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Considérations méthodologiques sur le mandat d’arrêt du Kenya

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🏫 Université de Douala - Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master II Recherche - 2010 / 2011
🎓 Auteur·trice·s
Pierre Paul EYINGA FONO II
Pierre Paul EYINGA FONO II

La méthodologie du droit international est essentielle pour comprendre les défis juridiques et politiques liés au mandat d’arrêt du Kenya contre Omar el-Béchir. Cet article met en lumière les tensions entre le droit régional africain et le droit universel de la Cour pénale internationale.


II.- LES CONSIDERATIONS D’ORDRE METHODOLOGIQUE

Il convient d’exposer d’abord le cadre méthodologique de cette analyse (A) avant de mettre en vue sommairement les problèmes posés à la Cour kenyane desquels découlera l’annonce du plan (B).

A.- Le cadre méthodologique

L’étude du mandat d’arrêt de la justice kenyane contre Omar EL BECHIR est une thématique difficile1 à aborder par le juriste, en raison de la multiplicité des domaines auxquels elle se rattache et de la démarche interdisciplinaire2 à laquelle elle fait appel.

3 En citant Abraham KAPLAN, Madeleine GRAWITZ souligne, à propos de la méthode que,

« le propre [de celle-ci] est d’aider à comprendre au sens le plus large non pas les résultats de la recherche scientifique mais le processus de recherche lui-même ». Voir Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 11ème éd., Paris, Dalloz, 2001, 1019 pp. (spéc. p. 15). Voir aussi Alain PELLET, « Discours et réalité du droit international. Reims : apport et limite d’une méthode », in : Les rapports entre l’objet et la méthode en droit international. Réalités du droit international contemporain 6, Actes de la 8ème rencontre de Reims, Faculté de Reims, ARERS, 27 – 28 mai 1989, pp. 5 – 22. Cet auteur considère la méthode comme une

« approche intéressante du phénomène juridique […] [et] du droit international ».

4 Francis DELPERE relève pertinemment qu’ « [i]l n’est pas commode de se saisir d’une question juridique alors que le débat politique […] bat son plein ». Voir de cet auteur, « La responsabilité du Chef d’Etat. Brèves observations comparatives », RFDC, n° 49, Janvier-Mars 2002, pp. 31 – 41 (spéc. p. 31).

5 La démarche interdisciplinaire a permis de recourir aux disciplines telles que le droit administratif, le droit constitutionnel, le droit pénal, le droit international pénal, les relations internationales, etc. Sur la démarche ou l’approche interdisciplinaire, voir Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, éd., de l’Université de Bruxelles, 2009, 291 pp. (spéc. p. 40). L’approche

Ainsi, la méthode privilégiée dans le cadre de cette étude sera la méthode juridique. Cette méthode « consiste en une analyse du système normatif et institutionnel souvent conçu comme ̏ un ordre ̋ (et donc une analyse de l’articulation entre ordres national et international) et une interprétation du contenu des normes et du pouvoir des institutions »6.

Dans le cadre de cette analyse, l’on fera aussi recours à la théorie analytique du droit7 qui consiste à « décrire le droit tel qu’il est, sans y introduire des jugements de valeur de type philosophique ou des éléments d’explication de type sociologique et politique »8. Celle-ci permettra en effet de rechercher la clarification linguistique et logique des concepts juridiques fondamentaux grâce au recours aux documents d’ordre conventionnel, légal, doctrinal et jurisprudentiel. L’on évacuera ainsi dans cette analyse les principes d’ordre moral et philosophique9.

Toutefois, à travers la méthode analytique, l’on peut facilement sombrer dans certains écueils qui consistent à ne considérer le sujet que sous le seul angle positiviste et à ne faire que des analyses purement conceptuelles. Cette méthode ne permet pas aussi de prendre en compte les réalités de la société internationale en général et de la société africaine en particulier, de nature aussi diverse notamment, économique, politique ou sociale10, alors qu’il faut aussi « représenter le droit tel qu’il est dans la réalité

interdisciplinaire fait donc « appel à plusieurs disciplines mais, au lieu de développer des points de vue successifs, elle intègre l’utilisation de ces disciplines dans une approche unique qui les associe de manière cohérente ». Voir André CANABIS et al., Méthodologie de la recherche en droit international, géopolitique et relations internationales, Paris, Idea Editura / Cluj, Agence universitaire de la Francophonie, Coll. Manuels F(f)rancophones, 2010, 165 pp. (spéc. p. 57), http://www.revue-aspects.info/bibliotheque/manuels-francophones/methodologie-de-la-recherche/Methodologie-de-la-recherche.pdf (consultée le 12 juin 2015).

11 Voir André CANABIS et al., ibid., p. 43.

12 Sur la théorie analytique du droit, voir Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, op. cit. (note n° 133), p. 24.

13 Ibid., p. 33.

14 Voir Awalou OUEDRAOGO, « Le positivisme en droit international : fondement épistémologique d’un paradigme mécaniste », RGD, vol. 40, n° 2, 2010, pp. 505 – 540 (spéc. p. 524).

15 Charles CHAUMONT rappelle que le droit international repose sur les réalités de la société internationale. Aussi l’analyste doit-il prendre en compte ces paramètres, sous peine de tenir un discours

« fantasmatique et irréel ». Voir de cet auteur, « Ouverture des travaux », in : Les rapports entre l’objet et la méthode en droit international. Réalités du droit international contemporain 6, op. cit. (note n° 131), pp. 1 – 4 (spéc. p. 2).

sociale »16. Ainsi, l’on associera à la théorie analytique du droit, la méthode sociologique. Car, celle-ci permet de « confronter le droit à des éléments qui lui sont extérieurs, et en particulier avec son contexte social et politique »17. Cette méthode se veut donc

« pragmatique »18.

Loin de procéder à une comparaison, l’analyse du mandat d’arrêt de la Cour kenyane contre Omar EL BECHIR exige que l’on recoure au raisonnement analogique19, qui suppose l’existence des situations de fait comparables pour l’essentiel auxquels il paraît logique d’appliquer la même règle de droit et les mêmes principes. D’autant que certaines juridictions nationales et internationales ont déjà émis des mandats d’arrêt contre les chefs d’Etat en fonction ou engagé leur responsabilité pénale20, l’on pourra ainsi s’inspirer de leurs pratiques pour mieux aborder le sujet et l’expliquer.

D’autant qu’il s’est s’agi dans cette espèce, des problèmes d’interprétation des textes ou des normes qu’ils contiennent, à travers l’interprétation littérale ou

21 Sur le procédé et la portée de l’interprétation grammaticale, voir Xavier MAGNON, Théorie(s) du droit, op. cit. (note n° 139), p. 53.

22 Ibid., p. 52 ; voir aussi voir également Marie Anne COHENDET, Méthode de travail droit public, Paris, Montchrestien, Collection Exercices pratiques, 2008, 199 pp. (spéc. p. 25).

B.- Les problèmes posés à la Cour kenyane et l’annonce du plan

L’affaire qui a opposé l’ICJ aux autorités gouvernementales kenyanes, suite au refus de ces dernières de procéder à l’arrestation et à la remise d’Omar El BECHIR à la CPI, a donné à la Cour kenyane l’occasion de se prononcer sur la recevabilité d’une requête émanant d’une OSC dans le cadre de l’exécution des demandes de la CPI au Kenya.

Pour ordonner aux autorités gouvernementales kenyanes, notamment au Ministre d’arrêter Omar El BECHIR au cas où il foulerait à nouveau le sol kenyan, la Cour kenyane a dû trancher les problèmes de recevabilité de la requête de l’ICJ (Première Partie) et aborder certains problèmes de fond (Deuxième Partie) tout en éludant aussi ceux que celle-ci posait. L’on analysera donc les problèmes de fond que la Cour kenyane a éludés (Troisième Partie).

________________________

1 Francis DELPERE, « La responsabilité du Chef d’Etat. Brèves observations comparatives », RFDC, n° 49, Janvier-Mars 2002, pp. 31 – 41 (spéc. p. 31).

2 Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, éd., de l’Université de Bruxelles, 2009, 291 pp. (spéc. p. 40).

3 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 11ème éd., Paris, Dalloz, 2001, 1019 pp. (spéc. p. 15).

4 Francis DELPERE, « La responsabilité du Chef d’Etat. Brèves observations comparatives », RFDC, n° 49, Janvier-Mars 2002, pp. 31 – 41 (spéc. p. 31).

5 Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, éd., de l’Université de Bruxelles, 2009, 291 pp. (spéc. p. 40).

6 André CANABIS et al., Méthodologie de la recherche en droit international, géopolitique et relations internationales, Paris, Idea Editura / Cluj, Agence universitaire de la Francophonie, Coll. Manuels F(f)rancophones, 2010, 165 pp. (spéc. p. 43).

7 Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, op. cit., p. 24.

8 Ibid., p. 33.

9 Awalou OUEDRAOGO, « Le positivisme en droit international : fondement épistémologique d’un paradigme mécaniste », RGD, vol. 40, n° 2, 2010, pp. 505 – 540 (spéc. p. 524).

10 Charles CHAUMONT, « Ouverture des travaux », in : Les rapports entre l’objet et la méthode en droit international. Réalités du droit international contemporain 6, pp. 1 – 4 (spéc. p. 2).

11 André CANABIS et al., Méthodologie de la recherche en droit international, géopolitique et relations internationales, Paris, Idea Editura / Cluj, Agence universitaire de la Francophonie, Coll. Manuels F(f)rancophones, 2010, 165 pp. (spéc. p. 43).

12 Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, op. cit., p. 24.

13 Ibid., p. 33.

14 Awalou OUEDRAOGO, « Le positivisme en droit international : fondement épistémologique d’un paradigme mécaniste », RGD, vol. 40, n° 2, 2010, pp. 505 – 540 (spéc. p. 524).

15 Charles CHAUMONT, « Ouverture des travaux », in : Les rapports entre l’objet et la méthode en droit international. Réalités du droit international contemporain 6, pp. 1 – 4 (spéc. p. 2).

16 Luc B. TREMBLAY, « Le normatif et le descriptif en théorie du droit », Revue de droit Université de Sherbrooke, 2002, pp. 70 – 95 (spéc. p. 77).

17 Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, op. cit., p. 33.

18 Télesphore ONDO, La responsabilité introuvable du chef d’Etat africain : analyse comparée de la contestation du pouvoir en Afrique noire francophone. (Les cas camerounais, gabonais, tchadien et togolais), Thèse de doctorat en droit public, Université de Reims Champagne Ardenne, 2005, 682 pp. (spéc. p. 44).

19 Benoit FRYDMAN, « Les formes de l’analogie », RRJ, 1995 – 4, pp. 1054 – 1064 (spéc. p. 1054).

20 Voir les mandats d’arrêt de la CPI contre Omar EL BECHIR respectivement le 4 mars 2009 pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre et le 12 juillet 2012 pour crime de génocide ; le mandat d’arrêt du TSSL contre Charles TAYLOR décerné le 4 juin 2003 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ; des poursuites judiciaires contre Mouammar KHADAFI devant la justice française, pour son implication présumée dans l’attentat perpétré contre un appareil DC 10 de la Compagnie UTA, le 19 septembre 1989 ayant causé la mort de cent soixante et dix personnes, dont la plainte avait été déposée auprès des juges d’instruction du Tribunal de Grande instance de Paris, le 15 juin 1999 par l’Association SOS – Attentats, qui regroupait les familles des victimes de cet attentat, etc.

21 Xavier MAGNON, Théorie(s) du droit, Paris, Ellipses, 2008, 167 pp. (spéc. p. 53).

22 Ibid., p. 52 ; voir aussi voir également Marie Anne COHENDET, Méthode de travail droit public, Paris, Montchrestien, Collection Exercices pratiques, 2008, 199 pp. (spéc. p. 25).

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