I.5. Cinétique des réactions de lixiviation et transfert des matières
I.5.1. Introduction
La cinétique est une partie de la chimie physique, qui étudie la vitesse de la réaction. Elle introduit une nouvelle variable, le temps ; dans la description de l’état d’un système et son évolution. Son intérêt est double à savoir :
- La vitesse des réactions, qui est une grandeur observable et mesurable au niveau macroscopique, qui présente une grande importance pratique. Souvent on cherche à agir sur elle soit pour l’augmenter (accélération de la production par exemple), soit pour la ralentir (ralentissement de la corrosion par exemple).
- Sur le plan industriel, la cinétique chimique présente encore un intérêt dans l’orientation des réactions chimiques données vers les produits recherchés et permettre ainsi de mieux rentabiliser les réactifs (matière première). La cinétique permet également d’avoir des éléments permettant de choisir les meilleurs dimensions et formes des réacteurs et d’en fixer les conditions de marche.
- A travers l’étude de la vitesse des réactions, la cinétique recouvre, plus largement, tout ce qui se passe pendant celles-ci, au niveau microscopique, qui ne se voit pas et constitue leur mécanisme ou leur film. Les mesures cinétiques constituent un moyen d’obtenir indirectement les informations sur ces mécanismes, non observable de façon directe
I.5.2. Ordre d’une réaction
Soit la réaction (32)
A + R (32)
Avec :
- A : Analyte ;
- R : Réactif ;
- P : Produit.
La loi de la vitesse empirique pour cette réaction (33) est
(33)
Avec :
- K : constant de vitesse ;
- m : ordre de la réaction par rapport à A ;
- n : ordre de la réaction à R.
L’ordre général de la réaction est donné par la relation (34) :
P = m + n (34)
Si m=1 et n =2 : on dit que la réaction est d’ordre 1 par rapport à A et d’ordre 2 par rapport à R et que l’ordre globale est égal à 3. L’unité de K dépend de l’ordre de la réaction. Elle s’exprime en S-1 pour la réaction d’ordre 1 et m-1S-1 pour une réaction d’ordre 2.
I.5.2.1. Loi de vitesse
La loi de la vitesse est la relation entre la vitesse et les quantités des réactifs, produit ou autres corps présent dans le système.
V = (35)
La loi de la vitesse dépend de l’ordre de la réaction :
- Ordre zéro de la réaction par rapport à A est donné par :
(36)
Où :
- Est la concentration de A au temps t=0 ;
- Est la concentration de A au temps t.
Une réaction d’ordre zéro est caractérisée par une dépendance linéaire de [A] en fonction du temps. La constante K est mesurée en [ms-1].
- Le premier ordre par rapport à A, est donné par :
(37)
Après intégration
Ainsi une réaction de premier ordre est caractérisée par une dépendance linéaire de ln[A] en fonction du temps. La constante K est mesurée en (S-1).
- Deuxième ordre par rapport à A est donné par :
Une réaction d’ordre 2 est caractérisée par une dépendance linéaire de 1/en fonction du temps. La constante est mesurée en (m-1s-1).
I.5.2.2. Méthode cinétique
Il existe plusieurs méthodes cinétiques. Quelques-unes sont(Paul. A, 2007)
- Méthode différentielle
On calcule les concentrations à partir des vitesses réactionnelles à l’aide d’une forme différentielle de la loi de vitesse. Les vitesses sont obtenues en mesurant la pente liant la concentration de l’analyte ou du produit du temps de réaction. Un exemple est
Ou en fonction du produit donné par la relation (41) :
- Méthode d’intégration
Contrairement à la loi différentielle, la méthode d’intégration est basée sur des formes intégrées de la loi de vitesse.
- Méthode graphique
Cette méthode consiste à tracer la courbe à l’aide de la relation suivantes :
- La méthode à temps fixe
Cette méthode est basée sur les équations :
Ou
I.5.3. Cinétique homogène
Une réaction homogène est une réaction qui a lieu dans une même phase. Par exemple lorsque les produits et les réactifs sont gazeux ou liquides. Ils peuvent être catalysés ou non. Nous pouvons donner l’exemple d’une réaction de neutralisation d’un acide par une base. L’équation de vitesse d’une réaction homogène dépend de l’ordre de la réaction.
Supposons que la réaction est de la forme : A + B C + D (44)
- Si elle est d’ordre par rapport à A, le temps de la réaction sera égale à :
Avec a : la concentration initiale de A et x : sa concentration au temps t
- Si la réaction est d’ordre deux, on aura l’équation suivante :
Avec a : la concentration initiale A, b : la concentration initiale de B et x : la concentration au temps t. Cette formule est valable si, a-b -b (Habashi, 1969)
I.5.4. Cinétique hétérogène (cinétique de lixiviation)
Pendant très longtemps on ne s’est pas préoccupé de mesurer la vitesse d’une réaction. On se bornait à la juger très lente, lente, rapide, explosive. Puis selon une démarche classique en sciences, on a essayé de préciser davantage. Il n’est pas rare de trouver des expressions comme celle-ci : la réaction est achevée au bout de 10 heures ou de 2 jours par exemple.
Enfin on a introduit des définitions précises qui rendent compte des faits précis et non vagues comme le caractère « achevé » d’une réaction. On a ainsi constitué la cinétique chimique. L’étude de la cinétique chimique a été très fructueuse car elle a conduit à la connaissance du mécanisme de la réaction ; le métallurgiste ne se contente plus du bilan, il fait à chaque instant un état précis de la réaction et il devient souvent capable, alors, de changer le cours de celui-ci (Germain et Brunel, 1975).
Les réactions hétérogènes sont des réactions qui ont lieu entre deux ou plusieurs phases. Ce type de réaction est généralement la règle de la métallurgie extractive. C’est le cas de la lixiviation. Elles peuvent être prévues par l’application des lois thermodynamiques. Mais le métallurgiste a besoin de posséder les informations sur la vitesse de la réaction. Il est donc nécessaire de pouvoir analyser les différents stades suivant lesquels s’accomplit une réaction, étant bien attendu que c’est l’étape la plus lente qui impose la cinétique globale de la réaction hétérogène (Blazy, 1979).
On définit, la vitesse d’une réaction comme étant la quantité de réactif transformé par unité de temps ou la quantité d’un produit formé par unité de temps.
Si C1 est la concentration d’une substance au tems et C2 est la concentration de cette même substance au temps t2.
L’expression de la vitesse de la réaction s’écrira :
–) et à la limite :
On observe trois cas bien distincts (Blazy, 1979) :
- La vitesse est constante : c’est le cas d’une réaction entre un solide et un fluide, lorsque la concentration du fluide et la surface du solide restent constantes.
- La vitesse décroissante : ce phénomène est dû à la diminution de la surface d’un corps, à l’abaissement de la concentration ou encore à la formation d’un film protecteur (passivation).
- La vitesse est croissante : il s’agit d’une autocatalyse, c’est lorsqu’un corps entrant en réaction agit plus efficacement avec un produit de la réaction qu’avec les composants initiaux.
D’une manière générale, la vitesse d’une réaction est fonction de la concentration des réactifs (ou pression d’un gaz), de la température, de l’agitation, de la vitesse du fluide ou de la taille des particules.
I.5.5. Influence des conditions opératoires
Effets des paramètres intérieurs de lixiviation
- Nature de l’interface, pour les réactions faisant entrer en jeu des solides, l’interface joue un rôle important pour la cinétique de la réaction. Ceci est dû à la présence des défauts et des lacunes dans le réseau.
- Aire de l’interface, pour les solides, les fines particules réagissent plus vite que les grosses.
- Géométrie de l’interface, La forme d’un solide entrant en réaction avec un liquide, a une grande influence sur la vitesse de la réaction. Si le solide est sphérique, l’aire de l’interface diminue progressivement avec la réaction. De ce fait, la vitesse de la réaction est continue.
Pour le solide se dissolvant dans un acide, sa vitesse de dissolution est
(48)
Avec :
- A : l’aire de l’interface
- C : la concentration en acide ;
- W : poids du solide à l’instant t
- La diffusion du réactif dans la couche de NERNST, un solide au contact d’un liquide est recouvert d’une couche de liquide immobile au travers de laquelle les réactants doivent diffuser avant d’atteindre l’interface. Ce film liquide a une épaisseur de 0,03mm et est appelé couche de NERNST (Blazy, 1979).
L’existence de cette couche est liée à :
- L’adhésion du liquide a l’interface ;
- La vitesse du déplacement de la couche par suite de la viscosité du liquide.
Effets des paramètres extérieurs
Les paramètres extérieurs sont nombreux, nous pouvons citer quelques-uns qui sont l’agitation, la température, le pH, le rapport des phases régissantes, le temps…etc.
- L’agitation : Dans une réaction solide-liquide, l’agitation augmente la vitesse de dissolution lorsque le processus est contrôlé par diffusion. En effet l’agitation diminue l’épaisseur de la couche limite.
- La température : Un processus contrôlé par la diffusion est légèrement sensible à la température tandis qu’un processus contrôlé chimiquement est fortement affecté par la température.
En effet, les coefficients de diffusion dépendent linéairement de la température suivant l’équation de Stokes-Einstein :
(49)
Où D : coefficient de diffusion de la substance ;
N : nombre d’Avogadro ;
R : rayon des grains ;
: Viscosité du fluide.
Tandis que les constantes de vitesse chimique dépendent exponentiellement de la température selon la relation d’Arrhenius : (50)
Où A : constante caractéristique (facteur pré-exponentiel) ;
Ea : énergie d’activation ;
R : constante des gaz parfaits ;
T : température en degré Kelvin.
En linéarisant la relation d’Arrhenius, on remarque que la courbe ln(k) =f (1/T) est une droite dont la pente est – . C’est la droite d’Arrhénius. L’énergie d’activation dans le premier cas est de l’ordre de 1 à 3 kcal/mol ; dans le deuxième cas elle est supérieure à 10 kcal/mol. Pour un processus intermédiaire, elle est de 3 à 10 kcal/mol (Blazy, 1979).
Selon Evring, une réaction passerait par un stade intermédiaire qui est le complexe activé avant de donner le produit. L’énergie nécessaire à l’obtention de ce complexe activé est appelée l’énergie d’activation.
- Rôle de la concentration (pH), un processus contrôlé par diffusion peut devenir un processus contrôlé chimiquement lorsqu’on augmente la concentration en phase liquide.
- Rôle de rapport pondéral des phases (pourcentage solide), le rapport des phases réagissant, maintient la vitesse élevée lorsqu’elle est faible, car la concentration du réactant est constante (ce qui ne se passerait pas si le rapport était élevé).
I.6. Conclusion
Dans les opérations de l’hydrométallurgie, la lixiviation joue un rôle très important dans le processus de récupérations des métaux. Définit comme étant une opération de mise en solution mettant en contact une phase liquide (réactifs) et une phase solide (concentré ou minerais). Elle est régie par la thermodynamique et la cinétique des réactions chimiques, qui nous indique les conditions de tension et PH dans lesquels des réactions d’oxydation et de réduction de minéraux sont possibles ou pas en solution aqueuses (diagramme de Pourbaix). Ainsi que la vitesse de dissolution qui dépend du type de lixiviant et des conditions de contact.