La recevabilité de la requête ICJ est au cœur des débats dans l’affaire International Commission of Jurists v. Attorney General, où la Cour kenyane examine les arguments des autorités sur le non-respect des exigences légales par la requérante. Cette analyse met en lumière les tensions entre le droit régional et le droit universel.
PREMIERE PARTIE.- LES PROBLEMES DE RECEVABILITE DE LA REQUETE DE L’ICJ
Dans l’affaire International Commission of Jurists v. Attorney General and Minister of State for provincial administration and Internal Security, la Cour kenyane a été confrontée à la question de la recevabilité de la requête de l’ICJ. En effet, au cours des débats, les autorités gouvernementales kenyanes ont demandé à la Cour kenyane de rejeter la requête de l’ICJ, au motif que la requérante ne satisfait pas les exigences relatives à la qualité d’ester en justice et à l’intérêt pour agir1. Ces prétentions des autorités gouvernementales kenyanes semblent ne pas avoir convaincu la Cour kenyane ni même suscité son ralliement. Puisque par un raisonnement peu convaincant et mollement soutenu, elle a jugé que la demande de l’ICJ était recevable2.
La recevabilité d’une action en justice découle du respect de l’ensemble des conditions exigées pour que la juridiction saisie et compétente puisse statuer sur le fond de l’affaire3. Elle est subordonnée au respect des exigences que le demandeur doit remplir et que le juge doit examiner au préalable, en l’occurrence la justification de la qualité et de l’intérêt pour agir4. L’appréciation de ces conditions s’exerce de manière souveraine par le juge. Les conditions de recevabilité qui doivent être remplies pour qu’une demande en justice soit traitée au fond tiennent souvent au respect des délais de procédure, au respect de la procédure proprement dite, à la qualité et à l’intérêt des parties5. En l’espèce, les problèmes de recevabilité qui ont été soulevés par les autorités gouvernementales kenyanes soulèvent en toile de fond la question de l’accès des ONG (l’ICJ) à la justice6, dans la mesure où ces dernières, de par leur militantisme et leur activisme, s’immiscent de plus en plus dans les affaires réservées à la compétence (même exclusive) des autorités gouvernementales7.
L’examen des problèmes relatifs à la qualité et à l’intérêt du demandeur (chapitre I) précédera l’analyse des questions de procédure (chapitre II).
Chapitre I.- LA QUALITE ET L’INTERET DU DEMANDEUR
Dans l’affaire qui a opposé l’ICJ aux autorités gouvernementales kenyanes, la Cour kenyane a été confrontée au problème de la qualité et de l’intérêt de l’ICJ pour la saisir à l’effet d’obtenir un mandat d’arrêt provisoire à l’encontre d’Omar El BECHIR. En effet, les autorités gouvernementales kenyanes ont soutenu que le demandeur ne satisfait pas les exigences liées notamment à la qualité et à l’intérêt à agir.
Les exigences liées à la qualité et à l’intérêt du demandeur revêtent ainsi une importance particulière en ce sens qu’elles conditionnent la recevabilité d’une demande en justice8. D’autant que, si le demandeur ne remplit pas ces conditions, il revient au juge de constater et de sanctionner ce défaut de qualité et d’intérêt en rejetant sa demande9.
Pour trancher le problème relatif à la qualité et à l’intérêt du demandeur soulevé par les autorités gouvernementales, la Cour kenyane a dû examiner successivement les questions de la qualité de l’ICJ (section I) et son intérêt à agir (section II).
Section I.- La question de la qualité de l’ICJ
Dans sa requête introductive d’instance, l’ICJ entendait fonder sa qualité de requérant conformément à l’ICA, notamment dans sa Section 32 qui, selon elle, donne la possibilité à toute personne, y compris les ONG, d’obtenir l’émission d’un mandat d’arrêt contre tout suspect recherché par la CPI, lorsque le gouvernement refuse d’agir10. Dans leurs conclusions, les autorités gouvernementales kenyanes ont, quant à elles, soutenu que l’ICJ n’avait pas qualité pour demander l’émission d’un mandat d’arrêt provisoire à l’encontre d’Omar El BECHIR, au motif que ̏ the request for a provisional warrant can only be made by the ICC […]̋ 11 et par conséquent elle n’a pas de locus-standi12(l’intérêt à agir) pour introduire sa requête auprès de la Cour kenyane. Selon ces autorités, seule la CPI a qualité pour demander l’émission d’un mandat d’arrêt provisoire à l’encontre de toute personne suspectée d’avoir commis des crimes prévus dans son Statut.
Il faut noter que, lorsque la CPI demande l’arrestation d’un suspect, celle-ci est appliquée par l’Etat requis « conformément à sa législation »13. Chaque Etat prévoit ainsi les modalités d’exécution des demandes de la CPI, comme il est prescrit dans l’article 88 du Statut de ladite juridiction dont la teneur est : « [l]es Etats Parties veillent à prévoir dans leur législation nationale les procédures qui permettent la réalisation de toutes les formes de coopération visées dans le présent chapitre »14. Au Kenya, conformément à l’ICA, seules les autorités judiciaires et politiques semblent avoir la qualité pour exiger l’application des décisions de la CPI.
Pourtant, pour répondre à la question fondamentale de savoir ̏ who should implement the instructions of the Pre-trial Chamber 1̋15, la Cour kenyane n’a pas jugé utile de se pencher sur les instruments pertinents que les autorités gouvernementales kenyanes ont invoqués, notamment le Statut de Rome et l’ICA. Ce faisant, l’on s’intéressera à la pertinence du Statut de la CPI et de l’ICA en vue de la détermination de la qualité de l’ICJ (§ 1).
La Cour kenyane a plutôt invoqué d’autres motifs pour juger que ̏ […] the ICJ- Kenya Chapter, the Applicant, has the necessary locus-standi to bring this application ̋ 16. D’où la nécessité d’analyser la question du jus-standi (le droit d’agir) de l’ICJ qui lui a été accordée par la Cour kenyane (§2).
§1.- La pertinence du Statut de la CPI et de l’ICA en vue la détermination de la qualité de l’ICJ
Il est regrettable de noter que la Cour kenyane n’a pas tranché la question de la qualité du demandeur, conformément aux énonciations du Statut de Rome et aux dispositions de l’ICA, qui indiquent pourtant les principaux intervenants dans les affaires relatives à l’arrestation provisoire. Il convient de s’attarder sur la teneur des paragraphes 1 de l’article 92 du Statut de la CPI et de la Section 32 de l’ICA qui sont au cœur du problème de la qualité de l’ICJ (A).
Bien que déterminants dans la coopération entre la CPI et le Kenya, la lecture de ces deux articles semble insuffisante pour déterminer la qualité de demandeur dans le cas d’espèce. Aussi, aurait-il fallu que la Cour kenyane recourût à l’interprétation par le contexte qui consiste à analyser la norme en tenant compte de son but, de son objet, ainsi qu’aux travaux préparatoires susceptibles de permettre de dégager la volonté de l’auteur de la norme et de permettre à toute juridiction devant laquelle une question d’interprétation de la norme se pose de « franchir les obstacles rencontrés par une lecture exégétique [de celle-ci] »17. Dans le cas d’espèce, cette interprétation aurait aidé à déterminer la qualité de l’ICJ à pouvoir agir18, car l’on a pu relever l’insuffisance des seuls articles 92 du Statut de la CPI et 32 de l’ICA dans la détermination de la qualité du demandeur (B).
A.- La teneur des paragraphes 1 de l’article 92 du Statut de la CPI et de la Section 32 de l’ICA
Le paragraphe 1 de la Section 32de l’ICA dont l’intitulé est ̏ Provisional arrest warrant ,̋ se lit comme suit :
A Judge of the High Court may issue a provisional warrant in the prescribed form for the arrest of a person if the Judge is satisfied on the basis of the information presented to him that-
- A warrant for the arrest of a person has been issued by the ICC or, in the case of a convicted person, a judgment of conviction has been given in relation to an international crime;
- The person named in the warrant or judgment is or is suspected of being in Kenya or may come to Kenya; and
- It is necessary or desirable for an arrest warrant to be issued.
Après avoir énoncé la teneur du paragraphe 1 de la Section 32 de l’ICA, il faut relever qu’à ce niveau, cette disposition reste silencieuse, floue, imprévisible et incertaine sur la qualité du demandeur au Kenya19 ; elle ne dit non plus, de façon précise, qui doit donner voire, présenter des informations sur la base desquelles la Cour kenyane doit émettre le mandat d’arrêt20. Cette imprécision de la Section 32 a pour conséquence d’ouvrir l’accès au juge à des personnes qui n’en ont pas qualité, ou qui ne sont pas mentionnées dans l’ICA.
Il convient de souligner que cette Section 32 dérive directement ou s’inspire de l’article 92 du Statut de la CPI21. Et c’est sur ce fondement que les autorités gouvernementales kenyanes ont demandé à la Cour kenyane de se référer aux énonciations de cet article pour résoudre le problème relatif à la qualité du demandeur. Selon ce paragraphe 1 de l’article 92 du Statut de Rome, « [e]n cas d’urgence, la Cour peut demander l’arrestation provisoire de la personne recherchée en attendant que soient présentées la demande de remise et les pièces justificatives visées à l’article 91 ».
Au regard de l’énoncé de cet article, il convient de relever que la CPI apparaît comme la requérante indirecte, en ce sens qu’elle n’agit pas directement auprès des juridictions nationales; ses demandes étant adressées à l’Etat requis22 qui prévoit dans son organisation interne l’autorité susceptible de les recevoir et de demander au juge national leur application à travers l’émission de mandats d’arrêt, si nécessaire23.
Si la CPI peut enclencher la procédure sur le plan externe en demandant aux Etats parties d’arrêter tout suspect faisant l’objet d’un mandat d’arrêt comme l’ont fait remarquer les autorités gouvernementales kenyanes24, il revenait à la Cour kenyane de voir, qui de l’ICJ ou du Ministre, a qualité pour servir de « courroie de transmission obligée de toutes les demandes de coopération émanant de la [CPI]»25, c’est-à-dire qui peut demander à la Cour kenyane d’ordonner l’arrestation d’Omar El BECHIR conformément à l’ICA.
Etant donné que la Section 32 de l’ICA, sur laquelle l’ICJ entend fonder son droit d’agir, disposition dont l’interprétation a été contestée par les autorités gouvernementales kenyanes, semble inapte à trancher le débat sur la qualité du demandeur, en raison du fait qu’elle a été rédigée en des termes équivoques26, la Cour kenyane devait logiquement invoquer les autres dispositions de cette loi qui régit la coopération entre le Kenya et la CPI pour dégager le sens exact de ladite section.
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1 Dans les Affaires du Sud-ouest africain, la CIJ a dit pour droit que seul le titulaire d’un droit subjectif peut le faire valoir en justice. Voir CIJ, Affaires du Sud-ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud), (Libéria c. Afrique du Sud), 2ème phase, arrêt du 18 juillet 1966, Rec. 1966, p. 47, §88. ↑
2 Voir Kenya Section of the International Commission of Jurists v. Attorney general and Minister of State for Provincial Administration and Internal Security, op. cit. (note n° 2), pp. 19 – 20. Pourtant, Maryline GRANGE note que l’irrecevabilité de la requête est l’unique sanction envisageable à tout défaut d’une condition d’ester en justice. Voir Maryline GRANGE, Compétence du juge et recevabilité de la requête : leurs relations dans l’exercice du pouvoir juridictionnel. L’exemple de la Cour internationale de justice, Thèse de doctorat en droit, Université Panthéon – Assas, 2011, 729 pp. (spéc. p. 79). ↑
3 Voir Carlo SANTULLI, « Observations sur les exceptions de recevabilité dans l’affaire du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) », AFDI, vol. 48, 2002, pp. 257 – 280 (spéc. p. 269). Cet auteur rappelle à juste titre que la recevabilité d’une demande en justice est subordonnée au respect des conditions posées par les textes. Elle peut varier selon les juridictions ou selon les types d’actions. Aussi, évoque-t-il les conditions « générales » et les conditions « spéciales » de recevabilité. ↑
4 Voir Maryline GRANGE, Compétence du juge et recevabilité de la requête : leurs relations dans l’exercice du pouvoir juridictionnel. L’exemple de la Cour internationale de justice, op. cit. (note n° 147), pp. 85ss. Cette auteure établit un lien entre la recevabilité de la requête, la compétence de la juridiction saisie et le fond de l’affaire qui dépendent en amont de la satisfaction par le demandeur des conditions liées à sa qualité et à son intérêt pour agir. ↑
5 Voir Emmanuelle JOUANNET, « La saisine en droit international ou la simplicité dans la diversité », in : Hélène RUIZ – FABRI / Jean – Marc SOREL, La saisine des juridictions internationales, Paris, Pedone, Collection Contentieux International, 2006, pp. 307 – 317 (spéc. pp. 316-317). Selon Carlo SANTULLI, les conditions de recevabilité sont des questions qui « mettent en cause l’aptitude à exercer la fonction juridictionnelle dans une affaire dont la juridiction peut connaître ». Voir de cet auteur, « Observations sur les exceptions de recevabilité dans l’affaire du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) », op. cit. (note n° 148), p. 269. ↑
6 Voir Isabelle SOUMY, L’accès des organisations non gouvernementales aux juridictions internationales, op. cit. (note n° 129), p. 13. Voir aussi Roberto BRUNO, « Acces of private parties to international dispute settlement : a comparative analysis », http://www.jeanmonnetprogram.org/papers/97/97-13.html (consultée le 17 juillet 2014). ↑
7 On évoque ici la requête que l’ONG sud africaine, la SALC a introduite, en juin 2015, auprès de la Haute Cour de Pretoria pour qu’elle se prononce sur la non-exécution par les autorités gouvernementales sud-africaines des mandats d’arrêt de la CPI contre Omar El BECHIR, à l’occasion de la participation du chef de l’Etat soudanais au 25ème Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UA, tenu à Johannesburg les 14 et 15 juin 2015. Voir Southern African Litigation Center v. Minister of Justice and Constitutional Development and others, op. cit. (note n° 7). ↑
8 Voir Maryline GRANGE, Compétence du juge et recevabilité de la requête : leurs relations dans l’exercice du pouvoir juridictionnel. L’exemple de la Cour internationale de justice, op. cit. (note n° 147), p. 88. Elle évoque en effet la recevabilité de la requête comme « garante du droit d’action des parties ». ↑
9 Ibid., p. 79 ↑
10 Voir International Commission of Jurists v. Attorney General and Minister of State for Provincial Administration and Internal Security, op. cit. (note n° 2), pp. 9 – 10. ↑
11 Ibid., p. 10. ↑
12 Le locus-standi est défini comme ̏ [t]he right to bring an action or challenge some decision ̋. Cf. A Dictionnary of Law, Oxford University Press, 5th ed., 2001, 551 pp. (spéc. p. 296). Raymond RANJEVA le définit comme « le droit d’être entendu directement par le juge ». Voir de cet auteur, « Les ONG et la mise en œuvre du droit international », RCADI, vol. 270, 1997, pp. 19 – 102 (spéc. p. 50). Pour Pierre-Marie DUPUY, le locus-standi est « un droit d’action en justice ». Voir de cet auteur, « L’unité de l’ordre juridique international », RCADI, vol.297, 2002, pp. 4 – 490 (spéc. p. 114). ↑
13 Cf. article 59 du Statut de la CPI. ↑
14 Cf. article 88 du Statut de la CPI. Voir également Eric DAVID, « La Cour pénale internationale », op. cit. (note n° 113), p. 442. Cet auteur souligne que les « Etats doivent adopter les lois nécessaires pour déterminer les procédures applicables aux diverses formes de coopération [avec la CPI] ». Voir aussi Spyridon AKTYPIS, « L’adaptation du droit pénal français au Statut de la Cour pénale internationale : état des lieux », Droits-fondamentaux, n° 7, janvier 2008-décembre 2009, 35 pp. (spéc. p. 7). ↑
15 Voir International Commission of Jurists v. Attorney General and Minister of State for Provincial Administration and Internal Security, op. cit. (note n° 2), p. 16. ↑
16 Ibid., p. 19. ↑
17 Voir Olivier De SCHUTTER, « Les mots du droit : une grammatologie critique du droit international public », RQDI, vol. 6, n° 2, 1989 – 1990, pp. 120 – 132 (spéc. p. 128). Sur l’interprétation par le contexte, voir aussi François LUCHAIRE, « De la méthode en droit constitutionnel », RDP, n° 2, 1981, pp. 275 – 329 (spéc. p. 322); voir aussi Olivier CORTEN, « Les techniques reproduites aux articles 31 à 33 des Conventions de Vienne : approche objectiviste ou approche volontariste de l’interprétation », RGDIP, 2011 – 2, pp. 352 – 366 (spéc. pp. 354ss). ↑
18 Voir Philippe CURRAT, « L’interprétation du Statut de Rome », RQDI, vol. 20.1, 2007, pp. 138 – 164 (spéc. pp. 144 – 145). Cet auteur conseille vivement de ne pas « appliquer une disposition au point de la mettre en contradiction avec d’autres éléments du traité [ou de la loi] donnant au texte un sens incompatible avec sa lettre, son esprit, sa fonction, son objet ou son but ». ↑
19 Jean CARBONNIER lançait déjà un avertissement à propos du caractère flou et incertain du droit, car ses incertitudes font naître chez les citoyens un sentiment d’insécurité juridique. Voir de cet auteur, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10ème éd., Paris, LGDJ, 2001, 493 pp. (spéc. pp. 200 – 210). ↑
20 L’on doit relever que l’ICA ne permet pas au juge de s’autosaisir. ↑
21 La Section 32 de l’ICA fait clairement référence à l’article 92 du Statut de la CPI. Selon les autorités gouvernementales, la Cour kenyane aurait dû s’inspirer de cet article pour trancher le débat relatif à la qualité de demandeur. Voir International Commission of Jurists v. Attorney General and Minister of State for Provincial Administration and Internal Security, op. cit. (note n° 2), p. 9. ↑
22 Il faut noter que ce mode de fonctionnement voire d’exécution des demandes d’arrestation et de remise des suspects à la CPI n’est pas propre à celle-ci car, en 2003, lorsque le TSSL a émis un mandat d’arrêt contre le président libérien Charles TAYLOR, alors qu’il effectuait un voyage officiel au Ghana pour participer aux négociations de paix avec les groupes rebelles en vue de mettre un terme à la guerre civile qui ravageait ce pays, ce mandat d’arrêt avait été transmis aux autorités ghanéennes qui devaient en assurer l’exécution. Cela revient à dire que seules les autorités politiques et judiciaires ont qualité pour intervenir dans le processus d’application des demandes des JIP. Voir Cesare P. R. ROMANO / André NOLLKAEMPER, « The arrest warrant against the liberian president Charles TAYLOR », ASIL Insights, june 2003, www.asil.org/insight110.fm (consultée le 25 juillet 2013). ↑
23 Dans la plupart des législations nationales de mise en œuvre du Statut de la CPI, l’on a prévu les autorités compétentes pour recevoir les demandes de coopération de la CPI et les faire exécuter. L’autorité habilitée à recevoir ces demandes peut être soit une autorité judiciaire, en raison de la nature judiciaire des demandes qui sont susceptibles d’être présentées par la Cour; soit une autorité politique (ministre des affaires étrangères, ministre de l’intérieur) au regard du caractère politique et de la sensibilité du contenu des demandes.
En RDC par exemple, c’est le Procureur général auprès de la Cour de cassation qui est chargé de recevoir et de veiller à l’exécution des demandes de coopération de la CPI. Il a donc auprès des juridictions congolaises la qualité de demandeur, en ce sens que dès qu’il reçoit une demande de la CPI, il la défère ou la transmet aux juridictions congolaises compétentes qui sont donc chargées d’émettre les mandats d’arrêt.
Voir Joseph KAZADI MPIANA, « La Cour pénale internationale : 10 ans après. Etude de l’impact du Statut de Rome dans le droit interne congolais », RQDI, vol. 25.1, 2012, pp. 58 – 90 (spéc. p. 69). Dans l’Accord de coopération judiciaire signé entre le Bureau du Procureur et la RDC le 6 octobre 2004 qui est le texte de base de la coopération qui régit la RDC et la CPI, et en l’absence d’une loi de mise en œuvre du Statut de la CPI, le Procureur général auprès de la Cour de cassation est le « responsable de la communication et du suivi des demandes de coopération et d’assistance, il coordonne l’ensemble de la coopération entre la RDC et le Bureau de Procureur ». Voir Makelele Kabunda, « La coopération entre la CPI et la RDC : à l’épreuve de la pratique », in : Avocats Sans Frontières, Les 10 ans de la Cour Pénale Internationale, bilan et perspectives. Recueil des actes des journées scientifiques tenues à Kinshasa, RDC, du 23 au 25 octobre 2012, pp. 70 – 83 (spéc. p. 78). ↑
24 Cette position de la CPI se trouve d’ailleurs cristallisée dans le Statut de Rome et dans l’ICA. Voir International Commission of Jurists v. Attorney General and Minister of State for Provincial Administration and Internal Security, op. cit. (note n° 2), p. 10. ↑
25 Voir Makelele Kabunda, « La coopération entre la CPI et la RDC : à l’épreuve de la pratique », op. cit. (note n° 168), p. 79. ↑
26 Voir CIJ, Affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt 2001, Rec. 466, p. 494, §77. Dans cette espèce, la CIJ a rappelé les mauvaises interprétations des textes que peut entraîner leur rédaction en des termes équivoques. ↑