Le rôle des associations en complément des services publics pour le Grand Âge

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Les associations et services publics interagissent de manière complémentaire pour soutenir le Grand Âge, en luttant contre la solitude et en favorisant une approche individualisée. Cet article met en lumière leur impact sur le vieillissement et les liens intergénérationnels en France.


Quand l’associatif complète l’offre du service public et du secteur privé

Grand Âge : Les associations, un complément indispensable

Les associations qui interviennent dans le domaine du Grand Âge jouent un rôle essentiel dans la manière dont nous abordons et accompagnons la population de plus de 65 ans en France. Leur importance et leur pertinence résident dans leur capacité à combattre la solitude et à proposer une approche centrée sur l’individu, ses désirs et ses besoins. Ces aspects sont parfois négligés dans les dispositifs publics ou les services privés conçus pour le grand public, souvent en raison de contraintes socio-géographiques ou économiques.

Les associations du secteur du Grand Âge possèdent une longue histoire et ont développé une expertise inestimable. Elles ont souvent été créées en réponse aux limites de l’action des pouvoirs publics et des entreprises privées. Des initiatives telles que Chez Daddy, par exemple, ont vu le jour grâce à des spécialistes, des professionnels et des entrepreneurs du Grand Âge qui ont constaté les limites de leurs services et de leur travail.

Ces actions résultent d’une réflexion approfondie visant à aborder de manière pragmatique les lacunes existantes. Un exemple frappant est celui de Philippe Albanel, qui a fondé l’association Chez Daddy après avoir constaté que son entreprise intervenait trop tard dans la lutte contre l’isolement social. Face à cette réalité, il a créé cette association dans le but de prévenir l’isolement dès ses premiers signes.

La problématique du Grand Âge est le fruit d’une interaction entre l’État, le secteur privé et les associations. L’État élabore et régule le cadre légal, tout en finançant les services publics destinés aux personnes âgées en France. Le secteur privé, englobant diverses industries telles que la santé, la sécurité, le logement, le mobilier, les services, les loisirs, la communication et les transports, conçoit des offres et des innovations pour le public de la silver économie.

Parallèlement, les associations, en tant qu’observateurs sur le terrain, apportent de nouvelles solutions et se professionnalisent pour devenir des références incontournables sur ces questions, offrant un soutien solidaire et citoyen sur divers aspects du Grand Âge. Elles contribuent ainsi à une approche globale de la prise en charge des personnes âgées, où chaque acteur joue un rôle spécifique et complémentaire.

Les associations font partie intégrante de ce triptyque indissociable et sont en lien avec chacune des parties prenantes précédemment mentionnées. Leur légitimité découle de la construction d’une expertise répondant à des besoins socio-géographiques spécifiques, de la professionnalisation de leur structure et de la formation de leurs membres pour accompagner leurs projets et être perçus comme des partenaires fiables et durables. Leur approche se

démarque par leur mode opératoire, ainsi que par leur engagement ferme en faveur du bien vieillir, en abordant des sujets connexes tels que la prévention, l’isolement social, la mobilité, l’apprentissage informatique, la convivialité, l’échange interculturel, la solidarité, le logement et la proximité.

La conséquence de cette diversité est une variété d’associations opérant dans le domaine du Grand Âge, avec des modèles, des modes opératoires et des sujets différents. Certaines se concentrent sur les hôpitaux et les EHPAD, tandis que d’autres privilégient la création de réseaux d’entraide et de voisinage, à l’instar de l’association Voisin d’à côté ou Chez Daddy.

D’autres encore s’intéressent à la mobilité, comme Paris en Compagnie ou À vélo sans âge, ou à la cohabitation, comme Tim et Colette. Certaines se consacrent à la solidarité dans les moments difficiles, comme les Petits Frères des Pauvres, tandis que d’autres promeuvent l’échange interculturel, comme l’association ShareAmi appartenant au média Oldyssey, qui met en lumière les échanges intergénérationnels en France et dans le monde entier.

Cette diversité permet une complémentarité, mais pose également des questions quant à sa gestion. En effet, un adhérent peut appartenir à plusieurs associations à la fois, ce qui peut réduire l’offre de services proposée par ces associations. Cependant, cette situation ne concerne qu’une minorité d’adhérents, bien que son développement puisse nuire à la qualité et à la pérennité des services.

L’équilibre entre l’État, le secteur privé et les associations est essentiel pour une réponse optimale à la problématique du Grand Âge. Cependant, certaines associations interviennent non pas en complément, mais en substitution aux offres publiques et privées insuffisantes. Cette lacune résulte de divers facteurs, notamment une demande saturée, des services privés et publics jugés de faible qualité malgré leur coût élevé, un manque d’offre dû à la pénurie de personnel, qui découle du manque d’attractivité pour les métiers du secteur, ainsi qu’à des prestations financièrement inabordables pour certaines personnes.

Indéniablement, les associations jouent un rôle essentiel dans la prise en charge du Grand Âge en France, aux côtés des services publics et privés. À l’instar du secteur privé, elles abordent divers aspects de cette problématique et se distinguent par leur expertise, leur flexibilité, leur connaissance du terrain et de son impact humain, leur créativité et leur engagement citoyen pour y faire face.

Cependant, il est crucial de maintenir un équilibre entre l’État, le secteur privé et les associations afin de relever efficacement les défis liés au Grand Âge. Cette vigilance est nécessaire pour éviter que les pouvoirs publics et le secteur privé ne délèguent leurs responsabilités aux associations. Néanmoins, cette situation met également en lumière le rôle inestimable des associations dans ce triptyque de la prise en charge de cette

problématique sociétale, en tant que complément indispensable pour offrir une réponse complète et adaptée aux besoins des personnes âgées en France.

Le cas Chez Daddy, quand l’associatif recrée une société

C’est en créant une structure d’aide à domicile que Philippe Albanel fut confronté aux enjeux liés au vieillissement, tels que l’isolement et la perte d’autonomie. La réalité de ce problème de société lui a inspiré le projet « Daddy », avec l’idée de créer un maillage intergénérationnel et une « communauté de quartier » identifiable et reconnaissable, facilitant les relations de qualité entre les générations.

Avant l’ouverture des cafés Chez Daddy, Philippe Albanel organisait, au sein de son association, des événements de quartier visant à encourager les rencontres entre les générations. Ces activités ont été positivement saluées par divers partenaires, dont la mairie de Lyon 4. Après un an et demi, Philippe Albanel s’est vu attribuer un espace dans une résidence autonome permettant de prolonger son initiative en créant un café accueillant, chaleureux et animé, conçu spécifiquement pour favoriser les rencontres intergénérationnelles mais aussi une présence vers laquelle se tourner.

Dès le lancement du projet du café, les bénévoles et les bénéficiaires ont été intégrés dans la construction physique et dans la définition du lieu. La programmation des animations (2 par jour, 80 à 120 par mois), l’offre de restauration et de jeux de société ont été pensées avec et pour les bénévoles et les adhérents afin de créer un lieu comme une extension de chez soi, un lieu chaleureux et convivial où faire des nouvelles rencontres.

Philippe Albanel souligne que la construction du café avec les bénévoles et adhérents fut un moment clé qui a donné son essence au café Chez Daddy. Cette aventure commune a créé un lien fort entre les membres visible dès l’ouverture du premier café (2020) et aujourd’hui avec l’ouverture prochaine de 13 cafés. L’engagement de la communauté Chez Daddy, bénévoles, adhérents, partenaires ont joué le rôle de prescripteurs permettant d’avoir plus d’adhérents, l’extension du réseau. En seulement 3 ans, le réseau est passé de 1 café à 15 cafés. Une progression fulgurante pour une association notamment dans un contexte post-covid et inflationniste.

Le succès de Chez Daddy réside dans la réinvention d’une société avec les codes du café de quartier, en mettant l’accent sur la convivialité, la joie et la force du collectif, à travers une initiative altruiste plaçant l’individu au cœur de l’expérience et favorisant la proximité et l’animation pour répondre de manière durable à une problématique majeure. Chez Daddy compte parmi ses adhérents et bénévoles plusieurs catégories d’âge, englobant non seulement

les petits enfants, les parents, les étudiants, les jeunes actifs, et les personnes de plus de 65 ans. Cependant, il convient de noter que la seule catégorie qui pose des défis en termes de recrutement est celle des collégiens et lycéens. Un autre témoin de cette réussite se manifeste par l’engagement inébranlable des bénévoles qui sont formés, qui assurent des animations et le fonctionnement des cafés pendant le week-end. Cette réussite transparaît aussi dans les relations entre les bénévoles et les adhérents, notamment leur plaisir à se voir, se retrouver, à prendre des nouvelles, à se soutenir mutuellement dans les épreuves du quotidien et à collaborer pour élaborer des projets en faveur de Chez Daddy.

Un exemple fort de cette proximité entre les membres de l’association est l’accompagnement des adhérents dans les moments difficiles tels que le décès d’un conjoint. Philippe Albanel met en avant le cas d’une bénévole impliquée au sein du bureau de l’association. Cette bénévole a été aux côtés de son conjoint durant ses derniers moments, une période qui s’est avérée longue et particulièrement éprouvante.

Il souligne que les bénévoles et les responsables de l’association étaient informés de cette situation. Cependant, ils ignoraient que les membres de l’association s’étaient spontanément mobilisés pour distraire cette bénévole de ses préoccupations. Quelques semaines après le décès de son conjoint, cette bénévole avait des démarches administratives à accomplir en lien avec cet événement difficile.

Il était évident qu’elle avait du mal à s’y atteler, et deux bénévoles ont spontanément proposé de l’accompagner dans cette tâche. La prise de conscience de cette situation a conduit Philippe Albanel à réaliser que Chez Daddy n’était pas simplement une idée d’association, mais qu’elle était véritablement incarnée dans la réalité par de tels actes de solidarité et d’entraide.

Philippe Albanel souligne qu’aujourd’hui, que ce soit dans les cafés, les bars ou les bistrots, si vous ne venez pas accompagné ou en groupe, vous n’êtes pas sûr de rencontrer quelqu’un en raison de nos codes et de notre culture. Alors que Chez Daddy, tout est fait pour encourager et faciliter la rencontre entre des personnes qui ne se connaissent pas que ce soit autour d’un café, d’une animation, d’une soirée jeu ou d’un concert.

Aussi tout est pensé pour favoriser la création de liens, l’association a élaboré des services complémentaires visant à simplifier l’accès au café et à encourager davantage de visites. Parmi ces services figurent le cyclo- pousse, conçu pour transporter les individus à mobilité réduite jusqu’au café, ainsi que des appels de courtoisie et des visites à domicile, conçus pour maintenir le contact entre les bénévoles et les adhérents, notamment lorsque ces derniers se trouvent dans l’incapacité de se rendre physiquement au café, par exemple suite à

une opération chirurgicale. De plus, des repas partagés ont été institués, au cours desquels les adhérents apportent leur propre repas et se rejoignent pour déjeuner ensemble dans la convivialité. Certains bénévoles témoignent que

Chez Daddy propose un service de meilleure qualité par rapport à celui du secteur privé. Cette amélioration de la qualité est perceptible grâce à l’attention, l’animation et l’interaction constantes avec tous les membres de l’organisation. Contrairement à une offre privée axée sur l’assistance, Chez Daddy réunit un public partageant des motivations et des intérêts communs, ce qui favorise la cohésion et le sentiment d’appartenance à la structure, mais surtout à un groupe. La re-création d’un cercle social par Chez Daddy apporte une tranquillité d’esprit à l’entourage des adhérents, en particulier à leurs enfants. Pour ces derniers, cela constitue une garantie qu’ils ne se trouvent pas dans l’isolement, qu’ils demeurent actifs, mais surtout qu’ils éprouvent du plaisir.

Chez Daddy a significativement évolué avant de devenir ce réseau de café favorisant le maillage intergénérationnel. Cette initiative est l’aboutissement d’une réflexion entrepreneuriale qui démontre la complémentarité entreprise-association pour adresser de manière préventive les défis liés au vieillissement. En ce sens, Chez Daddy témoigne de la nécessité d’une approche préventive centrée sur l’aspect humain, en délaissant l’approche strictement médicale au profit d’une approche relationnelle.

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