Les garanties procédurales juridictionnelles jouent un rôle crucial dans l’analyse de la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires. Cet article démontre que ces garanties, tant formelles que matérielles, confirment la nature de cette commission en tant que juridiction civile spécialisée.
Section 2 : Les garanties procédurales de nature juridictionnelle
- Pour Roger PERROT1, en raison de sa gravité, l’œuvre juridictionnelle est entourée d’un certain nombre de garanties dont l’existence donne à penser que le législateur a voulu créer une véritable juridiction, mais dont en revanche, l’absence
laisse présumer que l’organe considéré n’est qu’une simple autorité administrative.
C’est pourquoi tout travail juridictionnel « est entouré de certaines garanties
notamment procédurales qui ne peuvent pas se trouver toutes réunies mais dont
l’absence complète exclut la qualification de juridiction »2. Dans cette perspective, la
commission ne serait pas seulement une juridiction parce que la procédure prévue
devant elle est juridictionnelle, mais surtout, parce que cette procédure est encadrée par des principes qu’on ne peut, en principe observer que devant les juridictions. Ces principes concernent tantôt le déroulent de l’instance (§1) tantôt la décision à prendre (§2).
§1. Des principes juridictionnels garantissant le déroulement de l’instance
- Le déroulement de l’instance devant la commission est gouverné par deux
principes majeurs applicables devant toute juridiction. Il s’agit d’une part, du principe du double degré de juridiction (A) et d’autre part, du principe du contradictoire (B).
Le principe du double degré de juridiction applicable aux décisions
- Il y a double degré de juridiction lorsqu’après un premier jugement, un appel
peut être interjeté. Le degré de juridiction précise sa place dans la hiérarchie
judiciaire3. Autrement dit, la commission est une juridiction insérée par le législateur, à travers l’organisation du double degré de juridiction devant elle, dans la hiérarchie judiciaire camerounaise. Ainsi, le premier jugement est rendu par la commission (1) tandis que le contrôle est fait par la chambre judiciaire de la cour suprême (2).
La commission, une juridiction de première instance
- La commission est une juridiction de première instance parce qu’elle est la
toute première à se prononcer sur l’affaire dont elle est saisie. Mais, il existe au
Cameroun des juridictions de première instance de droit traditionnel et celles de droit
écrit. Où doit-on situer la commission ? La réponse est assez simple : c’est une
juridiction de droit écrit car elle a une compétence nationale et n’applique aucune
coutume particulière. Toutefois, le problème est loin d’être résolu parce qu’en droit
écrit, il existe encore des juridictions administratives, des juridictions civiles et des
juridictions pénales. Dans quelle catégorie faut-il ranger la commission ?
- La procédure applicable devant la commission examinée antérieurement4
nous conduit à affirmer que cet organe n’est pas une juridiction administrative non
seulement parce qu’il s’agit de la procédure applicable devant la chambre judiciaire de la cour suprême, mais surtout parce que la notion de recours gracieux préalable y est
totalement étrangère et que l’appel de ses décisions est examiné par la chambre
judiciaire et non par la chambre administrative5. Reste donc à choisir entre la nature
civile ou pénale de la commission. Une première réponse peut déjà tirée des
dispositions des alinéas 7 et 9 de l’article 37 du code de procédure pénale. Selon
l’alinéa 7 in fine, la décision rendue par la commission « est assimilée à un jugement civil ». Quant à l’alinéa 9, il prévoit que « les délais d’appel sont ceux prévus pour le pourvoi en matière civile »6. Par ailleurs, la présence du ministère public dont les fonctions sont exercées par le Parquet général près la Cour suprême ne donne pas à cette juridiction une nature pénale dans la mesure où aucune sanction pénale ne peut y
être prononcée7. La commission est donc, à notre avis, une juridiction civile de
première instance. De ce fait, elle assure le rôle de toute juridiction de fond et dispose par exemple du pouvoir souverain qui est lié à cette qualification. Enfin, une dernière précision doit être faite en ce qui concerne le caractère de droit commun, d’exception ou spéciale de la commission en tant que juridiction civile de première instance8.
La commission pourrait donc être une juridiction de premier degré car elle statue en
premier ressort. Le degré supérieur est assuré par une autre juridiction : c’est la
chambre judiciaire de la cour suprême.
2. La chambre judiciaire, une juridiction d’appel
- Le double degré de juridiction devant la commission trouve sa
manifestation concrète dans l’existence de l’appel pouvant être interjeté contre ses
décisions devant la chambre judiciaire de la cour suprême. Il s’agit donc d’une
garantie qui confirme la nature juridictionnelle de la commission. En effet, une
juridiction se caractérise également par les voies de recours dont ses décisions peuvent
faire l’objet9. Son rôle est, devant la commission comme devant toute autre
juridiction, de garantir les risques d’erreurs pouvant entamer les droits des justiciables.
La chambre judiciaire joue donc le rôle d’une juridiction d’un degré supérieur à la
commission. Mais, la particularité en est ici que cette juridiction supérieure ne pourra contrôler que les décisions déjà rendues par la commission ; elle ne pourra pas donner des instructions à celle-ci pendant la procédure de décision. Il en est ainsi parce que dans la hiérarchie des juridictions, les tribunaux supérieurs n’ont pas sur les tribunaux
inférieurs le pouvoir d’instruction qui existe dans la hiérarchie administrative des
fonctionnaires supérieurs sur leurs subordonnés. C’est là d’ailleurs, selon un auteur10,
« la différence capitale d’organisation qui existe entre les organes juridictionnels et les organes administratifs ».
- Le principe du double degré de juridiction est ainsi applicable à la procédure devant la commission. Comment ne pas alors croire qu’on pourrait être en présence d’une véritable juridiction ? En tout cas, il existe bien des raisons de le croire parce
qu’en plus de cette garantie, l’instance devant la commission se déroule encore de
façon contradictoire.
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1 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op. cit., p. 242, n° 305. ↑
2 RIALS (S.), « L’office du juge », op. cit., p. 9. ↑
3 FALL (A.-B.), « Les menaces internes » in L’indépendance de la justice, op. cit., p. 53. ↑
4 V. supra n°s 70-102. ↑
5 Sur l’appel, V. supra n°s 99-100. ↑
6 V. supra n° 100. ↑
7 NKOU MVONDO (P.), « Le choix du cadre du procès relatif à la commission d’une infraction pénale », op. cit., p. 80, n° 52. ↑
8 Pour plus de précisions, V. infra n° 132. ↑
9 CONTAMINE-RAYNAUD (M.), « La commission bancaire, autorité et juridiction », op. cit., p. 417. ↑
10 BONNARD (R.), « La conception matérielle de la fonction juridictionnelle », op. cit., p. 8. ↑