Le Modèle Économique des Associations
Que ce soit au sein d’une entreprise privée ou d’une association, l’élaboration et la gestion d’un modèle économique robuste sont impératives pour favoriser la croissance et la pérennité de l’entité. Cette construction et cette gestion revêtent une importance primordiale, qu’il s’agisse d’une organisation privée ou à but non lucratif. Selon Thierry Sibieude, spécialiste de l’Entrepreneuriat Social à l’ESSEC, le modèle économique des associations présente des caractéristiques distinctives incluant la nécessité de diversifier les sources de financement, de valoriser les ressources humaines et d’établir des partenariats variés. Ces trois piliers jouent un rôle crucial dans la mise en place d’un modèle économique associatif efficace.
Le premier pilier majeur concerne les ressources humaines, qui occupent une place centrale dans le recrutement et la gestion des individus au sein des associations. La reconnaissance de leur parcours, le suivi continu de leur adéquation avec les objectifs du projet et le maintien de leur engagement contribuent au succès global de l’association.
D’après Thierry Sibieude, deux catégories de ressources humaines se dégagent : les internes, regroupant les bénévoles, les salariés et les services civiques, qui assurent la stabilité et la direction de l’organisation, et les externes, englobant les partenariats de mécénat ou de bénévolat de compétences. Ces nouvelles formes de partage de compétences répondent aux aspirations croissantes des employés et apportent une motivation supplémentaire aux entreprises engagées dans ces collaborations.
Le deuxième pilier repose sur les ressources financières, qui se diversifient bien au-delà des simples cotisations des membres ou des subventions publiques. La modernisation des méthodes de financement et l’amélioration de la collecte de fonds sont essentielles pour les renouveler. Selon Arthur Gauthier, Directeur général de la Chaire Philanthropie de l’ESSEC Business School, les dons progressent face à la diminution des subventions publiques et à l’intensification de la concurrence entre les associations.
L’utilisation de plateformes de financement participatif, par exemple, élargit le groupe de donateurs au-delà des profils traditionnels, touchant des personnes plus jeunes, diversifiées et éduquées. Cependant, les associations doivent anticiper ces nouvelles tendances tout en maintenant leurs liens avec les donateurs historiques. Par ailleurs, une évolution marquante est l’accroissement de la professionnalisation des structures financières et juridiques des associations, renforçant leur expertise dans ces domaines au fil des années.
Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM Téléthon, souligne que la quête de retour sur investissement n’est pas réservée aux entreprises lucratives. Les associations doivent également valoriser leur impact tout en préservant leur gouvernance désintéressée et leur vocation non lucrative. Ainsi, les décisions financières et budgétaires des associations sont aujourd’hui orientées vers l’efficacité et la rationalisation des coûts, au même titre que pour les entreprises.
Enfin, le troisième pilier s’appuie sur l’établissement de partenariats stratégiques, que ce soit entre associations, avec des entreprises ou avec les pouvoirs publics. Une vision partagée, malgré les intérêts divergents, est cruciale pour toutes les parties prenantes. Une définition claire des contreparties attendues avant de conclure le partenariat, en impliquant l’ensemble des acteurs du projet, est essentielle.
Malgré les défis liés à la diversité des cultures et des intérêts, ces collaborations sont un levier clé du modèle associatif, étroitement lié aux stratégies de ressources humaines et financières des associations. Actuellement, ces partenariats visent une co-construction, alliant savoir-faire économique et opérationnel à un savoir-faire social. Au-delà de la simple complémentarité, ces alliances favorisent la transparence qui nourrit le modèle économique commun.
Un modèle économique associatif solide repose sur la diversification des sources de financement, la valorisation des ressources humaines et l’établissement de partenariats stratégiques. Une compréhension approfondie et un équilibre optimal entre ces piliers garantissent le développement et la durabilité des associations, indépendamment de leur domaine d’activité.
Les Relations Entre Associations et Entreprises
Nicolas Rossignol, le président et fondateur de l’association Tous contre le cancer, souligne l’importance des relations B-to-B entre les associations et les entreprises. Ces liens reposent sur des valeurs partagées et une cohérence d’actions qui permettent de financer des projets concrets plutôt que de financer directement l’association. De plus, ces relations offrent l’opportunité d’impliquer les collaborateurs dans des actions de sensibilisation au sein des associations.
Cependant, les disparités culturelles entre le monde associatif et celui des entreprises peuvent entraver ces rapprochements. Néanmoins, l’émergence de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) incite à trouver des modèles favorisant un équilibre entre efficacité commerciale et engagement sociétal. Thierry Sibieude identifie quatre modèles de partenariats possibles :
- Le mécénat : Les entreprises apportent un soutien financier ou matériel aux associations sans attendre un profit direct en retour. Ce soutien peut également se matérialiser sous la forme de mécénat de compétences, où les employés de l’entreprise mettent leur expertise au service de l’association. Cette approche permet aux entreprises de bénéficier d’avantages fiscaux encourageant leur engagement associatif.
- Les pratiques responsables : Dans ce type de partenariat, les associations partagent leurs connaissances avec les entreprises pour les guider vers l’adoption de pratiques socialement responsables.
- La coopération économique : Les associations et les entreprises collaborent pour développer ensemble des solutions répondant à des besoins spécifiques au sein d’un territoire donné.
- L’innovation sociétale : Les associations et les entreprises s’engagent dans des activités de recherche et développement conjointes pour créer des solutions novatrices face à des enjeux sociaux ou environnementaux.
Cette relation entreprises-associations présente des avantages potentiels pour les deux parties en matière de responsabilité sociale et sociétale. Les entreprises peuvent soutenir des causes d’intérêt général tout en améliorant leur image de marque et en renforçant leur stratégie marketing grâce à la visibilité médiatique des partenariats. De plus, ces collaborations mobilisent les collaborateurs autour de valeurs communes, renforçant leur engagement et leur fidélité. Parallèlement, les associations bénéficient de ressources financières, de compétences spécifiques, de produits et services gratuits pour soutenir leur mission sociale.
Toutefois, cette relation n’est pas exempte de risques, les entreprises peuvent être perçues comme opportunistes et instrumentalisant les associations à des fins de marketing, ce qui peut ternir leur réputation. De plus, la dépendance excessive vis-à-vis des entreprises peut entraîner une baisse des dons directs aux associations, conséquence indésirable de certains partenariats commerciaux.
Le succès de ces collaborations réside dans la création d’un équilibre financier et humain entre les deux parties, la claire définition des objectifs et des attentes, et d’éviter une gratuité excessive qui pourrait déséquilibrer la relation. Pour maximiser l’impact positif sur la société impliquée, il convient de mettre en place un processus structuré adapté aux défis, une communication transparente, une répartition équitable des ressources avec une évaluation régulière des résultats.
Une approche optimale pour l’entreprise consiste à établir des partenariats à long terme intégrés en interne. Cette démarche permet aux entreprises de rendre compte régulièrement de leur impact et de leur contribution sociale, renforçant ainsi leur légitimité et consolidant leur positionnement RSE en harmonie avec leurs objectifs de responsabilité sociétale des entreprises.
La relation entreprises-associations peut être mutuellement bénéfique, mais nécessite une approche équilibrée, une cohérence entre les valeurs des deux parties et une compréhension des avantages et des risques liés à ce type de collaboration. Un processus bien structuré s’avère essentiel, en incluant des objectifs précis, des protocoles, une adaptation aux défis et une évaluation régulière pour maximiser l’impact, tout en bénéficiant d’un leadership fort.
État Actuel du Secteur Associatif : Mutations et Limites
Le secteur associatif en France a connu des mutations importantes au cours des dernières années, particulièrement marquées par la crise sanitaire de la Covid-19. Certaines associations ont été durement touchées par la crise, tandis que d’autres ont su s’adapter rapidement pour répondre aux nouveaux besoins. Les sources de financement ont été réduites, et les associations ont dû faire preuve de réactivité et de coopération pour traverser cette période difficile.
L’inflation entraîne également des répercussions sur le secteur, impactant les résultats financiers des associations et les comportements des adhérents et bénévoles. Les bénévoles sont moins disponibles pour des raisons rationnelles tels que l’augmentation du coût de déplacement (transports publics et carburant inclus) créant un arbitrage défavorable pour les associations. Les perspectives pour l’avenir sont teintées d’inquiétude quant à la gestion de l’inflation tout en maintenant les activités et les services proposés.
Selon Anne-Claire Le Sann, journaliste spécialiste des questions économiques France Télévision, pour la première fois en 10 ans les dons aux associations stagnent n’augmentant que de 1% en 2022 après 5 années de progression. Les foyers donateurs sont les premiers à moins donner pour vivre décemment malgré une conjoncture peu favorable.
Malheureusement, l’inflation augmente les besoins de financement en même temps que le nombre de bénéficiaires grimpe.
Cependant, malgré ces défis, le monde associatif français montre une résilience remarquable. Les associations continuent de jouer un rôle essentiel dans la société, mobilisant de nombreux bénévoles et salariés pour mener à bien leurs missions. De plus, l’utilisation croissante de l’influence marketing par les ONG en France ouvre de nouvelles perspectives pour toucher un public plus large et jeune via les réseaux sociaux.
Les chiffres clés de la vie associative mettent en lumière l’importance du secteur associatif en France, avec un grand nombre d’associations actives dans divers domaines d’activité. L’engagement bénévole reste un pilier essentiel du fonctionnement associatif, bien que l’emploi salarié dans les associations soit également significatif.
Enfin, l’évolution du monde associatif au fil des années, marquée par des facteurs de changement tels que l’accès aux financements publics et l’émergence de nouvelles formes d’engagement, montre l’adaptabilité et la capacité d’innovation des associations face aux défis contemporains.