Les enjeux du dispositif Paris en Compagnie pour le Grand Âge

Pour citer ce mémoire et accéder à toutes ses pages

Un complément imparfait, Paris en Compagnie

Le dispositif Paris en Compagnie, lancé en janvier 2019, est une initiative associative financée par la Ville de Paris et soutenue par des partenaires clés, notamment l’association Les Petits Frères des Pauvres, la résidence collective Autonomie Saint-Jacques, et la société de conciergerie Lulu dans ma rue. Son objectif est de lutter contre l’isolement des Parisiens âgés de plus de 65 ans en favorisant leur interaction avec des bénévoles, que ce soit par téléphone pour des appels de convivialité ou en personne pour des promenades de loisirs, des accompagnements pour des rendez-vous médicaux ou administratifs.

Cette association permet à ses bénéficiaires un maintien du lien social d’une manière simple et ludique, elle représente une aide inestimable, mais aussi elle permet de rassurer les proches des bénéficiaires ne vivant pas dans la même ville. Cependant, malgré ses intentions louables, le dispositif Paris en Compagnie présente plusieurs imperfections relevées et examinées avec les témoignages de notre étude.

L’une des principales imperfections de Paris en Compagnie réside dans le manque de formation. Avant de commencer leur engagement, les bénévoles doivent se présenter à une réunion d’informations. Seulement après quatre accompagnements, les bénévoles peuvent assister à des formations.

Cette approche peut être risquée, car elle ne garantit pas que les bénévoles soient suffisamment préparés pour faire face à des situations complexes dès le début de leur engagement. Une formation plus précoce et des informations sur le niveau de détresse et d’invalidité des bénéficiaires dans les annonces sont essentielles pour renforcer la compétence et la confiance des bénévoles.

Une autre imperfection réside dans la mise en relation entre les bénévoles et les bénéficiaires. Les bénéficiaires formulent avec l’association leurs annonces pour les rendez-vous sans indiquer leur niveau de santé, de détresse et d’invalidité. En réalité, seule leur mobilité est communiquée.

Cette absence d’informations peut entraîner des incohérences et des défis potentiels pour les bénévoles, qui se retrouvent seuls face à des situations difficiles sans avoir une connaissance préalable adéquate de la situation de santé ou des besoins spécifiques des bénéficiaires. Ce cas de figure engendre des moments d’incertitude, d’impuissance et de désarroi pour les bénévoles, qui ne sont peut-être pas préparés à faire face à des problèmes médicaux, comportementaux ou autres.

Par ailleurs, une autre lacune du dispositif Paris en Compagnie est le manque de suivi psychologique des bénévoles. L’engagement auprès de personnes âgées en situation de détresse peut être émotionnellement éprouvant, et les bénévoles pourraient avoir besoin d’un soutien psychologique pour faire face à ces situations.

Les groupes WhatsApp entre bénévoles, bien qu’ils puissent favoriser la communication entre bénévoles, ne sont pas un substitut adéquat à un suivi psychologique professionnel. Aussi, peu de bénévoles les utilisent pour alerter de situation dramatique et préfèrent informer la structure qui parfois semble autant démuni que le bénévole ayant alerté.

D’autre part, certains bénévoles soulignent qu’ils ne sont pas des professionnels de la santé ou de l’aide sociale. Ils ne devraient pas être confrontés à des situations médicales graves ou à des besoins sociaux complexes sans une formation appropriée. La sécurité des bénévoles et des bénéficiaires doit être primordiale, et cela nécessite une meilleure préparation et un encadrement plus solide de la part de l’association.

En raison de ces déconvenues et limites, certains bénévoles ont exprimé leur méfiance à l’égard du dispositif Paris en Compagnie, ce qui a conduit à des départs. Les inquiétudes liées au processus de mise en relation imprécis, au manque de formation préalable adéquate, au manque de suivi psychologique, ainsi qu’à la sécurité des bénévoles ont contribué à cette méfiance.

Certains bénévoles ont ressenti que le dispositif ne prenait pas suffisamment en compte leurs besoins et leurs préoccupations, ce qui a conduit à une diminution de leur engagement et, dans certains cas, à leur départ du programme.

Dans certaines situations, malgré les moyens investis, un dispositif associatif peut se retourner tant contre les bénéficiaires, les bénévoles et la cause qui les anime en raison d’un manquement opérationnel. Le cas de Paris en Compagnie, montre que la mise en relation de deux personnes sans une transparence totale et sans cadre physique à l’image des cafés Chez Daddy peut être néfaste.

Aussi les témoignages montrent que ces accompagnements sont semblables à du service à la personne déguisé ce qui peut décourager les bénévoles pourtant animés par le projet de l’association.

1. Tim et Colette vs. Club Colette, quand le privé s’inspire de l’associatif

Après le choc de la canicule de 2003, les premières associations de cohabitation intergénérationnelle naissent pour répondre aux problèmes de l’isolement des personnes âgées,de leur désir de rester à leur domicile et de l’insuffisance de logements pour les jeunes de 18 à 30 ans. Cette pratique n’est pas nouvelle. En 2018, la pratique est encadrée avec la loi ÉLAN qui la définit ainsi : « La cohabitation intergénérationnelle permet à des personnes de soixante ans et plus de louer ou de sous-louer à des personnes de moins de trente ans une partie du logement dont elles sont propriétaires ou locataires, afin de renforcer le lien social et de faciliter l’accès à un logement pour les personnes de moins de trente ans ».

Avant l’instauration de cadre, il existait une quarantaine d’associations connectées en réseau couvrant la moitié des communes de France soit 17 000. En 2020, ce réseau est regroupé sous l’association Cohabilis, parmi ces associations figurent Tim & Colette.

Née en 2004, la mission de Tim & Colette est de proposer des chambres à des jeunes en mal de logement contre une compagnie pour leurs hôtes. Le loyer est faible et est déterminé en fonction de la présence du locataire. Plus celui-ci est présent pour son hôte, plus le loyer baisse.

L’association est responsable de la construction du binôme, de le suivre tout au long de son parcours, de créer des offres de logement selon la présence des locataires, de recruter de nouveaux hôtes pour élargir leur offre, et d’animer le réseau tant entre les bénévoles et les bénéficiaires que leurs proches.

En plus de dix ans d’existence, Tim et Colette a développé une offre préventive permettant aux hôtes d’avoir un lien fort et une présence au quotidien. Cette présence est rassurante pour les proches des hôtes, qui ne vivent ni avec et ni proches. Les proches des hôtes ont un contact important avec l’association et sont souvent à l’initiative de la candidature de leurs parents et du profilage du locataire idéal.

L’association a su gagner la confiance des lyonnais en construisant un partenariat fort avec les associations intervenant sur le Grand Âge, l’intergénérationnel et l’inter relationnel tels que Chez Daddy, Les Petites Cantines mais aussi avec l’Université et la mairie de Lyon.

La force de Tim et Colette est son réseau et l’attachement des personnes qui mesure son engagement dans cet enjeux de société. Il réside une solidarité avec le bureau, les bénéficiaires, les proches des bénéficiaires et les locataires. Cette solidarité découle du sentiment mutuellement bénéfique résultant de l’offre fournie par l’association.

Les excellents résultats obtenus par l’association et sa réputation ont conduit ses dirigeants à envisager la privatisation en raison de la demande croissante, ainsi que de l’accumulation de connaissances acquises au fil des années et de la professionnalisation de leurs activités. Après réflexion, l’association a choisi de conserver le statut d’association.

La privatisation aurait entraîné une diminution de la qualité du service. Selon une ancienne responsable de Tim et Colette, réduire la qualité de l’offre pour des raisons économiques était inenvisageable, car l’essence même du service repose sur l’aspect humain et sur la capacité à proposer des solutions de haute qualité.

Pourtant quand la question de l’isolement des personnes âgées et l’accès au logement pour les étudiants a percuté l’esprit de Matthieu Vaxelaire, le fondateur de la start-up Colette Club, il était autant urgent qu’évident de créer une plateforme digitale permettant la mise en relation des plus de 50 ans et des moins de 30 ans pour enrayer ce phénomène.

La question de l’isolement des personnes âgées revêt plusieurs sujets et conséquences tels que la solitude et la solitude des personnes âgées vivant seules à domicile, du lien intergénérationnel, du trop grand nombre de chambres vides ou « lits froids ».

Depuis 2020, Colette Club a construit 1900 binômes de cohabitants sur trois zones : Paris / Ile de France, Lyon et Bordeaux. Par ailleurs, il a aussi construit un club d’activités loisirs pour les plus de 50 ans favorisant les rencontres. Le Colette Club sait qu’il intervient sur un marché prometteur avec une construction menée en partie par les associations qui ont construit les prémices d’une forme de coliving.

Le Colette Club a l’intention d’étendre durablement son offre de cohabitation, de club pour senior et préparer les projets futurs. Aujourd’hui le Colette Club « concurrence » le réseau associatif Cohabilis en raison de sa vitesse de développement. En guise de comparaison, Cohabilis avec ses 40 structures, a construit en 17 ans 15 000 binômes soit environ 882 binômes par an.

En 3 ans, le Colette Club annonce avoir formé 750 binômes pour l’année en cours et 1 900 binômes et généré plus de 2 millions d’euros de revenus complémentaires pour les hôtes seniors.

Colette Club a l’ambition de s’étendre à l’international en ouvrant leur service dans un premier temps en Europe, créer et de développer une communauté de seniors pour être une référence en matière de loisirs et de vie sociale pour les seniors. Leur vision s’étend au-delà de la cohabitation intergénérationnelle pour englober une palette de services visant à améliorer la qualité de vie des seniors.

Le Colette Club semble s’être inspiré d’un modèle développé par le monde associatif. Une ancienne responsable Tim & Colette reconnaît les progrès de leur croissance, mais soulève des questions concernant cette transition vers la digitalisation. Bien que la maîtrise des technologies numériques se soit développée en France, elle demeure un obstacle pour certaines personnes en raison de leur manque de familiarité avec les outils, ainsi que du « manque d’aspect humain » dans le service.

Elle insiste sur l’importance de préserver une approche « humaine » à la fois dans la communication et dans les opérations. Cette approche de proximité constitue la principale distinction entre Tim & Colette et le Colette Club. Les responsables de Tim & Colette maintiennent des relations étroites avec leurs membres, car leur champ d’action reste limité à une seule ville ce qui leur permet de donner le plus d’attention à leurs adhérents.

Il est évident que cette approche est moins réalisable dans le contexte du Colette Club en raison de l’enjeu économique, d’une part, parce que leur présence s’étend sur trois zones et, d’autre part et qu’ils ambitionnent d’étendre leur offre de services et leur périmètre d’action. A leur manière, ces deux structures répondent à une volonté partagée par 83% des seniors, celle de vieillir chez eux.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top