Le système de preuve devant la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires soulève des enjeux cruciaux concernant l’appréciation des éléments de preuve. Cette étude clarifie les critères formels et matériels qui définissent son rôle en tant que juridiction civile spécialisée.
L’appréciation des éléments de preuve par la commission
- « Trancher, c’est apprécier les moyens et leur conformité à l’objet de la demande », a pertinemment souligné un auteur1. Le pouvoir d’appréciation des éléments de preuve par la commission pose un problème préalable à résoudre : celui du système de preuve applicable devant elle (1).
L’analyse de ce problème permet de mieux appréhender la question de l’appréciation des moyens de preuve par la commission (2).
1. La question du système de preuve devant la commission
- Selon les constatations pertinentes de Mireille DELMAS-MARTY2, l’indemnisation des victimes constitue une catégorie pénale issue de l’éclatement des catégories pénales classiques et se retrouve ainsi aux frontières du droit pénal, du droit administratif et du droit civil.
De cette constatation, il résulte que les règles de droit applicables devant toute instance juridictionnelle chargée spécialement de statuer sur les demandes d’indemnisation des victimes contre l’État ne sauraient être ni uniquement du droit pénal ni seulement du droit civil et encore moins exclusivement du droit administratif.
De là, se pose la question de savoir quel est le système de preuve applicable devant la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires ?
- Les règles d’appréciation de l’existence ou non des violations des droits des victimes d’erreurs judiciaires sont principalement prévues par le code de procédure pénale.
Cela a pour conséquence que les règles de preuve seront principalement issues du système de preuve pénale c’est-à-dire le système de liberté des preuves.
En revanche, puisqu’il s’agit d’une question de la responsabilité de l’État, la théorie de la responsabilité administrative devrait également intervenir3. On sait alors avec Guy CANIVET et Julie JOLY-HURARD qu’en matière d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires, il s’agit du régime de la responsabilité sans faute prouvé4.
Samuel TEPSI est alors péremptoire à ce sujet lorsqu’il écrit qu’ « au Cameroun, le système mis en place par la loi de 2005 est une application du principe prétorien de la responsabilité sans faute propre au droit public, plus précisément sur celui qui vise à éviter la rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques ».
Enfin, l’indemnisation des victimes par l’État fait nécessairement intervenir les règles de droit civil puisqu’il s’agit d’une matière n’entrant pas dans le droit administratif pénal et qu’en la matière, la responsabilité de l’État s’analyse ici comme une forme de « désindividualisation de la responsabilité civile »5.
- Ainsi comprise, l’appréciation des différents moyens de preuve par la commission aura pour fondement principalement les dispositions du code de procédure pénale et subsidiairement les règles de droit civil ou de droit administratif.
Si le système de preuve est connu, qu’en est-il des moyens de preuve appréciables par la commission ?
2. L’appréciation des moyens de preuve par la commission
- Les parties devant la commission, pour soutenir leurs prétentions respectives, peuvent produire tout moyen de fait ou de droit afin d’emporter la conviction des membres de ladite instance.
La commission, à son tour en tant qu’instance neutre et arbitrale, appréciera de manière souveraine les divers moyens produits par les parties. Elle pourra ainsi déclarer recevables tels moyens et irrecevables tels autres sans avis des parties ou de qui que ce soit.
De manière concrète, la commission appréciera le caractère opérant des preuves produites par les parties et le caractère loyal de celles-ci.
Le caractère opérant des éléments de preuve permet à la commission de rejeter ceux qui, même s’ils sont admis, n’auront aucune incidence sur la solution du litige. Par exemple, la commission rejettera la décision de non-lieu s’il n’y a eu lieu qu’un non-lieu partiel.
Le caractère loyal6 des éléments de preuve permet à la commission de rejeter les moyens qui n’auront pas été débattus ou n’auront été produits que tardivement. Il s’agit déjà ainsi de la manifestation du pouvoir de décision que détient la commission et qui est au cœur même de toute son activité.
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1 SARGOS (P.), « La prise en compte des grands paramètres de la décision judiciaires » in L’office du juge, op. cit., p. 321. ↑
2 DELMAS-MARTY (M.), Les grands systèmes de politique criminelle, Paris, PUF, 1ère éd., 1992, p. 16. ↑
3 TEPSI (S.), « L’indemnisation des détentions provisoires dans le nouveau code de procédure pénale », op. cit., p. 184. ↑
4 CANIVET (G.) et JOLY-HURARD (J.), « La responsabilité des juges, ici et ailleurs », R.I.D.C. Vol. 58 N°4, 2006, p. 1064. Disponible sur https://www.courdecassation.fr/IMG/File/pdf_2007/publications_2007/responsabilite_juges.pdf ; date de la dernière consultation : le 10 septembre 2016 à 19h 52mn. ↑
5 DELMAS-MARTY (M.), Le flou du droit, Paris, PUF, 1ère éd., 2004, p. 91. ↑
6 [Note manquante – référence originale non fournie]. ↑