L’environnement commercial et la consommation de nourriture

L’environnement commercial et la consommation de nourriture

Chapitre IV – Observations expérimentales de l’effet de prix et influence de l’environnement commercial sur la consommation de nourriture et d’exercice physique

Au chapitre précédent, nous avons parlé de la façon dont les prix peuvent influencer notre consommation. L’analyse économique nous demande de soumettre l’hypothèse que les agents sont rationnels et qu’ils vont se tourner vers l’option la plus avantageuse pour eux. Mais l’économie comportementale vérifie la théorie et cherche à résoudre les questions suivantes.

Est-ce que les individus à faible revenu se tournent nécessairement vers la nourriture plus dense en calories car elle est moins dispendieuse? La nourriture dans son ensemble est-elle un bien élastique ou est-il possible que des facteurs non-monétaires fassent en sorte qu’ils préfèrent se tourner vers le fast-food rendant la demande pour cette nourriture plus inélastique? Ce chapitre tentera de répondre à cette question.

De plus, au chapitre précédent nous avons abordé la question de l’environnement et le rôle crucial qu’il joue sur le choix comportemental des gens, ce qui contribue à l’obésité. Nous traiterons également de cette question et plus particulièrement de l’impact de l’environnement commercial sur les enfants.

4.1 Explication des choix du consommateur avec l’économie comportementale

L’économie comportementale est de la recherche économique qui cherche à vérifier la théorie économique de façon expérimentale. Pour résumer la pensée de Bickel et al. (2000), la première façon de mesurer le comportement d’un individu en économie comportementale est par sa consommation de biens ou services. En deuxième lieu, il faut tenir compte des éléments pouvant jouer sur la consommation, dont la dépense. Celle-ci peut correspondre entre autre à l’argent ou au temps qu’un individu va mettre pour obtenir un bien ou un service.

Le prix étant la principale variable pouvant affecter la consommation, son augmentation va faire baisser la demande, selon l’élasticité de celle-ci. L’accessibilité, la facilité et la conséquence pour se procurer un bien ou un service vont également affecter la consommation.

Troisièmement, il y a des substituts de ces biens et services qui vont également jouer sur la demande, qu’ils soient complets (ex : Pepsi vs Coke) ou partiels (ex : thé vs café). L’accessibilité de ces substituts compétiteurs peut influencer sur la consommation. Par exemple, si un individu doit parcourir une longue distance pour pratiquer son sport favori et que le prix est trop élevé selon sa fonction d’utilité, ceci peut influencer sa pratique d’exercice physique en la substituant par une activité sédentaire moins coûteuse et plus accessible (comme regarder la télévision).

Quatrièmement, il faut prendre en considération le fait que les biens soient indépendants ou compléments. Cinquièmement, le revenu du consommateur va influencer le type de bien qu’il va choisir (biens normaux, inférieurs ou supérieurs).

En dernier lieu, il y a une différence individuelle dans le choix de mode de vie du consommateur qui peut-être influencé par plusieurs facteurs (éducationnel, environnemental, etc.).

Le modèle quantitatif suivant exprime le choix qu’un individu va faire :

B1 / B2 = k (A1 / A2) SA * (D2 / D1) SD

Où Bi représente les choix s’offrant au consommateur

Ai représente la somme du résultat

Di représente le délai et le coût nécessaire pour obtenir le résultat

Si k > 1 le résultat est biaisé en faveur de l’option 1, si k < 1 il l’est en faveur de l’option 2

SA représente la sensibilité du consommateur face à la somme du résultat

SD représente la sensibilité du consommateur face au délai et au coût d’obtenir le résultat

4.2 Différences dans l’élasticité de la demande de nourriture chez les consommateurs

La nourriture motive aussi bien les animaux que les humains. Par contre chez les humains, il y a des différences individuelles substantielles dans la valeur renforçante de la nourriture, qui serait décroissante mais à des niveaux différents. Pour évaluer la valeur de la nourriture pour un individu, la méthode utilisée en économie comportementale est de confronter ce choix avec des alternatives.

Des études de laboratoire (Epstein et al., 1991) (Epstein et Lappalainen, 1990) auprès de sujets normaux, ont démontré que, quand le travail nécessaire pour obtenir un bien ou un service augmente, les gens vont progressivement le délaisser au profit de son alternative, peu importe leurs besoins ou leurs préférences, [par exemple dans l’étude d’Epstein et al. (1991) où l’on faisait la comparaison entre les aliments très aimés à haute teneur calorique, avec les aliments moins appréciés à basse teneur calorique chez les enfants obèses.] Ceux-ci décidaient initialement de travailler pour obtenir les aliments riches en calorie.

En revanche, ils choisissaient progressivement de se tourner vers les aliments à faible teneur calorique lorsque le travail demandé pour obtenir les aliments riches en calorie augmentait. Ces études suggèrent que bien que les préférences personnelles aient un rôle à jouer dans le choix alimentaire d’un individu selon sa fonction d’utilité, les aliments moins appréciés peuvent substituer pour des aliments très appréciés lorsque la facilité d’accès de ces derniers est réduite suite à des modifications environnementales.

En revanche, dans une étude de Glover et Hanley (1993) faite auprès de personnes souffrant du syndrome de Prader-Willi, une maladie qui amène les gens à trop manger, les sujets étaient placés dans une salle donnant accès à de multiples activités et pour obtenir de la nourriture, ils devaient fournir un effort croissant en intensité. Ils pouvaient à tout moment choisir d’arrêter de manger pour faire une autre activité.

Les résultats démontrent qu’ils ont fourni l’effort maximal pour obtenir la quantité maximale de nourriture qu’il était permis d’obtenir. Ceci démontre que les autres activités ne substituaient pas du tout la nourriture pour ces gens, nonobstant la quantité de travail nécessaire pour obtenir cette nourriture.

En conclusion de ces deux études, nous pouvons affirmer que changer l’environnement peut avoir un impact sur l’alimentation de la majorité de la population incluant ceux chez qui de prime abord y seraient réfractaires. Mais il y aura toujours une minorité de personnes qui n’ont pas de contrôle sur eux-mêmes et qui seront insensibles à ces changements.

4.3 Différences dans l’élasticité de la demande d’activité physique et sédentaire chez les consommateurs

Selon Bickel et al. (2000), il y a des différences dans le choix individuel des gens de privilégier les activités sédentaires ou physiques. En examinant en laboratoire la différence à savoir si les enfants obèses et les enfants non-obèses avaient une même fonction d’utilité face à l’exercice et à l’activité sédentaire, ils ont trouvé que presque tous les enfants passaient la majorité de leur temps à faire des activités sédentaires, quand on leur laisse le choix entre les deux types d’activités.

Par contre, quand on demandait aux enfants de fournir des augmentations de travail progressives pour avoir accès aux activités sédentaires, par rapport aux activités physiques, les enfants obèses ne se sont pas mis à faire de l’activité physique, malgré la large disparité dans le travail demandé pour avoir accès aux activités sédentaires par rapport aux activités physiques.

Cela n’était pas le cas des enfants non-obèses ou en surpoids qui ont opté pour l’activité physique. Cette étude suggère que l’élasticité de la demande est différente selon le taux d’obésité des gens, mais le coût en travail peut influencer sur les choix d’activités de la majorité de la population.

Pour expliquer ces différences individuelles importantes dans la valeur accordée à l’activité physique, Bickel et al. (2000) affirment qu’elles varient principalement selon le milieu d’où on vient. Les enfants de parents actifs seraient davantage actifs, car ceux-ci arrangeraient l’environnement familial en conséquence.

En revanche, les individus obèses provenant de familles où au moins un membre de la famille immédiate est obèse seraient plus portés à valoriser les comportements qui amènent une balance calorique excédentaire.

De nos jours, la quasi-totalité des ménages canadiens possèdent au moins une télévision et un ordinateur. L’inscription à une activité physique pour un enfant est un frais qui s’ajoute à tout cela et plusieurs parents n’en ont tout simplement pas les moyens. L’activité physique est donc un bien de luxe.

Mais, selon Bickel et al. (2000) la majorité des gens passeraient de sédentaires à actifs si le coût d’être sédentaire par rapport au coût d’être actif augmenterait. De plus, dans l’environnement de la majorité des individus, l’accès aux activités sédentaires est beaucoup plus grand que l’accès à l’activité physique. Une étude auprès des résidents de San Diego (Sallis et al., 1998) a déterminé que la fréquence d’activité physique d’une personne était liée à la proximité des facilités d’entraînement de sa maison. (Coleman et al., 1998) affirme également dans son étude où il a testé l’influence de la proximité sur le comportement des gens que la facilité d’accès à l’exercice a un rôle important à jouer pour déterminer le niveau d’activité physique.

Dans cette étude, une distance de marche de 5 minutes était suffisante pour que les individus adoptent un comportement actif ou sédentaire. Ces données suggèrent donc, qu’un changement dans l’environnement, qui augmente la proximité de l’activité physique et qui diminue l’accès aux activités sédentaires va faire en sorte d’augmenter l’activité physique.

Malheureusement, notre environnement est devenu saturé par des activités sédentaires facilement accessibles et pratiques qui diminuent l’attrait d’être actif physiquement. Cet environnement sédentaire a possiblement augmenté l’efficacité renforcissante de l’activité sédentaire et diminué l’efficacité renforcissante de l’activité physique selon Bickel et al. (2000).

Selon l’étude (Saelens et al., 2000) faite auprès d’enfants, ce sont les activités sédentaires hautement appréciés qui rentreraient en compétition directe avec l’activité physique et non celles faiblement appréciés.

Donc, il est faux de dire que toutes les activités sédentaires (par exemple : jouer à l’ordinateur et lire) sont parfaitement substituables, elles ont une valeur différente pour chaque individu. Epstein et al. (1991) affirment que chez les enfants non- obèses ou en surpoids, leur offrir une large gamme d’accès à l’activité physique les incitait à être plus actifs. Donc, les activités physiques ne sont pas parfaitement substituables.

Un enfant ayant facilement accès à une activité physique qui lui plaît sera moins sédentaire. Coleman et al. (1998) affirment que le choix d’être actif ou non va dépendre des types d’activités qui sont en compétition les unes avec les autres. Réduire l’accès à certaines activités sédentaires va faciliter la pratique d’activité physique.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La situation de l’obésité juvénile au Canada
Université 🏫: Université du Québec à Montréal UQAM
Auteur·trice·s 🎓:
Jules Dessureault

Jules Dessureault
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en économique - 2010
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