Les voies de recours commission indemnisation soulignent la nature juridique de la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires. Cet article démontre que ces voies de recours renforcent l’identification de la commission en tant que juridiction civile spécialisée.
Le prolongement de l’instance par des voies de recours
- Les décisions rendues par la commission sont susceptibles de voies de recours. Ce qui peut permettre de renforcer l’idée selon laquelle cet organe pourrait être une juridiction d’autant plus que l’existence des voies de recours est un signe manifeste d’identification des organes juridictionnels1.
Une juridiction, comme l’a si bien démontré Monique CONTAMINE-RAYNAUD, se caractérise également par les voies de recours dont ses décisions peuvent faire l’objet2.
Deux voies de recours à caractère juridictionnel, à notre sens, peuvent être exercées à la suite des décisions rendues par la commission. Il y en a une qui a été clairement prévue : c’est l’appel (1). Il y a une autre qui est concevable : c’est la cassation (2).
1. L’appel : la seule voie de recours prévue par la loi
- L’appel est une voie de recours de droit commun (ordinaire) de reformation ou d’annulation par laquelle un plaideur porte le procès devant une juridiction de degré supérieur3. Il s’agit d’un critère de reconnaissance d’une juridiction4.
Conformément à l’alinéa 8 de l’article 37 du code de procédure pénale, les décisions de la commission sont susceptibles d’appel devant la chambre judiciaire de la Cour suprême. D’après l’alinéa 9 du même article, les délais d’appel sont ceux prévus pour le pourvoi en matière civile5.
On peut donc comprendre qu’il s’agit d’un délai de 30 jours à compter du lendemain du jour où le jugement est devenu définitif. La forme de l’appel serait-elle aussi celle du pourvoi ? A cette question, le législateur est resté muet.
À notre sens, une réponse positive est possible parce que la forme unique et simplifiée prévue par l’article 42 de la loi de 2006 est concevable surtout que c’est la même procédure qui sera applicable pour l’instruction et le jugement d’appel.
2. La cassation : une possibilité non proscrite par la loi
- Dans le fonctionnement des institutions juridictionnelles camerounaises, le pourvoi en cassation est la dernière voie de recours, tout au moins, concernant toutes les juridictions d’instance.
L’alinéa 11 de l’article 37 du code de procédure pénale dispose que « l’arrêt de la chambre judiciaire de la cour suprême statuant en appel n’est susceptible d’aucun recours ». En tout état de cause, on pourrait facilement conclure qu’aucune autre voie de recours n’est possible après l’appel devant la chambre judiciaire des décisions de la commission. Mais, les choses ne sont pas aussi simples.
En réalité, tout dépend de ce que l’on peut entendre par l’expression « n’est susceptible d’aucun recours ». Elle peut signifier qu’aucune autre voie de recours n’est plus possible, même le pourvoi en cassation. Mais, elle peut aussi signifier qu’aucun autre recours n’est possible, sauf la cassation.
C’est cette deuxième possibilité qui nous amène à ne pas exclure totalement le pourvoi en cassation comme une autre voie de recours, mais, extraordinaire, devant la commission6. Le conseil d’État français a d’ailleurs eu à se prononcer sur la signification de cette expression et a consacré la seconde hypothèse dans son arrêt du 7 février 19477.
À travers cet arrêt, la plus haute juridiction administrative française a posé le principe que le recours en cassation est toujours possible contre les décisions des juridictions statuant en dernier ressort8. Il en est ainsi, non seulement en l’absence d’un texte le prévoyant expressément, mais alors même que la loi a prévu que la décision ne serait susceptible d’aucun recours, une telle disposition ne pouvant être interprétée comme excluant le recours en cassation. Ce dernier constitue ainsi un recours de droit commun9.
- Par ailleurs, le terme « recours » n’est-il pas défini par Gérard CORNU comme l’ensemble des voies de recours à l’exception du pourvoi en cassation10.
Il semble donc logique de concevoir que le pourvoi en cassation n’est pas exclu après la décision en dernier ressort de la chambre judiciaire de la cour suprême. L’instance devant connaître de cette voie de recours pourrait alors être les sections réunies de la chambre judiciaire de la cour suprême.
On comprend alors que les voies de recours ne sont plus seulement « les moyens expressément mis à la disposition des plaideurs pour leur permettre d’obtenir un nouvel examen du procès… »11, mais aussi les moyens implicitement prévus par la loi à l’exemple du pourvoi en cassation. L’admission du recours en cassation à la suite des décisions de la commission vise simplement à donner plus de tonus aux garanties procédurales de nature juridictionnelle observables devant cette instance.
- Au total, l’instance devant la commission, dans son déroulement et son prolongement, est typiquement juridictionnelle. Ce qui constitue alors un signe non négligeable du caractère juridictionnel de cet organe.
Mais, il est clair que l’instance, qu’elle soit celle applicable devant une juridiction, ne peut être elle-même juridictionnelle que si elle est entourée des garanties tout aussi juridictionnelles12.
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1 DE LAUBADAIRE (A.) et al., Traité de droit administratif, op. cit., p. 579, n° 797 ; JAROSSON (Ch.), « Arbitrage et juridiction », Droits, n° 9, 1989, p. 109. ↑
2 CONTAMINE- RAYNAUD (M.), « La commission bancaire, autorité et juridiction » in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mél. Roger PERROT, Paris, Dalloz, 1996, p. 417. ↑
3 GUINCHARD (S.) et MONTAGNIER (G.) (S/D), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 52. ↑
4 TIFINE (P.), Droit administratif français, op. cit., p. 3. ↑
5 Selon l’art. 44 de la loi de 2006/016, « (1) Le délai de pourvoi en matière pénale est de dix (10) jours francs pour les décisions rendues au fond et de sept (7) jours francs pour les décisions avant dire droit. Ce délai est de trente (30) jours en toutes autres matières. (2) Le délai prévu à l’alinéa 1 er ci-dessus commence à courir, en matière pénale, le lendemain du jour de l’arrêt s’il est contradictoire. Lorsque la signification est prévue, ce délai court à compter du lendemain du jour de la signification s’il est réputé contradictoire et le lendemain du jour où le jugement est devenu définitif lorsqu’il s’agit des décisions rendues en dernier ressort par les Tribunaux. » ↑
6 Le système juridictionnel camerounais n’est d’ailleurs pas étranger à la reconnaissance d’une voie de recours non formellement prévu. C’est ainsi que la cour suprême du Cameroun, en son Assemblée Plénière, a reçu un recours en interprétation en matière électorale alors que la loi en la matière n’en avait pas prévu. Il s’agissait d’une demande en interprétation de son propre arrêt, rendu à la suite d’un recours en appel contre un jugement de la chambre administrative de ladite juridiction. V. Cour suprême du Cameroun/Assemblée plénière, Arrêt n° 96/A/2003-2004 du 9 juin 2004 Social Democratic Front (SDF) (Commune urbaine de Nkongsamba) c/ État du Cameroun (MINATD). Les circonstances du recours en interprétation étaient les suivantes : la décision d’acceptation ou de rejet d’une liste de candidats, prise par une Commission communale de supervision, était initialement insusceptible de recours en vertu des articles 26 et 27 de la loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élection des conseillers municipaux ; la chambre administrative de la Cour suprême a reçu un recours en annulation contre une décision de la commission communale de supervision de la commune urbaine de Nkongsamba ; l’Assemblée plénière de la même cour a ensuite reçu un recours en appel contre l’arrêt de la chambre administrative ; enfin, la même assemblée plénière a accepté un recours en interprétation de son propre arrêt. Consulter à cet effet MOUANGUE KOBILA (J.), « Droit de la participation politique des minorités et des populations autochtones. L’application de l’exigence constitutionnelle de la prise en compte des composantes sociologiques de la circonscription dans la constitution des listes de candidats aux élections au Cameroun », R.F.D.C., vol. 3, n° 75, 2008, pp. 629-664 disponible sur http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFDC&ID_NUMPUBLIE=RFDC_075&ID_ARTICLE=RFDC_075_0629 consulté pour la dernière fois le 25 novembre 2015 à 18h 35mn. En commentant cet arrêt interprétatif, le Professeur MOUANGUE KOBILA relève un intérêt d’un point de vue processuel en ces termes : « venant à la suite d’un jugement de la chambre administrative de la Cour suprême, lui-même suivi d’un arrêt d’appel, il fait figure d’arrêt de cassation dans un système qui n’en prévoit pas formellement ». V. son article précité, p. 632. ↑
7 V. C.E. 7 févr. 1947, D’AILLIERES, Rec. 50 ;( R.D.P. 1947. 68, concl. Odent, note Waline ; J.C.P. 1947. II. 3508, note Morange). Le juge dispose justement à cet effet que : « mais considérant que l’expression dont a usé le législateur ne peut être interprétée, en l’absence d’une volonté contraire, clairement manifestée par les auteurs de cette disposition, comme excluant le recours en cassation devant le Conseil d’Etat ». ↑
8 LONG (M.), WEIL (P.) et BRAIBANT (G.), Obs. sous C.E. 7 févr. 1947, D’AILLIERES in Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, op. cit., p. 305. ↑
9 LONG (M.), WEIL (P.) et BRAIBANT (G.), ibid. ↑
10 CORNU (G.) (S/D), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 864. ↑
11 CORNU (G.), ibid. ↑
12 Voir références précédentes. ↑