Promouvoir la diversité du français dans le Dictionnaire des francophones

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🏫 Université Jean Moulin Lyon 3 - Institut international pour la francophonie
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - 2021-2022
🎓 Auteur·trice·s
Florine CHATILLON
Florine CHATILLON

La diversité du français dans le DDF est analysée comme un outil politique et linguistique, soulignant son rôle dans la gouvernance linguistique et la lutte contre la glottophobie. Cet article met en lumière les implications de cette approche polycentrique pour la perception de la langue française.


  1. Promouvoir la diversité du français : une orientation explicite

Selon Jean Pruvost, l’analyse des indications données sur la ligne d’un dictionnaire est un prérequis. Elles sont la condition sinequanone à un jugement éclairé lorsque l’usager souhaite « trouver dans le dictionnaire-arbitre une caution quant à sa propre perception de la langue, voire du monde. » (2021, pp. 150-151). S’il avance que « s’agissant des tendances, il faut les mesurer dans le corps même des ouvrages » (Idem), le DDF dispose « d’un programme clairement annoncé » qu’il convient d’étudier afin de déterminer son orientation (Idem).

Contrairement à l’affiliation au courant postcolonialiste – qui relève du postulat –, une volonté de promouvoir le français dans toute sa diversité a été ouvertement exprimée lors de la cérémonie de lancement du DDF (2021). À cette occasion, Louise Mushikiwabo a qualifié l’entreprise de « belle illustration de cette francophonie résiliente, plurielle, ouverte à la diversité », Slim Khalbous a salué la « tolérance du DDF par l’acceptabilité formelle, sincère et tangible de la diversité » et Leïla Slimani a dépeint le dictionnaire comme le miroir de « la richesse, la diversité et même la plasticité de cette langue française » (Idem).

Ainsi, si toute ligne éditoriale peut se poser en termes politiques, celle du DDF semble aller dans le sens d’une diversification assumée de la langue française, « changement de paradigme fort par rapport aux politiques linguistiques précédentes » (Gasparini, dans Boutaud, 2021). L’ensemble de nos interlocuteurs s’accordent à dire que celle-ci doit son originalité à l’introduction d’une vision polynomique du français.

Diversité du français dans le DDF : enjeux politiques

Nous avons relevé un échantillon de leurs propos, symbole de la vision unitaire partagée par les acteurs du projet. Une pensée résumée par Mona Laroussi lors de son intervention sur la radio France Culture en 2021. Pour elle, le DDF est un « fédérateur des langues de la francophonie » qui affiche une dynamique d’« ouverture à d’autres cultures », qualifiée lors de notre entretien d’« interculturalité » (2022, p. 43).

Dans sa continuité, l’OQLF et Michel Francard relèvent la volonté de normaliser la différence linguistique : « Le DDF prône la mise en valeur de la diversité des usages du français, en vue de “présenter la plus grande palette d’information possible” ». (OQLF, 2022, p. 80)

L’avenir du français, c’est un français qui est coloré, c’est-à-dire qui rencontre les cultures des différentes francophonies dans lesquelles il se déploie. Ce français-là, les francophones vont y tenir, c’est leur français. Si vous imposez à tous les francophones un français standard incolore, inodore, sans saveur, qui, au fond, ne dit pas le monde dans lequel ils vivent, ce français-là n’a aucune chance. (Francard, 2022, p. 135)

Jean-Marie Klinkenberg salue à son tour la volonté du DDF de prendre le contrepied du français normatif. Il affirme avoir pris part à l’entreprise dans l’optique de visibiliser la question de « variation » de la langue française (2022, p. 31). Mona Laroussi explique le retard accusé par la linguasphère francophone en établissant une comparaison avec la gestion des variations de l’anglais dans la linguasphère anglophone :

Nous devrions faire comme les anglais. Par exemple, quand vous passez le TOEFL américain, vous avez dans le même questionnaire différents types de prononciations, qui viennent de différentes régions anglo-saxonnes. Quand j’ai passé le TOEFL, tous les accents autres que les accents que j’ai l’habitude d’écouter m’ont totalement perturbée. J’ai perdu des points là-dessus mais, en perdant ces points-là, j’ai fait un travail sur moi-même et je me suis dit que les anglais avaient intégré plus rapidement que nous cette notion de diversité, d’enrichissement mutuel par d’autres accents, d’autres langues qui viennent d’ailleurs. (2022, p. 42)

Pour Maxime Somé et Adeline Simo-Souop, le positionnement en faveur de la diversité du français entre en résonance avec le combat linguistique central en Afrique francophone : la reconnaissance des langues nationales et de leur cohabitation avec le français :

Ma conviction – en tant que responsable de la chaire UNESCO Politiques linguistiques sur le plurilinguisme à l’université où j’enseigne –, c’est d’introduire les langues nationales dans le système éducatif. […] Ces convictions, je les retrouve dans le DDF, dans sa volonté de visibiliser d’autres variétés que le français normatif. (Somé, 2022, p. 72)

Je suis un peu révoltée de voir que mes aînés ne comprennent pas l’importance des langues nationales. Mais à leur contact, de nouvelles variétés de français se sont forgées. […] Si j’ai accepté de participer au projet du DDF, c’est parce que, justement, il révèle ce français qui a été approprié par les uns et les autres. (Simo-Souop, 2022, p. 61)

Ainsi, les deux verbatims retranscrits font valoir la fenêtre ouverte que représente le DDF dans le combat pour la reconnaissance de la diversité du français. Grâce à son aspect participatif, il peut impacter positivement les initiatives prises par l’OIF en faveur des langues nationales.

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