sécuritaire par l’individu, l’ocytocine promeut un comportement pro-social ; au contraire si l’environnement est interprété comme insécure, l’ocytocine induit un comportement défensif, voire antisocial [60].
Rôle dans la régulation de l’humeur
Zetzsche et al. Ont retrouvé une réduction significative de l’ocytocine plasmatique chez des patients déprimés comparés à un groupe contrôle. [61]
Dans une autre étude, Scantamburlo et al. Mettaient en évidence une corrélation inversement significative entre les scores d’anxiété (State-Trait Anxiety Inventory (STAI)) et de dépression (Hamilton Depression Rating Scale (HAM-D)) et le taux d’ocytocine plasmatique. [62] Plusieurs revues de la littérature s’intéressant à l’association entre ocytocine et dépression s’accordaient à dire que les résultats des études étaient discordants, probablement attribuables à des différences de méthodologie (design des études, modes de dosage de l’ocytocine) et à des échantillons de petites tailles [63, 64].
Action sur le stress et l’anxiété
Les évènements stressants activent le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus et l’amygdale, connus comme étant les « centres d’alarme » du corps. L’hypothalamus produit la corticolibérine (CRH) qui libère l’ACTH au niveau de l’hypophyse, qui va ensuite stimuler la glande surrénale où vont être libérées les hormones de stress (cortisol et catécholamines). L’amygdale joue un rôle essentiel dans la gestion de nos émotions notamment dans nos réactions de peur et d’anxiété en s’activant lorsqu’un stimulus est perçu comme menaçant.
Une étude s’intéressant sur l’action de l’ocytocine sur l’axe corticotrope a démontré qu’une injection intraveineuse d’ocytocine exogène entraînait une diminution des taux de
cortisol plasmatique. Cette action inhibitrice était dose-dépendante et qu’elle était parallèle à une inhibition de l’ACTH circulante [65].
Il a été mis en évidence que l’allaitement entrainait une diminution des taux d’ACTH et de cortisol du fait d’une augmentation de l’activité ocytocinergique [66, 67]. Boutet et son équipe conclurent que l’allaitement diminuait la réponse au stress physique (douleurs mammaires, asthénie, constipation, incontinence urinaire…) par le biais de la sécrétion d’ocytocine endogène et de son action sur l’axe hypothalamohypophysaire, permettant ainsi à la mère d’être plus disponible pour son bébé. [32]
Action sur le métabolisme glucidique et lipidique
Une administration unique d’ocytocine sous forme de spray nasal a induit une diminution des taux des hormones corticotropes et une diminution de la glycémie postprandiale, sans affecter la faim [68]. Dans une autre étude, l’ocytocine intranasale a été administrée chez des patients obèses pendant 8 semaines avec une perte de poids significative (environ 9 kg) et une diminution des taux de LDL-cholestérol à la fin de l’étude, sans effet secondaire mis en évidence [69, 70].
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la fréquence d’administration de l’ocytocine pendant l’accouchement?
32,1% des parturientes ont reçu de l’ocytocine, principalement pour hypocinésie.
Quelles sont les voies d’administration de l’ocytocine chez l’Homme?
Deux voies d’administration sont possibles chez l’Homme : intranasale et intraveineuse.
Quels sont les protocoles d’administration de l’ocytocine en cas de dystocie dynamique?
Pour la dystocie dynamique, une perfusion IV lente de 5 UI de syntocinon dans 500 ml de sérum glucosé isotonique 5% est recommandée, avec un contrôle strict de la vitesse de perfusion.