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Les garanties judiciaires pour préserver les créances bancaires

Chapitre 2 :

L’EXISTENCE POUR LE BANQUIER DES MOYENS DE PRÉSERVATION DE LA CREANCE

Par moyen de préservation des créances pour le banquier, on fait référence aux différentes méthodes auxquelles le banquier peut avoir recours pour éviter de perdre sa créance hormis la procédure judiciaire de recouvrement. Il peut s’aider des garanties (Section 1), ou il peut décider de restructurer la créance (Section 2)

SECTION 1 :

LES GARANTIES COMME PROTECTION DU BANQUIER CONTRE LES CRÉANCES EN SOUFFRANCE

Les créances en souffrance sont parfois difficiles à recouvrer à cause de l’absence de garantie. Lorsque le banquier n’a pas de garanties, le législateur OHADA lui offre la possibilité de recourir aux garanties judiciaires (paragraphe1). En outre le fait que le banquier dispose de garanties le met quelque peu à l’abri lorsque le débiteur est soumis à des procédures collectives.

PARAGRAPHE 1 :

L’EXISTANCE DE GARANTIES JUDICIAIRES

Les suretés prévues dans l’acte uniforme des suretés ont des conditions de validité. Le banquier ne peut valablement constituer des suretés que si elles remplissent toutes les conditions légales de l’AUS. Si l’anomalie qui affecte la sureté peut encore être régularisée, tel un défaut de publicité, le banquier procède à sa régularisation avant sa réalisation.

Mais il peut arriver que confronté aux impayés du débiteur, la tentative de réalisation du banquier se solde par un échec dû à l’invalidité de la sureté préalablement mal constituée, ou même à la perte de celle- ci. Dans ce cas, le banquier dispose des issues de secours que sont la saisie conservatoire (A), et l’hypothèque forcée judiciaire (B).

A – LA SAISIE CONSERVATOIRE

La saisie conservatoire a été instituée pour le créancier qui sans garantie, a de bonnes raisons de craindre l’impossibilité de recouvrement de sa créance. Elle est tout à fait indiquée pour le banquier qui se rend compte après les impayés de son débiteur que sa garantie n’est pas valable. L’urgence de la situation ne lui permettant plus d’attendre la délivrance d’un titre exécutoire au risque que le débiteur organise son insolvabilité.

La saisie conservatoire veille à rendre indisponible les biens du débiteur. Elle veille à la conservation des biens du débiteur contre la volonté cynique de ce dernier96. L’article 54 de l’AUPSRVE pose comme condition de la saisie conservatoire que la créance soit fondée en son principe, et que son recouvrement soit menacé.

Une créance fondée en son principe est une créance dont l’existence est vraisemblable97. Quant à l’exigence de circonstances de natures à menacer le recouvrement, on la comprend comme l’existence d’éléments faisant craindre une insolvabilité imminente du débiteur98.

Les deux conditions fondamentales et nécessaires pour autoriser une saisie conservatoire sont cumulatives et non alternatives. En outre, le créancier doit rapporter la preuve desdites conditions qui ne se présument pas. Le choix de la mesure conservatoire étant dicté par l’absence d’un titre exécutoire au moment de sa mise en œuvre, il faut éviter qu’il soit teinté d’abus. Aussi l’action est-elle assortie d’autorisation judiciaire préalable99. Sauf pour les créances résultant d’un effet de commerce d’un chèque ou d’un contrat de bail d’immeuble écrit100, ou pour celles pour lesquelles le créancier détient déjà un titre exécutoire.

Le créancier dispose à peine de caducité, d’un délai de 3 mois à partir de la décision pour faire pratiquer la saisie conservatoire101. D’un délai d’un mois pour introduire une demande d’obtention d’un titre exécutoire102 en vue de la transformation de la saisie conservatoire en saisie à fin d’exécution. Le débiteur peut, s’il estime que les conditions de la saisie ne sont pas réunies saisir la juridiction compétente aux fins de mainlevée de la saisie.

Si le débiteur n’a pas de domicile fixe ou s’il est établi à l’étranger, la juridiction compétente est celle du lieu du domicile du créancier. Dans le cas où la saisie se déroule sans contestation, elle se transforme en saisie à fin d’exécution par la signification d’un simple acte de conversion103.

Rien n’empêcherait donc le banquier si nécessaire de pratiquer une saisie conservatoire, les créances bancaires étant des créances contractuelles, elles sont réputées fondées en leur principe. De plus, les échéances impayées du débiteur témoignent du risque de non recouvrement auquel est exposé le banquier. Le cumul de ces conditions fait de la saisie conservatoire une solution idoine pour le banquier dans l’impasse. Certains banquiers lui préfèrent tout de même l’hypothèque forcée judiciaire.

B – L’ HYPOTHḔQUE FORCÉE JUDICIAIRE

A l’inverse de la saisie conservatoire qui est une voie d’exécution, l’hypothèque forcée judiciaire est une sureté. Elle est consacrée à l’article 213 de l’Acte uniforme des suretés Il s’agit d’une sureté qui vise à prémunir le créancier chirographaire contre une insolvabilité du débiteur104.

Dans ses conditions de mise en œuvre, l’hypothèque judiciaire s’apparente vraiment à la saisie conservatoire. Pour être autorisé à prendre une inscription provisoire d’hypothèque sur l’immeuble de son débiteur, le banquier doit justifier d’une créance, même apparemment fondée en son principe mais, dont le recouvrement serait menacé. Aussi, « l’absence de tout règlement spontané de la créance depuis 3 années et l’absence de garantie subsistant à l’encontre du débiteur principal suffisent à démontrer que le recouvrement de la créance à l’encontre du débiteur principal est en péril et qu’il y’a urgence »105.

A l’instar de la saisie conservatoire, l’hypothèque forcée judiciaire pour être mise en œuvre à besoin de l’autorisation du juge compétent. Matériellement, dans le contexte Camerounais, c’est le président du tribunal de première instance106. Territorialement, l’article 213 AUS donne au créancier le choix entre le juge du domicile du débiteur et celui de situation de l’immeuble à saisir. C’est cette autorisation qui distingue l’hypothèque judiciaire de la saisie conservatoire. Car, même un titre exécutoire ne permet pas au créancier de constituer une hypothèque judiciaire sans autorisation du juge.

La décision autorisant l’inscription à un caractère provisoire. Elle ne met pas fin à la procédure, sa pleine efficacité dépend essentiellement des suites dont elle indique les modalités à travers certaines mentions qu’elle doit obligatoirement contenir. Ces suites ont essentiellement trait à l’inscription dans le livre foncier, aux notifications obligatoires et à l’assignation en validité et au fond.

Dans le cadre de l’hypothèque forcée judiciaire, deux délais sont impartis au créancier : un délai pendant lequel le créancier bénéficiaire de la décision est tenu de s’abstenir de saisir la juridiction compétente de sa demande au fond107, c’est un délai d’ajournement. Un autre délai pendant lequel il doit saisir la juridiction sous peine de caducité108, c’est un délai de rigueur.

Dans le mois de la notification de l’assignation en validité ou de l’instance au fond, le débiteur peut formuler une demande de mainlevée, ou de réduction en l’absence de toute contestation sur le bien-fondé de la démarche du créancier. Il peut également en cas de contestation mener une action en réduction109, ou une demande de main levée110.

Lorsque ces actions du débiteur n’aboutissent pas, le créancier peut procéder à l’inscription définitive qui est indispensable pour faire jouer le droit de suite et de préférence. Il peut mettre en œuvre à cet effet deux procédures : L’action au fond, et ou l’action en validité de l’hypothèque. La première ne s’impose pas au créancier titulaire d’un titre exécutoire, tandis que la deuxième est obligatoire même si le créancier à un titre exécutoire.

Une fois la décision autorisant l’inscription définitive rendue, le créancier dispose d’un délai de 06 mois pour procéder à l’inscription définitive. Elle prend rang à la date de l’inscription provisoire111 à concurrence du montant qui figurait dans la décision d’inscription provisoire, et dans la limite des immeubles qui y étaient visés. En cas de revalorisation de la créance ou d’intégration de nouveaux immeubles, l’inscription définitive ne produira d’effet pour le surplus qu’à partir du jour de son accomplissement.

L’hypothèque forcée judiciaire est conçue pour aider le banquier qui du fait d’une omission a perdu sa sureté et s’est retrouvé créancier chirographaire de son emprunteur. Il peut encore échapper à la loi du concours. Pour cela, il doit faire preuve de diligence. Il pourra à nouveau être titulaire d’une sureté qui pourra réduire l’impact de la procédure collective sur le recouvrement de sa créance.

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96 NKULU MUKUBU LUNDA (J.), « circonstances de nature à menacer le recouvrement d’une créance : condition essentielle a la validité d’une saisie conservatoire », [en ligne] www.ohada.com, ohadata D-19-12, consulté le 23 Juillet 2020.

97 ASSI ESSO (A.-M.), DIOUF (N.), recouvrement des créances, bruylant, 2002, p132.

98 NJEUFACK TEMGWA (R.), « saisie conservatoire », in P-G. POUGOUE (Dir.), Encyclopédie du droit OHADA, éd. Lamy, Paris 2011, p. 1746.

99 POUGOUE (P.-G.), NJEUFACK TEMGWA (R.), saisies et mesures conservatoires en droit OHADA, presses universitaires d’Afrique, collection vademecum, 2015, p.15.

100 Article 55 AUPSRVE.

101 Article 60 ibid.

102 Article 61 ibid.

103 Article 69, 82, 88 AUPSRVE.

104 TCHABO SONTANG (H.M.), « l’hypothèque forcée judiciaire en droit OHADA », juridis périodique n° 108, Octobre-Novembre-Décembre 2016, p. 120.

105 TCHABO SONTANG (H.M.), op.cit., p.12 ; CA Versailles, 4e ch., 04-12-1992, D., 1993, p.286.

106 Art. 15 (2), loi n° 2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire modifiée et complétée par la loi du 14 décembre 2011.

107 Article 213, Alinéa 3 AUS.

108 Article 213, Alinéa 1 AUS.

109 Article 220 AUS.

110 Article 219, alinéa 1 AUS.

111 Article 221 Alinéa 2 AUS.

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📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les créances en souffrance des établissements bancaires
Université 🏫: Université de Dschang - Faculté de Droit et science politiques
Auteur·trice·s 🎓:
Michaella Ndjang

Michaella Ndjang
Année de soutenance 📅: Master en droit des affaires - 2019-2020
Conseil Juridique Doctorante en Droit privé . Juriste, méticuleuse, diligente et parfaitement bilingue. Possédant une connaissance théorique et pratique approfondie du droit de l’investissement, du processus de due diligence des entreprises, et des négociations de contrats.
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