La logistique internationale en Europe est profondément influencée par le transport combiné rail-route, qui présente des avantages significatifs face aux défis du transport routier dominant. Cet article explore les enjeux environnementaux et les obstacles au développement de solutions ferroviaires intégrées.
1.2. Augmentation des flux internationaux et des distances
En Europe, la souplesse et la productivité du transport routier en font un moyen de transport incontournable avec, comme nous l’avons vu, près de 75% de parts de marché en 2007, quand le ferroviaire n’en représentait que 15 %1. Cependant les tensions actuelles sur le marché du transport routier, ainsi que l’évolution réglementaire liée aux questions de développement durable et d’engorgement des axes routiers et urbains, impliquent une réflexion pour promouvoir d’autres modes de transport.
1.2.1. Le marché européen : libre circulation des marchandises
Les transports jouent un rôle central dans la croissance économique, et chaque pays doit être en mesure de satisfaire la demande croissante de mobilité qu’implique la mondialisation : phénomène d’autant plus accentué par la libre circulation des marchandises, comme c’est le cas dans l’UE.
Chaque nouvel adhérent à l’UE a vu son économie s’ouvrir largement aux échanges extérieurs. Et ce dynamisme a profité au secteur des transports, qui a connu une croissance importante2.
Le marché unique a donc pour conséquence d’augmenter le flux des échanges : depuis sa création le trafic de marchandises a augmenté de 40%, avec une croissance, jusqu’en 2008, de 8 à 10% par an. La croissance économique explique en partie cette augmentation, mais les nouvelles organisations logistiques développées par les chargeurs y contribuent également. En effet, dans une optique de baisse des coûts et de production en flux tirés, la logique consiste à baisser la taille des lots et à augmenter la fréquence des livraisons.
D’ailleurs les estimations chiffrent le nombre de kilomètres parcourus à vide à 60 milliards pour un coût d’environ 37 milliards d’euros3, considérant que 85% des commandes sont inférieures à un camion complet4.
1.2.2. Le déplacement des centres de production vers l’Europe de l’Est
L’intégration toujours plus importante des économies nationales au sein du système européen, a plusieurs résultats : les chaînes d’approvisionnement rapprochent de plus en plus les ressources des marchés ; les échanges internationaux et les interactions économiques augmentent ; et enfin, les systèmes en place se transforment progressivement sous l’effet d’une concurrence de plus en plus internationale. Les pays offrant des avantages concurrentiels attirent les activités de production, d’assemblage et de sous-traitance.
Un marché globalisé exige de nouveaux types de transport : le développement national ne dépend plus seulement des systèmes productifs, il dépend également de la capacité de ces derniers à distribuer leurs produits rapidement et efficacement sur les marchés internationaux. C’est pourquoi des systèmes nationaux, dotés d’infrastructures efficientes, sont nécessaires pour acheminer les marchandises échangées.
Mais cette demande croissante de transport a engendre des problèmes qui constituent précisément une menace pour la mobilité. Chaque jour, 7 500 kilomètres d’autoroutes sont paralysées par des embouteillages en Europe. Les encombrements sur les routes et dans les aéroports alourdissent de 6 % la facture énergétique de l’UE et aggravent la pollution en proportion5. Et c’est pourquoi nos schémas actuels en matière de croissance des transports ne sont pas compatibles avec le principe de durabilité.
1.3. Le développement durable
1.3.1. L’importance accrue de la notion de développement durable
La notion de développement durable s’impose actuellement et préoccupe, avec raison, nos sociétés. La forte dégradation de la planète, le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources énergétiques et la hausse importante du prix des énergies, sont de graves problèmes qui marquent de plus en plus les esprits.
Lors du rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED) en 1987, appelée aussi Commission Brundtland, le développement durable a été défini et expliqué de la manière suivante : « il répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable n’est pas un état statique d’harmonie, mais un processus de transformation dans lequel l’exploitation des ressources, le choix des investissements, l’orientation des changements technologiques et institutionnels sont rendus cohérents avec l’avenir comme avec les besoins du présent ». Il s’agit donc de satisfaire nos besoins tout en protégeant l’environnement et les ressources naturelles, et en permettant aux générations futures de répondre aux leurs.
Mais le développement durable n’est plus seulement une idée abstraite. En effet, les Etats et les entreprises réfléchissent à de nouvelles solutions plus respectueuses de l’environnement, et en particulier commencent à revoir leurs modes de transport de marchandises. La loi d’orientation de 2007 montre la nécessité de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Or les émissions des véhicules lourds augmentent tous les ans de 0,5 million de tonnes, ce qui a provoqué une hausse de 29 % entre 1990 et 20066
1.3.1.1. D’où vient le concept de développement durable ?
Le concept de développement durable est apparu à la suite de deux constats. D’abord celui des inégalités entre le Nord et le Sud et de la pauvreté qui touche les trois quarts de la population mondiale. Il montre les limites des modèles trop focalisés sur la seule croissance du PIB.
Celui, ensuite, de l’augmentation de la pollution et de la dégradation des ressources environnementales, entraînant des déséquilibres qui menacent l’avenir des sociétés humaines. Des mesures urgentes de sauvegarde de l’environnement doivent être prises.
1.3.1.2. Les trois piliers du développement durable
Le développement durable concilie les aspects environnementaux, sociaux et économiques de la croissance, « trois piliers » que tous les acteurs économiques doivent prendre en compte. Ce développement est en effet économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Mais il faut élaborer un autre modèle de développement et donc de société.
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Figure 1
Schéma de représentation du développement durable
On peut ajouter à ces trois préoccupations une dimension culturelle. Ainsi, le développement durable est rendu possible s’il permet à la fois :
- un équilibre écologique, c’est-à-dire la préservation des réserves environnementales, des écosystèmes et de la biodiversité ;
- un progrès social, entraînant le développement humain, la baisse des inégalités, l’éducation, la sécurité, la santé ;
- la viabilité économique, permettant un développement économique, la création d’emplois, l’efficacité et l’intégration des coûts écologiques et sociaux ;
- et la diversité culturelle grâce à la valorisation des libertés, des identités, des savoirs et des langues.
1.3.2. Le secteur des transports à l’heure actuelle et les émissions de CO2
Le transport n’est pas à envisager uniquement dans une perspective économique, mais également sous l’angle de ses conséquences sur l’environnement et l’écologie. En effet les moyens de transport utilisés actuellement à travers le monde présentent d’importantes faiblesses et ne favorisent pas le développement durable. La durabilité est fondée sur trois principes généraux7 :
- les ressources renouvelables ne doivent pas être utilisées plus vite que les produits de remplacement ;
- les émissions de polluants ne doivent pas être utilisées plus vite que n’apparaissent les produits de remplacement ;
- les émissions de polluants ne doivent pas excéder la capacité de l’environnement à les absorber.
Le secteur des transports tel qu’il est organisé à l’heure actuelle ne respecte aucun de ces principes : il consomme des quantités très importantes de matériaux tels que le béton et l’acier pour la construction d’autoroutes notamment, ou des ressources non renouvelables sous forme de combustibles fossiles, comme le pétrole89.
Cette utilisation massive de pétrole a des conséquences négatives sur l’environnement, elle génère trois types de pollutions : la pollution atmosphérique due localement au monoxyde de carbone, aux hydrocarbures non brulés et au plomb, et à l’échelle planétaire, au dioxyde de carbone émis par les véhicules motorisés ; la pollution sonore, aux conséquences psychologiques et physiologiques néfastes sur les individus ; et, enfin, la pollution de l’eau par les infiltrations de carburants et l’utilisation des cours d’eau10.
Ces effets ne sont pas géographiquement limités, ils s’étendent bien au-delà des sources de pollution, jusque dans les forêts, les ressources en eau et les cultures. Au niveau mondial, l’accumulation de ces pollutions entraine les phénomènes connus d’épuisement de la couche d’ozone et de réchauffement climatique.
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1 CAMMAN C, LIVOLSI L, ROUSSAT C, La logistique simplement : Activité, enjeux, vocabulaire, Logistiques Magazine, Octobre 2007. ↑
2 Entre 1995 et 2003 par exemple, le volume des marchandises transportées des PECO vers l’UE des 15 est passé de 140 à 200 millions de tonnes. ↑
3 CAMMAN C, LIVOLSI L, ROUSSAT C, La logistique simplement : Activité, enjeux, vocabulaire, Logistiques Magazine, Octobre 2007, p.99. ↑
4 17 palettes par camion en moyenne, sur un total de 33 possibles. ↑
5 Source : http://www.cat-logistique.com/transports_intermodal.htm. ↑
6 Le dossier noir des énergies vertes – Science & Vie, numéro 1086, mars 2008. ↑
7 Daly, H.E., 1990. Towards some operational Principles of Sustainable Development. Ecological Economics 2, 1-6. ↑
8 Dans le monde, le secteur des transports consomme plus de 60% du volume total de produits pétroliers existant. Le transport motorisé consomme plus de 80% de tout le pétrole utilisé, l’aviation 15% environ, et le transport ferroviaire et maritime consomme le reste. ↑
9 Données de l’OCDE, Joseph S. Szyliowicz, Prise de décisions, transport intermodal et mobilité durable : vers un nouveau paradigme, Erès, revue internationale des sciences sociales, juin 2003, p. 208. ↑
10 Dron et De Lara, Pour une politique soutenable des transports, 11 octobre 1995 http://piqueprune.chez.com/Prospect.pdf. ↑