L’adultère et divorce en Kabylie sont des phénomènes interconnectés, influençant le statut des femmes divorcées à Makouda. Cette étude analyse les causes du divorce, ses répercussions sur les femmes et l’évolution de leur statut entre les contextes traditionnel et moderne.
L’adultère
L’adultère selon le petit dictionnaire Larousse c’est : « le fait pour un époux de violer son serment de fidélité, de partage et d’avoir des relations sexuelles avec une personne autre que son conjoint envers qui il a affirmé ce serment ».
1 Art.341bis (loi °04-15 du 10 Novembre2004)
Certains psychothérapeutes, expliquent que l’adultère est l’expression d’un manque dans le couple. Ses origines proviennent de besoins légitimes insatisfaits. Les raisons invoquées sont :
- quand l’un rend la vie impossible à l’autre ;
- quand l’un ressent un manque d’attention et de tendresse ;
- quand l’un n’a pas l’appétit sexuel rassasié ;
- quand l’un ressent la perte de désir dans le couple.
L’adultère peut servir comme motif de divorce. Mais dans le cas que nous avons, la victime de l’adultère nous a expliqué que son mari a demandé le divorce au motif qu’elle refuserait tout rapport sexuel avec lui et non pas parce qu’il sortait avec une autre et voulait se remarier avec elle.
« Alors comment il a eu la requête, c’est parce qu’il a mentionné que je ne couche pas avec lui… Parce que si l’homme a mentionné ça sur sa femme, la justice surement va lui accorder le divorce … ». (Nadia)
La victime de l’adultère insiste que son mari a divorcé d’elle parce qu’il avait déjà une liaison avec une autre.
« Il a dit au juge : « moi je veux me remarier parce qu’elle ne veut pas coucher avec moi ».
La victime de l’adultère est sûre que son mari l’a trompée avec cette femme (Karima) en affirmant :
« Une fois une voisine m’a dit : « pourquoi tu fais rentrer cette femme (Karima) chez toi. Tu n’as pas peur pour ton mari ? » Elle rajoute dans un autre extrait : « le jour de la séance de conciliation à la justice, cette femme est venue avec lui collée à ses côtés [elle nous a montré avec des gestes comment celle-ci était colée à son mari].
Comme cette femme est de la famille de son ex-époux, elle entre souvent chez eux. Et étant donné que celui-ci est émigré, c’est-à-dire un statut social et économique recherché, elle a usé de stratégie afin de le séparer de sa femme pour prendre sa place. La victime déclare à ce propos :
« … Oui je la connais, elle est de la famille de mon ex-mari… On dit que c’est pour avoir les papiers [c’est-à-dire un statut de résidante en France] qu’elle s’est liée avec lui… » ( Nadia)
Troubles mentaux
Nous avons constaté, au cours de notre enquête que dans certaines familles, la maladie mentale est source du divorce. Une femme divorcée nous déclare ceci :
« En plus de la violence physique qu’il me faisait subir, j’ai fais part au juge des troubles mentaux dont souffrait mon ex mari. Je lui ai rajouté que si j’étais au courant de son état je ne l’aurai pas accepté dès le début ».( Hakima)
Si la maladie mentale a rompu définitivement et irréparablement la communauté des époux, le législateur donne à l’autre époux (normal) le droit de demander le divorce. Le cas de notre enquêtée illustre cela :
« Il s’endormait tous le temps, il ne travaillait pas, il ne sortait pas à l’extérieur…Tous le temps dans son lit. Il n’arrêtait pas de me demande de lui chercher des cigarettes pour fumer. J’ai patienté dans l’espoir que les choses s’arrangent. Et qu’il partira travailler. Mais les choses se sont empirés… Il est devenu agressif envers moi, il me frappait sur mes bras, sur ma bouche avec des coups de poing. Il a fait tomber toutes mes dents…»
Dans ces conditions, elle ne pouvait pas assumer ses responsabilités conjugales. Pour elle : « il n’y a qu’une mère qui peut supporter son enfant lorsqu’il souffre d’une maladie mentale ».
La relation avec la belle famille et l’absence de l’époux
En dehors des problèmes qui existent entre les époux, le divorce peut aussi survenir par l’influence de l’environnement familial.
Les tensions sont fréquentes lorsque l’épouse partage les espaces intimes (salon, cuisine, toilettes…) avec tout le reste de la famille (beaux parent, belles sœurs, beau frères…). Ce partage l’oblige à participer pleinement dans tous les travaux ménagers.
Cette situation la prive de son autonomie qui ne peut se réaliser que dans une résidence propre au couple marié.
Le cas de Fatiha (âgée de 33ans, divorcée) illustre et état de fait :
« Tteffɣent, xeddment, siwa nekk i yettɣimin deg uxxam, nekk ur xeddmeɣ yerna ur sɛiɣ ara le droit ad ruḥeɣ ɣer uxxam-nneɣ »
(Mes belles sœurs sortent travailler en dehors de la maison. Moi je ne travaille pas et je n’ai même pas le droit d’aller chez mes parents).
Elle rajoute à ce propos :
« ttwaḥeqreɣ gar tlewsatin, tamɣart, amɣar ur yesɛi ara awal, ɣelben-t-tt », (Je suis méprisée par mes belles sœurs. Ma belle mère et mon beau père sont impuissants devant elles).
Le mari de notre interlocutrice vit à l’étranger. Pour le rejoindre, il ne lui manquait que le visa. Une fois qu’elle l’ait obtenu, les problèmes se sont accentués. A propos de cet événement elle nous a relaté la réaction de sa belle mère. Celle-ci lui dit alors :
– « ayɣer ara truḥeḍ ? Acu ara txedmeḍ dinna ?
(Pourquoi veux-tu partir ? Qu’est ce que tu vas faire là-bas ? ) Elle poursuit: “Axaṭer xeddmeɣ ccɣel, d tabunict iyi- uwin”
(Parce que j’étais leur boniche j’accomplissais toutes les tâches ménagères, je suis leur femme de ménage.)
Les propos qui suivent montrent comment sa belle famille tenait à l’exploiter
« nnan-iyi-d efk-aɣ-d le passeport-im neḥwaǧǧ-it, fkiɣ-as-t s neyya, mi as-t- fkiɣ iruḥ ad t-icerreg »
(Une fois, ils m’ont demandé mon passeport. Je le leur ai donné spontanément. Il [son beau frère] a essayé de le déchirer mais je l’en ai empêché en le lui enlevant de ses mains ».
Le cas de Fatiha nous a révélé à la fois deux motifs de divorce :
Le premier c’est sa relation avec sa belle famille et le deuxième c’est la distance de son mari qui vit à l’étranger et qui ne se souciait guère de la situation et de l’injustice que sa femme vivait en son absence. Les conditions difficiles dans lesquelles elle vivait l’ont rendu malade.
« … j’étais hospitalisée deux fois, yeṭṭef-iyi lehlak, une maladie chronique, dinna i kemmlen, almi i d-usiɣ ɣer uxxam-nneɣ, d baba i iyi-yettdawin… ṭṭfeɣ-d le billet ruḥeɣ, nuggad ur d-yettas ara, yessawel-as baba i xali, yettɛicci deg Fransa, yenna-as ruḥ-d ɣer l’Italie meqqar ma ulac-it yella win yellan-nniḍen, yenna-as lameɛna ur d-ttban ara bac ur ixeddem ara les problèmes, yenna-as nekk l’Italie ur tt-ssineɣ ara, ur ssineɣ ara la langue- nsen.
Cfiɣ mi d-subbeɣ, ttwaliɣ anida ara t-waliɣ ulac, xali walaɣ, safi déjà l’assurance tella, xali yettewhi-iyi-d yeqqar dewwer mebla ma tusiḍ-d ɣur-i direct, qqimeɣ akkenni nnefs n ssaɛa, ddawareɣ, xali yettabaɛ-iyi-d kan s lebɛid almi iwala ulac iruḥ-d ɣur-i, naqqim iḍ-nni i l’Italie, xali d gma-s n yemma, azekka-nni nruḥ ɣer Fransa .
»
(J’ai été hospitalisée deux fois à cause de leurs problèmes et c’était mon père qui m’avait prise en charge. Après cela, j’ai acheté un billet pour le rejoindre en Italie. Nous l’avons mis au courant du jour et de l’heure du vol pour qu’il m’accueille à l’aéroport. Mais par crainte qu’il ne vienne pas, mon père a appelé mon oncle en France pour m’accueillir et me protéger en cas de malheur. Heureusement car mon ex mari n’est pas venu et s’est enfui en France).
L’opinion avancée dans cet entretien (cas) est qu’une femme ne restera pas auprès d’un mari qui ne peut pas lui assurer un niveau de vie convenable et qui fuit ses responsabilités envers elle. Son absence est assimilable à un abandon car l’absence physique du mari pose le problème de la solitude de la femme et si l’absence est très longue, la femme se sent délaissée. L’homme en tant que chef de ménage doit entretenir son épouse et sa progéniture.
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1 Art.341bis (loi °04-15 du 10 Novembre2004) ↑