Accueil / Droit Public & Etudes Politiques / LA PREPARATION DE LA LOI DE FINANCES AU SENEGAL / Les acteurs impliqués dans la loi de finances au Sénégal

Les acteurs impliqués dans la loi de finances au Sénégal

Pour citer ce mémoire et accéder à toutes ses pages
🏫 UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINS-LOUIS - UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de MASTER II - 2020
🎓 Auteur·trice·s
BABACAR CISS
BABACAR CISS

Les acteurs de la loi de finances au Sénégal jouent un rôle central dans l’élaboration du projet budgétaire, dominé par le pouvoir exécutif. Cet article analyse les procédures et réformes récentes visant à renforcer la transparence et l’efficacité des finances publiques.


PREMIERE PARTIE : ELABORATION DU PROJET DE LOI DE FINANCES

C’est l’étape dite administrative de la préparation de la loi de finances. Elle est marquée par une prépondérance du pouvoir exécutif qui détient presque le monopole de l’élaboration du projet de loi de finances. Deux raisons essentielles peuvent expliquer cette prédominance : d’abord le fait que le budget constitue un moyen qui permet la traduction de la politique du gouvernement en action ; ensuite parce que le gouvernement est le seul à disposer des ressources techniques et humaines nécessaires1 à la mise au point du budget.

En conséquence, il paraît tout à fait « légitime que celui-ci soit chargé de la préparation de ce texte »2. Cette prérogative a été même soulignée dans une décision du Conseil constitutionnel français qui prévoit que les lois de finances sont « nécessairement d’initiative gouvernementale »3.

Ces considérations révèlent donc à suffisance le caractère raisonnable de la soumission de l’élaboration du projet de la loi de finances à la responsabilité des autorités exécutives. Ces dernières jouent les premiers et plus importants rôles dans cette phase budgétaire. Cependant il faut reconnaitre le rôle non moins important du pouvoir législatif et des institutions constitutionnelles dans cette étape.

Surtout avec les reformes nouvellement observées dans la pratique des finances publiques au sein de l’espace UEMOA ; réformes qui renforcent de façon plus ou moins importante les pouvoirs parlementaires en matière budgétaire. Il est de ce fait convenu que l’analyse de l’action gouvernementale dans la préparation du projet de loi de finances porte son sens plus dans le fait de s’intéresser à la détermination première des acteurs habilités et de leurs fonctions respectives dans son élaboration (Chapitre I) avant de procéder à l’étude de la procédure usuelle de mise en forme de la loi de finances (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES AUTEURS DU PROJET DE LOI DE FINANCES

Par auteurs on désigne, dans leur totalité, les acteurs intervenant dans la procédure. La préparation du projet de loi de finances dont la collégialité a été renforcée par la LOLF, est un processus aussi long, qui commence un an avant l’exercice budgétaire concerné, que complexe dans la mesure où il se fonde sur des prévisions économiques qui présentent, par nature, un fort degré d’incertitude. Au cœur de ce processus, l’on trouve principalement le pouvoir exécutif, le rôle du Parlement étant résiduel depuis 1958, même si la LOLF a tenté de le rehausser.

La préparation du projet de loi de finances met en scène plusieurs acteurs, chacun ayant un rôle déterminé et bien encadré à jouer. On trouve parmi eux, les autorités de la chaine politique et celles de la chaine managériale qui sont soumises, dans leurs missions, sous l’autorité et la responsabilité des autorités politiques. Dans la procédure on constate l’existence d’acteurs qui jouent toujours les premiers rôles ; on les qualifie d’acteurs primaires (Section 1) et d’autres qui exercent une fonction secondaire ; considérés comme des acteurs secondaires (Section 2).

Section 1 :

Les acteurs principales

Ce sont les acteurs qui interviennent en premier dans le processus d’élaboration de la loi de finances. Il s’agit principalement des chefs de l’exécutif (Paragraphe 1) avec leurs rôles un peu superficiels et du ministre des finances et du budget qui exerce un rôle primordial (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le chef de l’Etat et du Gouvernement

Le Président de la République, chef de l’Etat et le Premier ministre, chef du gouvernement sont les autorités supérieures de l’exécutif. Etant chefs, ils ont chacun un pouvoir budgétaire et participent tous les deux à la formulation du projet de la loi de finances.

En tant que chef de l’Etat et en vertu de ses responsabilités de garant du fonctionnement régulier des institutions, de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire4, le Président de la République du Sénégal est détenteur du pouvoir suprême de décision dans presque tous les domaines de l’action gouvernementale. De ce fait, il intervient dans plusieurs procédures à la fois politiques, constitutionnelles, législative et même judiciaire.

En effet, relativement à la procédure financière, c’est lui qui détermine les grandes orientations politiques, économiques, sociales et financières de l’Etat. L’interprétation de l’article 42 de la Constitution Sénégalaise en donne une compréhension suffisante. En fait, selon cette disposition, « Il détermine la politique de la nation »5 ; laquelle politique inclue nécessairement la politique financière et budgétaire de l’Etat. Cela serait d’ailleurs la raison pour laquelle Orsoni disait qu’une étude qui ignorerait l’influence du Président de la République en l’espèce serait « lacunaire »6.

Par ailleurs, spécifiquement pour le cas actuel du Sénégal qui se distingue d’autres Etats du fait qu’il n’est pas, au moment où l’on parle, dans un régime de bicéphalisme exécutif7, le Président de la République contrôle l’action du gouvernement et, par conséquent, le ministre sénégalais des finances et du budget est, durant cette étape, soumis à son commandement.

En clair, selon l’article premier du décret n°2020-2193 relatif aux attributions du ministre des finances et du budget : « Sous l’autorité du Président de la République, le Ministre des Finances et du Budget est chargé de la préparation et de l’exécution des lois de finances, de la gestion de la trésorerie de l’Etat, de la préparation et de l’application de la législation et de la réglementation fiscale et douanière et de la représentation de l’Etat devant la Cour Suprême, les Cours et Tribunaux. »

En outre, le chef de l’Etat exerce le pouvoir d’arbitrage final dans ce processus budgétaire. Selon l’article 42 de la Constitution précité, il « préside le conseil des ministres »8 ; conseil durant lequel le projet de loi de finances, après sa confection par le gouvernement, doit être validé avant sa transmission à l’assemblée Nationale.

De ce point de vue, il est incontestablement établi que le Président de la République est un acteur incontournable dans la réalisation du projet de loi de finances. Il en oriente la trajectoire, en assure l’arbitrage final et en délibère définitivement pendant le conseil des ministres. Son rôle reste donc conséquent en la matière.

A sa suite, le Premier ministre se voit, lui aussi, associé à cette procédure et joue une fonction importante dans cette étape. En tant que chef du gouvernement, institution en charge réellement de la conception du projet de budget. Le premier ministre est au-dessus de tous les autres ministres du gouvernement et coordonne leurs actions.

Plus précisément, l’article 53 de la Constitution Sénégalaise dispose que le Gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier Ministre9. Il conduit donc la politique budgétaire et financière de l’Etat et contrôle l’action du ministre des finances et du budget.

Le Premier ministre n’intervient pas dans le processus technique et administratif de préparation du budget, mais c’est lui qui fixe la stratégie budgétaire, à partir des grands choix qui lui sont proposés par le ministre des Finances.10 Toutefois il faut préciser qu’au Sénégal depuis la révision constitutionnelle de 2019, il n’existe plus, du moins pour le moment, de poste de premier ministre et donc de premier ministre car ayant été supprimé.

Au Sénégal, le ministre chargé des finances a été pendant longtemps sous l’autorité du Premier ministre11 dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances avant que n’intervienne récemment cette suppression constitutionnelle du poste de premier ministre12. Le Sénégal a ainsi basculé vers un exécutif monocéphale avec un seul chef qui exerce à la fois la fonction de chef de l’Etat et de celle de chef du gouvernement.

Dans les systèmes d’organisation bicéphale de l’exécutif, le Premier ministre exerce un rôle déterminant dans la préparation du projet de loi de finances. Il préside, à cet effet, le séminaire budgétaire au sortir duquel il dresse et adresse, au plus tard le 31 mai, aux ministres et aux présidents d’institution constitutionnelle, une lettre de cadrage dans laquelle il précise, pour les trois prochains exercices budgétaires, les grandes orientations de l’Etat annoncées dans le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle, aussi bien en matière de politique économique et sociale qu’en termes de stratégie de gestion des finances publiques.

Cette lettre précise les plafonds de l’évolution des dépenses de fonctionnement, de l’évolution des effectifs, de l’estimation des mesures salariales et de l’évolution des dépenses d’équipement. Elle contient aussi les délais dans lesquels les propositions des ministères doivent être communiquées à la direction chargée de la préparation du Budget.

Ces indications servent de base aux travaux de préparation des projets de budget des ministères et institutions. Il peut annexer à cette lettre le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle. Enfin, il se charge de la résolution des problèmes budgétaires qui surgissent durant le passage des ministres sectoriels au ministre des finances et du budget dans le cadre de la négociation de leurs allocations budgétaires. Cette résolution se fait au cours des arbitrages budgétaires sur les points de désaccords pouvant opposer les ministres dépensiers au ministre des finances et du budget.

________________________

1 Paul Marie GAUDEMET et Joel MOLINIER, Finances Publiques, Tome 1, Montchrestien, E.J.A, 7ème éd, 1996.

2 François CHOUVEL, Finances Publiques, Gualino, 23ème éd, 2020, p 61.

3 CC, 4 juin 1984, nº 84-170 DC, Loi portant ratification d’Ordonnances relatives à diverses mesures financières.

4 Article 42, alinéa 3ième de la Constitution du Sénégal de 2001.

5 La Constitution du Sénégal de 2001, article 42, alinéa 4.

6 ORSONI Gilbert, Sciences et Législations financières, Paris, ECONOMICA, 2003.

7 Loi constitutionnelle du 04 mai 2019, portant suppression du poste de premier ministre.

8 La Constitution du Sénégal de 2001, article 42, alinéa 5.

9 Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, article 53, alinéa 2.

10 François CHOUVEL, Finances Publiques, Gualino, 19ème édition, 2016, P.63.

11 Décret n°93-730 du 7 Juin 1993 relatif aux attributions du MEFP, article premier.

12 Loi constitutionnelle du 04 mai 2019, portant suppression du poste de premier ministre.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top