Les violences subies par les mineurs en milieu judiciarisé au Burkina Faso sont analysées à travers les cas de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou et du centre de Laye. L’étude identifie les faiblesses organisationnelles et les relations interpersonnelles conflictuelles comme causes principales.
1.3- REVUE DE LA LITTERATURE
Pour une meilleure compréhension du sujet, nous nous sommes intéressé à un certain nombre de documents composés d’ouvrages généraux, de mémoires de fin de cycle et de rapports d’étude. Il sera fait l’état de cette exploitation de documents, avec en point de mire les grandes lignes de leurs conclusions et leur intérêt pour la présente étude.
PANDELE G. (1977)1 dans son ouvrage intitulé « La protection des jeunes par le juge des enfants » évoque le rôle protecteur du juge des enfants dans le système judiciaire en France. Il met en exergue ce rôle tant dans le domaine social que judiciaire. En effet, l’assistance éducative se substitue à l’incarcération et se fonde sur la prise en charge aux fins d’une réinsertion sociale.
Dans cette perspective, il évoque l’assistance éducative comme mesure principale que le juge des enfants doit adopter au profit des mineurs en conflit avec la loi. Il distingue, de ce fait, la protection juridique de celle administrative. Pour lui, la procédure administrative n’est possible qu’en cas d’accord des parents et d’acceptation de coopération minimale. En cas de désaccord, c’est la procédure judiciaire qui est mise en branle.
L’auteur n’occulte pas la saisine du juge des enfants et de la procédure applicable aux jeunes en conflit avec la loi. Ainsi, il fait mention des mesures éducatives essentielles en vigueur selon deux cas de figure :
- l’un où le mineur demeure dans son cadre habituel ;
- l’autre où il est déplacé.
Pour la première situation, la mesure est l’action éducative en milieu ouvert ; quant à la seconde, les mesures sont assez diverses (confiage à une personne physique, placement). Les mesures préconisées constituent des opportunités pour l’enfant en difficulté de se « relever » ou de se reconstruire.
En somme, ces mesures comportent des similitudes avec celles qui figurent dans la loi relative à l’enfance délinquante ou en danger du Burkina Faso2 en ses articles 9 et 14. La pertinence à établir de cet ouvrage réside dans le fait qu’il nous inspire des liens de similitude dans les mesures éducatives en faveur des mineurs en milieu carcéral français avec le système de protection des mineurs incarcérés du Burkina Faso. Elles se rattachent dans la perspective de la prévention des violences que vivent les mineurs en milieu judiciarisé.
KABORE Z. Y. (2005)3, dans son mémoire de fin de cycle intitulé « La violence en institution d’internat ; réalités et perspectives : cas du centre d’éducation spécialisée et de formation (CESF) de Gampèla-Burkina Faso », a questionné la violence institutionnelle, en tenant compte de sa complexité, ses manifestations, ses facteurs de risque, ses conséquences et ses modalités de réponse. Ce questionnement l’a orienté à l’analyse des facteurs de violence dans cette institution.
Ainsi, il a émis deux hypothèses de recherche. Comme première hypothèse, il présume que les relations institutionnelles discordantes sont source de manifestation de multiples violences. Relativement à la seconde, l’auteur postule que la prise en charge institutionnelle passe par la régulation des relations institutionnelles.
Partant de ces hypothèses, il est parvenu aux conclusions suivantes :
Au titre de la première, il indique que les facteurs de risque associés à la violence sont d’ordre institutionnel, individuel, interactionnel, socio- économique, culturel et juridique. Dans cette perspective, poursuit-il, le CESF présente un certain nombre d’insuffisances qui constituent un terreau pour l’émergence ou le développement de multiples violences.
Relativement à la seconde hypothèse, il préconise deux types de régulation dont le premier serait le volet préventif qui intègre l’intervention auprès des acteurs, l’intervention sur l’environnement physique et organisationnel. Le deuxième type est d’ordre curatif et intègre l’accompagnement psychoéducatif des auteurs et des victimes et celui des situations de crise.
Cet ouvrage revêt un intérêt particulier pour nous, étant donné qu’il aborde la question de la violence spécifiquement dans une institution conventionnelle qui vise entre autres missions essentielles la rééducation caractérielle. Cette même mission est aussi confiée au milieu judiciarisé qui accueille des mineurs en conflit avec la loi. Bien que ces deux milieux soient différents ; il subsiste deux similitudes à savoir la violence et les missions assignées qui sont la rééducation et la socialisation. Partant, l’apport de cet ouvrage n’est plus à démontrer car, sans doute, il va enrichir la réflexion et inspirer la démarche dans la présente étude.
YABRE P. (2006)4, dans sa monographie de fin de cycle intitulée « Impact des Conditions de détention sur la réinsertion sociale du mineur délinquant (cas de la MACO et de Laye) », présente une étude sur la MACO et le Centre pour mineur en conflit avec la loi de Laye. Cette étude comporte deux chapitres. Le premier chapitre fait une étude comparative des conditions de détention dans ces deux établissements judiciarisés. Le second chapitre expose l’influence des conditions de vie en milieu pénitentiaire sur les mineurs qui y séjournent.
Concernant le premier chapitre, l’auteur fait remarquer en ces deux établissements une différence au niveau de l’organisation de la détention, des activités socioprofessionnelles et du processus de la réinsertion sociale.
Quant au second chapitre relatif aux influences de la détention en milieu judiciarisé sur le mineur, l’auteur démontre que ce milieu pourrait offrir aux mineurs soit une chance de resocialisation soit une école de délinquance. Au premier postulat, il admet que ce milieu pourrait offrir aux mineurs une chance de resocialisation parce qu’il offre un cadre de programme instructif adapté à ces jeunes. Ainsi, il estime que ce programme doit concilier sanction pénale et action éducative. A son avis, c’est de cette façon que le milieu judiciarisé pourrait avoir des influences positives au plan socioéconomique, culturel et social sur le mineur.
Par contre, son deuxième postulat n’occulte pas les influences négatives que subissent les mineurs qui séjournent dans lesdites institutions. Pour l’auteur, ces éléments d’influence négative sont de quatre types dont les frustrations troublantes dues aux tensions internes, la promiscuité, l’oisiveté, la soustraction du jeune de son environnement social. Il voit en ces éléments d’influence négative une agression psychologique des sujets quel que soit le confort maximal dont s’accompagne leur séjour.
Face à cet impact psychologique néfaste que pourrait avoir le séjour en milieu judiciarisé sur le mineur, l’auteur suggère le renforcement des liens sociaux avec l’extérieur dont celui des liens familiaux. Selon lui, ce renforcement de lien constitue « un facteur important à la fois pour l’humanisation et pour la réinsertion sociale ».
Cet ouvrage nous édifie sur les réalités vécues par les mineurs en milieu judiciarisé notamment à la MACO et au Centre de laye. Tout en mettant en évidence la fragilité du milieu judiciarisé à protéger les mineurs contre les violences, l’auteur défend le principe d’un meilleur encadrement des mineurs.
OUEDRAOGO E. (2007)5 dans son mémoire de fin de cycle intitulé: « La violence en milieu carcéral burkinabè. Mythes et réalités : cas de la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) », s’est proposée d’analyser la violence en milieu carcéral à travers ses formes, ses manifestations, ses facteurs et ses conséquences.
Partant de cette problématique, l’auteure avait pour but de contribuer à une meilleure compréhension du phénomène de la violence. Pour ce faire, elle a émis une hypothèse principale qui présume que les pratiques professionnelles en cours actuellement dans les maisons d’arrêt et de correction de même que les facteurs liés aux conditions de vie sont sources de violences. De cette hypothèse elle est parvenue à la conclusion que les violences identifiées dans les établissements pénitentiaires comme la MACO sont liées à des facteurs d’ordre individuel, interrelationnel et socio- économique. Compte tenu du fait qu’elles compromettent la réinsertion des mineurs détenus, l’auteure a proposé des solutions au nombre desquelles on peut citer :
- la prise en charge (PEC) des victimes de violence
- la sanction des auteurs de violence
- l’amélioration des appuis institutionnels en vue d’améliorer les conditions sociales de détention.
Cette étude nous inspire à plus d’un titre. D’une part, elle constitue pour nous les prémices de la compréhension des violences à la MACO, en termes de vivier de production. D’autre part, l’organisation sociale peut révéler un mode ou régime de vie d’où s’imbriquent des acteurs avec des missions spécifiques.
MASSN (2008)6, dans un rapport d’étude qu’il a commandité en collaboration avec ses partenaires notamment l’Unicef sur « les violences faites aux enfants ». Ce rapport a révélé que les violences contre les enfants constituent une problématique sociale ayant un effet dévastateur sur la vie de milliers d’enfants chaque année, même si elles semblent à certains égards socialement tolérées. À cet effet, quatre types de violence ont été identifiés à savoir : les violences physiques, les violences verbales, les violences psychologiques et les violences sexuelles.
Tout de même, cette étude atteste que ces violences s’exercent dans plusieurs milieux dont entre autres le milieu pénitentiaire. Au titre des violences dans les institutions dont le milieu pénitentiaire, il est donc prouvé que les mêmes typologies de violences s’y manifestent.
Ce travail constitue un éclairage pour la présente étude en ce sens qu’il aborde les violences faites aux enfants au Burkina Faso de façon générale et celles qui sévissent en milieu pénitentiaire en particulier dans la perspective d’en trouver les facteurs explicatifs.
NASSOURI T.G. (2010)7, dans son mémoire de fin de cycle intitulé : «La protection des mineurs de la Maison d’Arrêt et correction de Ouagadougou : Réalités et perspectives », aborde la problématique de la protection des mineurs. Dans cette lancée, l’étude envisage contribuer à l’amélioration du système de protection. Pour ce faire, deux hypothèses ont guidé ses investigations.
La première postule que les insuffisances des dispositifs institutionnels, juridiques et règlementaires de protection des mineurs en milieu carcéral limitent leur protection. La seconde affirme que les insuffisances des pratiques de terrain limitent la protection des mineurs en milieu carcéral. Cette démarche a conduit l’auteur aux résultats ci-après :
Au sujet de la première hypothèse, l’auteur conclut que les données aux plans organisationnel, technique et infrastructurel, sont défavorables à la protection des mineurs détenus.
A la seconde hypothèse, il confirme que dans le domaine des pratiques professionnelles, le manque de synergie, d’activités de production et de formation constituent des facteurs entravant la protection des mineurs en milieu carcéral. Ces données lui ont permis de confirmer son hypothèse principale qui postule que les insuffisances des dispositifs et des pratiques limitent la protection des mineurs en milieu carcéral.
Face au dispositif défaillant de protection des mineurs en milieu carcéral, l’auteur a fait des recommandations pour les améliorer. Ces principales recommandations sont entre autres :
- la création de nouveaux centres spécialisés de déténtion pour mineurs afin d’améliorer les conditions de leur détention ;
- la mise en place d’un comité de suivi de l’application des textes ratifiés par le Burkina faso en matière de protection de l’enfance délinquante.
Cette recherche revêt un double intérêt. D’une part, la fragilité des dispositifs de protection mise en relief pourrait nous éclairer dans la perspective de la recherche des facteurs explicatifs des violences en milieu judiciarisé. D’autre part, la MACO faisant aussi partie de la zone d’étude, les resultats nous inspirent dans l’explication des violences qui y sévissent. À travers le crible de l’analyse et la présentation organisée de la recension littéraire, les violences tendent à être une réalité manifeste multifactorielle dans le milieu judiciarisé avec des conséquences comme la déconstruction sociale du mineur. Cette recension des écrits nous inspire des postulats de base.
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1 PANDELE G. (1977), « La protection des jeunes par le juge des enfants », paris, les éditions ESF, 122 pages. ↑
2 Loi no 19-61-AN du 9 mai 1961 relative à l’enfance délinquante ou en danger (Promulguée par décret no 194 PRES/AN du 23 mai 1961). ↑
3 Mémoire de fin de cycle publiquement soutenu par KABORE Z.Y (2005) : « La violence en institution d’internat ; réalités et perspectives : cas du centre d’éducation spécialisée et de formation(CESF) de Gampèla-Burkina Faso » pour l’obtention du diplôme d’Inspecteur d’Education Spécialisée sous la direction de F. OUEDRAOGO, Administrateur des Affaires Sociales, ENSS, 101 pages. ↑
4 Monographie de fin de cycle présentée publiquement par YABRE P. (2006) : « Impact des Conditions de détention sur la réinsertion sociale du mineur délinquant (cas de la MACO et de Laye) » pour l’obtention du diplôme d’Etat d’Inspecteur de la Garde de Sécurité Pénitentiaire, ENP, 34 pages. ↑
5 Mémoire de fin de cycle publiquement soutenu par OUEDRAOGO E. (2007):« La violence en milieu carcéral burkinabè. Mythes et réalités : cas de la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) » pour l’obtention du diplôme d’Etat d’Inspecteur d’Education spécialisée sous la direction de Léonard SAWADOGO, Administrateur des Affaires sociales, ECSTS, 105 pages. ↑
6 MASSN (2008), rapport d’étude nationale sur les violences faites aux enfants, 79 pages. ↑
7 Mémoire de fin de cycle publiquement soutenu par NASSOURI T. G. (2010) « La protection des mineurs de la Maison d’Arrêt et correction de Ouagadougou : Réalités et perspectives » pour l’obtention du diplôme d’Administrateur des Affaires Sociales sous la direction de KABORE Y. Z., Inspecteur d’Éducation Spécialisée, ECSTS, 86 pages. ↑