L’immunité d’exécution d’Omar El Béchir constitue un obstacle majeur à l’arrestation et à la remise de l’ancien président soudanais par le Kenya à la Cour pénale internationale. Cet article met en lumière les tensions entre le droit régional africain et les obligations internationales de la CPI.
§2.- La question de l’immunité d’exécution d’Omar El BECHIR au Kenya, un obstacle à la procédure d’exécution des mandats d’arrêt de la CPI au Kenya
Une lecture rapide de la décision de la Cour kenyane pourrait laisser croire qu’il est possible voire facile de procéder à l’arrestation et à la remise d’Omar El BECHIR à la CPI, après avoir demandé aux juridictions nationales d’ordonner son arrestation. Pourtant, des difficultés entourent la question, au point de la rendre peu envisageable et peu probable1.
Dans cette espèce, la première difficulté que la Cour kenyane a semblé méconnaître est la présence d’un chef d’Etat en exercice qui ne peut faire l’objet d’aucune mesure de contrainte lorsqu’il est en déplacement à l’étranger2. L’autre difficulté que la Cour kenyane a omise est le statut d’Etat tiers du Soudan au Traité de la CPI qu’on cherche à lui appliquer3. Au regard de ces éléments, la Cour kenyane devait-elle demander l’arrestation d’Omar El BECHIR pendant ses voyages au Kenya? Il apparaît que la qualité officielle d’Omar El BECHIR est un motif nécessaire pour justifier le refus du gouvernement kenyan de procéder à son arrestation. Ce faisant, son immunité d’exécution apparaît comme une traduction de l’impossibilité pour la Cour kenyane d’ordonner son arrestation (A). D’autant que la renonciation à son immunité est une exigence préalable qui doit être satisfaite avant son arrestation mais qui a été ignorée par la Cour kenyane (B).
A.- L’immunité d’exécution d’Omar El BECHIR, une traduction de l’impossibilité pour la Cour kenyane d’ordonner son arrestation
La Cour kenyane s’est exprimée avec une certaine simplicité pour ordonner aux autorités gouvernementales kenyanes de procéder à l’arrestation et à la remise d’Omar El BECHIR à la CPI. Elle a en effet ordonné au Minister, ̏ to arrest President Omar Ahmad Hassan Al Bashir [Omar Al Bashir] should he set foot in Kenya in future ̋ 4. Or, non seulement la qualité officielle d’Omar El BECHIR est un défi, si ce n’est un handicap sérieux pour répondre favorablement aux demandes d’arrestation et de remise de la CPI5, mais aussi la non ratification par le Soudan du Statut de la CPI ne lui permet pas d’appliquer ce traité au chef de l’Etat soudanais6.
Il faut relever que le Statut de la CPI exclut toute possibilité pour un suspect de revendiquer son immunité devant ladite JIP, conformément au paragraphe 2 de l’article 27 dudit Statut dont la teneur est la suivante :
les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne7.
Cette position a d’ailleurs été défendue par la Chambre d’appel du TSSL dans l’affaire The Prosecutor v. Charles GHANKAY TAYLOR8, dans laquelle cette juridiction a reconnu que, même si les immunités découlent du principe de l’égalité souveraine des Etats, elles ̏ ha[ve] no relevance to the international tribunals which are not organs of a State but derive their mandate from the international communuty ̋ 9. Toutefois, la Cour kenyane devait se souvenir que cette exclusion d’immunité ne joue que devant les JIP ; elle ne concerne que les rapports entre la CPI et les Etats Parties au Statut de ladite Cour10 ; le suspect possédant la qualité officielle de chef d’Etat11 conserve ses immunités surtout s’il est ressortissant d’un Etat tiers au Statut. Le Soudan n’étant pas partie au Traité fondateur de la CPI ; n’ayant non plus reconnu la compétence de ladite JIP en lui déférant la situation qui prévaut au Darfour12, l’application dudit traité dans cette espèce est une violation du principe pacta tertiis nec nocent nec prosunt (les conventions ne nuisent ni ne profitent au tiers).
Le Statut de la CPI étant donc res inter alios acta aliis nocer neque prodesse potest (la chose convenue entre les uns ne nuit ni ne profite aux autres), il ne doit pas être appliqué à Omar El BECHIR qui conserve ses immunités qui sont des ̏ rights belonging to the non party states and those states may not be deprived of their rights by a treaty to which they are not party ̋ 13.
Le fait pour la Cour kenyane de fonder sa décision sur le Statut de Rome qui, selon elle, exclut les immunités des chefs d’Etat en exercice, notamment le paragraphe 2 de l’article 27 pour ordonner l’arrestation d’Omar El BECHIR a pour inconvénient que, dans le même Statut, l’article 9814 vient semer le doute ou tempère les effets de l’article 27, dans la mesure où il traduit la difficulté que peuvent éprouver les Etats, y compris les autorités gouvernementales kenyanes, à répondre aux demandes d’arrestation et de remise de la CPI. En effet, cet article énonce que, « […] l’Etat requis [ne peut] agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d’immunité des Etats ou d’immunité diplomatique d’une personne ou de biens d’un Etat tiers […] »15.
Il ne fait pas de doute que la demande visant l’arrestation et la remise du président soudanais ne saurait être admise. En effet, même si l’on doit reconnaître que les Etats Parties au Statut de la CPI, en l’occurrence le Kenya, ont l’obligation de coopérer avec cette JIP16, il faut toutefois relever que cette obligation se trouve elle-même en conflit17 avec l’obligation de respecter les immunités des chefs d’Etat en exercice. Le cas du Malawi est fort révélateur de cette situation. En effet, sommé par la CPI de s’expliquer sur le refus d’accéder à ses demandes aux fins de l’arrestation et de la remise d’Omar El BECHIR, ce pays a rappelé à la CPI que:
Le Ministère des affaires étrangères souhaite confirmer que le Président Omar Hassan Ahmad Al Bashir, Président de la République du Soudan, a assisté au Sommet du COMESA qui s’est tenu les 14 et 15 octobre 2011 à Lilongwe, en République du Malawi. Le Ministère entend préciser qu’en raison de sa qualité de chef d’Etat en exercice, le Président Al Bashir s’est vu accorder tous les privilèges et immunités garantis à tous les chefs d’Etat et de Gouvernement en visite. Ceux-ci comprennent l’immunité d’arrestation et l’immunité de juridiction sur le territoire du Malawi.
Le Ministère tient à informer le Greffe de la CPI que le Malawi a accordé ces privilèges et immunités au Président Al Bashir en vertu des principes établis en droit international public et conformément à sa législation nationale en matière d’immunités et de privilèges.
Le Ministère tient par ailleurs à déclarer que comme le Soudan, dont le Président Al Bashir est le chef d’Etat, n’est pas partie au Statut de Rome, les autorités du Malawi estiment inapplicable l’article 27 du Statut, qui permet notamment de lever l’immunité dont jouissent les chefs d’Etat et de Gouvernement.
[…].
Le Ministère entend ainsi informer le Greffe de la CPI qu’au vu de ce qui précède, le Malawi ne pouvait arrêter le Président Omar Hassan Ahmad Al Bashir lors de son séjour sur son territoire à l’occasion du sommet du COMESA18.
C’est donc à tort que la Cour kenyane a ordonné l’arrestation et la remise du président soudanais à la CPI. Elle aurait dû prendre en considération l’immunité de juridiction et d’exécution d’Omar El BECHIR qui ne souffre d’aucune exception au Kenya19. D’autant que ces immunités le mettent, du moment où il est encore chef d’Etat, à l’abri de toute mesure d’exécution, en attendant peut-être qu’elles soient levées par le Soudan20, le pays qu’il dirige depuis 1989 ou qu’il quitte ses fonctions.
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1 En faisant état de la difficulté qu’il y a en Afrique d’avoir une activité judiciaire libre, saine et de coopérer avec les JIP, Télesphore ONDO relève pertinemment que, « la confraternité africaine l’emporte sur le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, la realpolitik sur la justice internationale ». Voir Télesphore ONDO, La responsabilité introuvable du chef d’Etat africain : analyse comparée de la contestation du pouvoir en Afrique noire francophone, (Les cas camerounais, gabonais, tchadien et togolais), op. cit. (note n° 140), p. 544. Cathérine MARCHI-UHEL évoque la prééminence de la volonté politique dans des questions judiciaires. Voir de cette auteure, « La responsabilité pénale des décideurs politiques en droit international humanitaire. Perspectives des tribunaux ad hoc », Revue pénitentiaire et de droit pénal, n° 1, mars 2004, pp. 101 – 111 (spéc. p. 109). Monique CHEMILLIER-GENDREAU y voit l’influence de la souveraineté des Etats face à la répression des crimes internationaux. A ce titre, elle relève que, « de la souveraineté comme obstacle, à la super-souveraineté comme clef de solution limitée, que peut et jusqu’où peut aller une justice internationale face à la barbarie ? ». Voir de cette auteure, « Crimes en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Tentatives et limites d’une justice pénale internationale », Confluences, n° 13, Hiver 1994 – 1995, pp. 153 – 168 (spéc. p. 153), http://www.revues-plurielles.org/uploads/pdf/9-13-15-pdf (consultée le 26 septembre 2013). ↑
2 La CIJ a rappelé l’inviolabilité du ministre des affaires étrangères, du chef de gouvernement et du chef de l’Etat qui les protège contre tout acte d’autorité de la part d’un autre Etat. Cf. CIJ, Affaire du mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit. (note n° 17), §54. Salvatore ZAPPALA semble reconnaître qu’on n’arrête pas quelqu’un qu’on invite sous son toit. A cet effet, il note qu’ ̏ [a]ccordingly, a State could not invite a foreign Head of State and subsequently arrest him or her, while on its territory for official meetings ̋. Voir de cet auteur, « Do Head of State enjoy immunity from jurisdiction for international crimes? The GHADDAFI case before French Cour de Cassation », op. cit. (note n° 124), p. 600. Selon Joël HUBRECHT, il y a une incompatibilité entre le statut de chef d’Etat en exercice et l’exécution des mandats d’arrêt de la CPI émis à son encontre, et celle-ci se justifie par les difficultés que rencontre la CPI d’obtenir l’exécution des mandats d’arrêt lancés contre Omar El BECHIR. Ce commentateur renchérit que, « lorsque le Procureur a lancé son premier acte d’accusation contre un chef d’Etat en exercice, Omar El-Bechir, puis s’est saisi de propre initiative de la situation au Kenya, où l’un des accusés, Uhuru Kenyatta, a été élu président, il s’est heurté aux limites de la coopération des Etats ». Voir de cet auteur, « La justice pénale internationale a 70 ans : entre âge d’or et âge de fer », Politique étrangère, 2015 / 4 (Hiver), pp. 11 – 23 (spéc. p. 22). ↑
3 Cf. article 34 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités ouverte à la signature le 23 mai 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980. Il est généralement admis en DIP que le traité ne crée en principe des droits et des obligations qu’à l’égard des parties. Juan-Antonio CARILLO-SALCEDO fait état de la manifestation du « relativisme juridique ». Il relève en effet que, « la plupart des règles du droit international ne font autorité qu’aux yeux de certains sujets autrement dit, de ceux qui les ont acceptées ». Voir de cet auteur, « Droit international et souveraineté des Etats. Cours général de droit international public », RCADI, vol. 257, 1996, pp. 35 – 221 (spéc. p. 73). Au sujet de l’application du Statut de la CPI, Eric DAVID fait remarquer qu’il ne lie que les Etats qui l’ont ratifié. Voir de cet auteur, « La Cour pénale internationale », op. cit. (note n° 113), p. 337. L’effet relatif des traités a été cristallisé à plusieurs reprises par la jurisprudence internationale. Voir notamment CPJI, Certains intérêts allemands en Haute Silésie polonaise (Allemagne c. Pologne), arrêt du 25 mai 1926, Série A, n° 7, p. 23. La CIJ a rappelé dans son ordonnance du 10 juillet 2002 qu’elle n’a de juridiction à l’égard des Etats que dans la mesure où ceux-ci y ont consenti. CIJ, Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Rwanda), mesures conservatoires, ordonnance du 10 juillet 2002, p. 241, §57. ↑
4 International Commission of Jurists v. Attorney General and Minister of State for Provincial Administration and Internal Security, op. cit. (note n° 2), p. 20. ↑
5 Voir Gabrielle DELLA MORTE, « Les frontières de la compétence de la Cour pénale internationale : observations critiques », RIDP, vol. 73, 2002 / 1, pp. 23 – 57, http://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-penal-2002-1-page-23.htm (consultée le 23 septembre 2013). Il faut relever que les Etats sont tenus d’observer les immunités ainsi que tous les privilèges dont bénéficient les chefs d’Etat en fonction lorsqu’ils se trouvent à l’étranger. Etant donné que la CPI n’attend qu’Omar El BECHIR soit en déplacement à l’étranger pour demander à l’Etat d’accueil de l’arrêter, face à cette obligation internationale qui pèse sur les Etats de ne pas exposer un chef d’Etat étranger à des mesures de contrainte, l’on est tenté de dire, sans se tromper que la route de La Haye est incertaine pour Omar El BECHIR. Car les Etats requis seront contraints de brandir l’exception d’immunité d’exécution d’Omar El BECHIR. Le cas de la récente visite d’Omar El BECHIR en RDC, les 26 et 27 février 2014 illustre cet attachement des Etats à toujours respecter les immunités des chefs d’Etat en fonction. En effet, la RDC qui est classée parmi les « bons élèves » de la CPI, a refusé d’arrêter Omar El BECHIR au motif de ses immunités. Lire Trésor KIBANGULA, Jeune Afrique (26/2/2014), RDC : pourquoi Kinshasa ne peut pas arrêter Omar el-Béchir sur son sol, op. cit. (note n° 215). Contra : la lecture de l’alinéa a du paragraphe 1 de la Section 27 de l’ICA fait état de ce que l’immunité attachée à la qualité officielle d’une personne ne peut constituer un obstacle procédural à la remise de cette personne à la CPI. Cette Section dispose en effet que, ̏ [t]he existence of any immunity or special procedural rule attaching to the official capacity of any person shall not constitute a ground for – (a) refusing or postponing the execution of a request of surrender or other assistance by the ICC ̋. ↑
6 Sylvie GUELLY relève en effet que « le Statut de la CPI ne peut modifier le droit coutumier à l’égard des Etats tiers ». Voir de cette auteure, « Le régime des immunités en droit international. Exécution du mandat d’arrêt délivré à l’encontre d’Omar Al Bashir », Affaires stratégiques, op. cit. (note n° 120), p. 7. Cesare P.R ROMANO et André NOLLKAEMPER renchérissent que, ̏ while the Statute of the ICC denies immunity to Heads of States, in principle it cannot affect the immunity of Heads of States of non-parties ̋. Voir Cesare P.R / André NOLLKAEMPER, « The arrest warrant against the liberian president, Charles TAYLOR », op. cit. (note n° 167). Sur le débat relatif à l’application du Statut de la CPI au ressortissant des Etats tiers, voir Dapo AKANDE, « The jurisdiction of the International Criminal Court over nationals of non- parties : legal basis and limits », op. cit. (note n° 252). ↑
7 Toutefois, Dapo AKANDE rappelle que les immunités des ressortissants des Etats tiers, notamment les chefs d’Etat, constituent une limite à la compétence de la CPI. Voir de cet auteur, ibid., pp. 640 – 642. ↑
8 Voir TSSL (SCSL), The Appeals Chamber, The Prosecutor of the Special Court v. Charles GHANKAY TAYLOR, Decision on immunity from jurisdiction, SCSL – 2003 – 01 – I – 059, 31 mai 2004. ↑
9 Ibid., §51. ↑
10 Eric DAVID fait remarquer que « la nature conventionnelle du Statut implique que l’exclusion de l’immunité ne joue qu’entre la CPI et les Etats parties au Statut, non vis-à-vis des Etats tiers ». Voir de cet auteur, « La Cour pénale internationale », op. cit. (note n° 113), p. 422 ; voir aussi Dapo AKANDE, « International law immunities and the International Criminal Court », AJIL, vol. 98, 2004, pp. 407 – 433 (spec. p. 417). ↑
11 La Cour kenyane semble oublier l’obiter dictum de la CIJ dans l’Affaire du mandat d’arrêt du 11 avril 2000. Selon la CIJ en effet, après avoir « examiné les règles afférentes à l’immunité ou à la responsabilité pénale des personnes possédant une qualité officielle contenus dans les instruments juridiques créant ces juridictions internationales pénales et applicables à celles-ci […], [e]lle a constaté que ces règles ne lui permettaient pas davantage de conclure à l’existence, en droit international coutumier, d’une telle exception en ce qui concerne les juridictions nationales ». Cf. CIJ, Affaire du mandat d’arrêt du 11 avril 2000, op. cit. (note n° 17), §58. ↑
12 Voir Alexander MEZYAEV, « Mandat d’arrêt pour le Président du Soudan », Institut de la Démocratie et de la Coopération, 23 novembre 2010 http://www.idc-europe.org/fr/Mandat-d-arret-pour-le-president-du-soudan (consultée le 25 septembre 2013). Parmi les problèmes légaux que soulève les mandats d’arrêt de la CPI émis à l’encontre d’Omar El BECHIR, cet auteur relève notamment la violation des immunités dues au chef de l’Etat soudanais dont le pays n’est pas partie au Statut de Rome. Aussi affirme-t-il qu’il n’y « a aucune raison de croire que cette règle [du respect des immunités des chefs d’Etat tiers au Statut de la CPI] ne s’applique pas à [la CPI] ». ↑
13 Cf. Dapo AKANDE, « International law immunities and the International Criminal Court », op. cit. (note n° 289), p. 417; voir également Steffen WIRTH, « Immunities, related problems, and article 98 of the Rome Statute », International Law Forum, vol. 12, 2001, pp. 429 – 458 (spec. p. 453). Cf. aussi l’article 34 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. ↑
14 Au sujet de l’article 98 du Statut de la CPI, Moussa ALLAFI observe que cet article consacre une primauté des immunités et des différents accords y relatifs sur les obligations d’arrêter et de remettre le suspect à la CPI, d’autant plus si le suspect occupe un rang important au sein de l’appareil étatique. Voir Moussa ALLAFFI, La Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité: justice versus maintien de l’ordre, Thèse de doctorat, Université François-Rabelais de Tours, 2013, 473 pp. (spéc. p. 267). Eric DAVID rappelle à juste titre que l’article 98 « permet à l’Etat requis de refuser la remise d’une personne à la CPI lorsque cette personne bénéficie d’une immunité prévue par le droit international liant l’Etat requis et que cette personne ressortit d’un Etat tiers ». Voir de cet auteur, « La Cour pénale internationale », op. cit. (note n° 113), p. 422. Ce dernier ajoute que cet article « consacre l’immunité des chefs d’Etat tiers au Statut, dès lors que la [C]our ne peut obliger un Etat partie à agir en violation de ses obligations internationales en matière d’immunité des Etats ou d’immunité diplomatique » ; voir également du même auteur, « La question de l’immunité des chefs d’Etat étrangers à la lumière des arrêts de la Cour de cassation française du 13 mars 2001 et de la Cour internationale de justice du 14 février 2002 », RBDI, vol. 1 – 2, 2002, pp. 431 – 452 (spéc. p. 436). Paola GAETA fait état d’une contradiction entre les articles 27 et 98 du Statut de la CPI relatifs aux immunités qui vont poser des difficultés aux Etats requis de donner suite aux demandes d’arrestation et de remise de la CPI. Ce faisant, elle note petinemment que, ̏ [o]n one hand, article 27(2) provides that the Court can exercise its jurisdiction over those individuals who, under international law, enjoy personal immunities. On other, article 98(1) seems to significantly narrow the scope of article 27(2). Because of article 98(1), the Court may find a considerable impediment to the exercise of its jurisdiction over individuals who, as they discharge officials functions in a foreign State, enjoy in that State personal immunities by virtue of international law ̋. Voir Paola GAETA, « Chapter 24.3-Official capacity and immunities », in : Antonio CASSESE / Paola GAETA / John JONES, The Rome Statute of the International Criminal Court, Oxford University Press, 2002, p. 992 citée par Meghan JAKOBSEN,« Immunity versus impunity? Reconciling articles 27(2) and 98 (1) of the Rome Statute », op. cit. (note n° 15), p. 11. Pour Dapo AKANDE, l’ ̏ [a]rticle 98 (1) is particularly important for states that are not party to the ICC Statute because it prevents parties to the Rome Statute from arresting and surrendering officials or diplomats of non-parties to the ICC, where those officials or diplomats have immunity in international law ̋. Voir de cet auteur, « The jurisdiction of the International Criminal Court over nationals of non-parties: legal basis and limits », op. cit. (note n° 252), pp. 640 – 641. ↑
15 Cf. le paragraphe 1 de l’article 98 du Statut de la CPI. Micaela FRULLI note pertinemment que l’article 98 du Statut de la CPI doit être lu comme interdisant à la CPI de négliger les immunités personnelles des membres d’un Etat non partie au Statut de ladite Cour. Voir de cette auteure, « Le droit international et les obstacles à la mise en œuvre de la responsabilité pénale pour crimes internationaux », in : Antonio CASSESE (dir) / Mireille DELMAS-MARTY, Crimes internationaux et juridictions internationales, 1ère éd., Paris, PUF, 2002, pp. 215 – 253 (spéc. p. 227). Selon Dapo AKANDE, cet article 98 du Statut de la CPI constitue un obstacle à la compétence de la CPI sur les chefs d’Etats non Parties audit Statut, dans la mesure où il limite les effets de l’article 27 du même Statut. Voir de cet auteur, ibid., p. 620. Pour Hendrik Johannes LUBBE, l’article 98 du Statut de la CPI ̏ preserves the applicability of the customary international rule on personal immunity in case where [nationals of] non-States parties are involved ̋. Voir cet auteur, « The African Union’s decisions on the indictments of Al-Bashir and Gaddafi and their implications for the implementation of the Rome Statute by african states », in: Kai AMBOS / Ottilia A. MAUNGANIDZE (ed.), Power and prosecution. Challenges and opportunities for international criminal justice in Sub-Saharan Africa, op. cit. (note n° 184), pp. 179 – 199 (spec. P. 191). ↑
16 Anne Marie De La ROSA rappelle à juste titre que les Etats ont l’obligation de coopérer avec les JIP conformément aux exigences liées au droit international général et au droit international humanitaire. Voir de cette auteure, Les juridictions pénales internationales: la procédure et la preuve, Paris, PUF, 2003, 507 pp. (spéc. p. 84). Elle ne mentionne toutefois pas que ces mêmes Etats ont l’obligation de respecter les immunités de juridiction et d’exécution des chefs d’Etat en fonction. ↑
17 La CPI et la Cour kenyane semblent minimiser voire méconnaître l’existence de ce conflit qu’il y a entre l’obligation de coopérer et le respect des immunités. En effet, la CPI a tenu à rappeler que, « le droit international crée une exception à l’immunité des chefs d’Etat lorsque des juridictions internationales demandent l’arrestation d’un Chef d’Etat pour la commission des crimes internationaux. Il n’y a pas de conflit entre les obligations du Malawi envers la Cour et ses obligations en droit international coutumier, partant, l’article 98 du Statut ne s’applique pas ». Voir Chambre préliminaire I, Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al Bashir, Situation a Darfour (Soudan). Rectificatif à la Décision rendue en application de l’article 87-7 du Statut de Rome relative au manquement par la République du Malawi à l’obligation d’accéder aux demandes de coopération que lui a adressées la Cour aux fins de l’arrestation et de la remise d’Omar Hassan Ahmad Al Bashir, ICC – 02 / 05 – 01 / 09 – 139 – Corr – tFRA du 13 décembre 2011, §48. ↑
18 Ibid., §8. Lorsque le pouvoir exécutif entend respecter les immunités d’un chef d’Etat étranger, il est difficile pour les juridictions nationales d’exercer leur compétence, car elles doivent suivre la position du pouvoir exécutif, même si une certaine indépendance leur est constitutionnellement garantie dans leurs rapports avec l’exécutif. A ce sujet, Michael A. TUNKS fait remarquer que, ̏ [w]hen the executive branch decides that a foreign leader ought to receive immunity, [national] courts accept this determination as binding, deeming it a non-justiciable political question ̋. Voir de cet auteur, « Diplomats or defendants? Defining the future of Head of State immunity », Duke Law Journal, vol. 52. 651, 2002, pp. 651 – 682 (spec. p. 668). <a href= »#foot